Vu la requête, enregistrée le 6 avril 2007 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la société civile immobilière L'ESPACE VICTOR HUGO, dont le siège est 3 rue Jean Jaurès à Evreux (27000), par Me Carnelutti ; la société L'ESPACE VICTOR HUGO demande à la Cour :
11) d'annuler le jugement n° 0201803 du 30 janvier 2007 par lequel le Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à la décharge des droits complémentaires de taxe sur la valeur ajoutée qui ont été mis à sa charge pour la période du 1er juillet 1997 au
31 mars 2000 ;
2°) de prononcer la décharge demandée ;
3°) de condamner l'Etat au versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que la remise en cause de la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée est contraire aux dispositions de la sixième directive ; qu'en effet ses activités ne sont pas occasionnelles au sens de l'article 4-3 de cette directive ; que son assujettissement résulte de l'application des articles 4-1, 4-2 et 5 de la directive ; que la société civile immobilière n'ayant que le droit de construire sur un sol qu'elle n'a pas acquis, l'ensemble de l'opération demeure dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée ; que le coût des constructions ayant concouru à la production d'un bien ayant donné lieu à des opérations taxables, la taxe y afférente doit être intégralement déduite ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire, enregistré le 6 août 2007, présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que la régularisation par le reversement de la taxe sur la valeur ajoutée est fondée et n'est pas contraire à la sixième directive ; que la société relève de l'article 4-3 de la directive en tant qu'assujettie à raison d'une opération qui a concouru à la production d'un seul immeuble neuf ; que la notion d'habitude en matière d'impôts directs est inopérante ; que le droit communautaire ne subordonne pas l'assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée immobilière à la condition que le terrain attenant soit également cédé ; que le droit de déduction reste subordonné à la réalisation d'opérations soumises à la taxe sur la valeur ajoutée ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la sixième directive du Conseil des Communautés Européennes du 17 mai 1977 ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 décembre 2007 à laquelle siégeaient M. Jean-Claude Stortz, président de chambre, M. Alain Dupouy, président-assesseur et M. Alain de Pontonx, premier conseiller :
- le rapport de M. Alain de Pontonx, premier conseiller ;
- et les conclusions de M. Pierre Le Garzic, commissaire du gouvernement ;
Considérant que la société civile immobilière de construction-vente L'ESPACE VICTOR HUGO a fait édifier à Evreux un ensemble immobilier pour lequel la déclaration d'achèvement des travaux a été déposée le 30 juin 1994 ; qu'au cours de la vérification de comptabilité dont la société a fait l'objet, le service a constaté qu'à l'expiration du délai de cinq ans courant à compter de l'achèvement de cet ensemble immobilier dont s'agit, elle avait omis de reverser la taxe sur la valeur ajoutée, déduite au titre des coûts de construction, afférente à quarante six lots invendus ; que le service a procédé aux rappels des droits correspondants ainsi qu'à la taxe déduite au cours du quatrième trimestre de 1999 et du premier trimestre 2000 afférente aux travaux d'aménagement et aux frais de gestion correspondant à ces lots invendus ;
Considérant qu'aux termes du 3 de l'article 4 de la sixième directive TVA n° 77/388/CEE du 17 mai 1977 : « Les Etats membres ont la faculté de considérer également comme assujetti quiconque effectue, à titre occasionnel, une opération relevant des activités visées au paragraphe 2 et notamment une des opérations suivantes : a) la livraison d'un bâtiment ou d'une fraction de bâtiment et du sol y attenant, effectuée avant sa première occupation ; les Etats membres peuvent définir les modalités d'application de ce critère aux transformations d'immeubles, ainsi que la notion de sol y attenant. Les Etats membres ont la faculté d'appliquer d'autres critères que celui de la première occupation, tels que celui du délai écoulé entre la date d'achèvement de l'immeuble et celle de la première livraison, ou celui du délai écoulé entre la date de la première occupation et celle de la livraison ultérieure, pour autant que ces délais ne dépassent pas respectivement cinq et deux ans. Est considérée comme bâtiment toute construction incorporée au sol » ; que le B de l'article 13 de la même directive dispose : « Sans préjudice d'autres dispositions communautaires, les Etats membres exonèrent, dans les conditions qu'ils fixent en vue d'assurer l'application correcte et simple des exonérations prévues ci-dessous (...) : g) les livraisons de bâtiments ou d'une fraction de bâtiment et du sol y attenant autres que ceux visés à l'article 4 paragraphe 3 sous a) » ; que le b du paragraphe 3 de l'article 28 de la même directive précise qu'au cours de la période transitoire, les Etats membres peuvent « continuer à exonérer les opérations énumérées à l'annexe F dans les conditions existantes dans l'Etat membre » ; que ces opérations incluent « les livraisons de bâtiments visées à l'article 4 paragraphe 3 » ; qu'aux termes de l'article 17 (...) 2. Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de ses opérations taxées, l'assujetti est autorisé à déduire de la taxe dont il est redevable : a) la taxe sur la valeur ajoutée due ou acquittée pour les biens qui lui sont ou lui seront livrés et pour les services qui lui sont ou lui seront rendus par un autre assujetti (...) » ;
Considérant qu'aux termes de l'article 257 du code général des impôts : « Sont également soumis à la taxe sur la valeur ajoutée (:..) 7° Les opérations concourant à la construction ou à la livraison d'immeubles. 1. Sont notamment visés : (...) b) Les ventes d'immeubles (...) 2. Les dispositions qui précèdent ne sont pas applicables : Aux opérations portant sur des immeubles ou parties d'immeubles qui sont achevés depuis plus de cinq ans (...) » ; qu'aux termes de l'article 271 du même Code : « -1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération (...) » ; et qu'aux termes de l'article 221 de l'annexe II dudit code : « Le montant de la taxe dont la déduction a déjà été opérée doit être reversé dans les cas ci-après : (...) Lorsque les biens ou services ayant fait l'objet d'une déduction de la taxe qui les avait grevés ont été utilisés pour une opération qui n'est pas effectivement soumise à l'impôt » ;
Sur la compatibilité avec la sixième directive :
Considérant que la société requérante soutient que les dispositions du 7° de l'article 257 du code général des impôts lui ont été appliquées en violation du droit communautaire dès lors que l'article 4-3 de la sixième directive n° 77/388/CEE du 17 mai 1977 ne concerne que les activités occasionnelles dont elle ne relève pas, au motif que son activité immobilière, depuis sa création, est continue en vue d'assurer la construction, la promotion, la vente et la location de locaux ; que toutefois la société a eu pour objet la construction d'un ensemble immobilier constituant une opération unique ; qu'elle ne peut utilement invoquer qu'en matière d'impôt direct la revente par lots d'un immeuble unique remplit la condition d'habitude requise pour l'imposition en qualité de marchand de biens, s'agissant d'un impôt différent ; que, dès lors, la société L'ESPACE VICTOR HUGO est un redevable réalisant une opération à titre occasionnel au sens de l'article 4-3 de cette directive ; qu'elle n'est donc pas fondée à soutenir qu'au motif qu'elle entrerait dans le champ d'application de la taxe en vertu du 1 et 2 de la directive sans relever par ailleurs d'une exonération, le délai de cinq ans après l'achèvement qui lui a été opposé serait contraire à ladite directive ;
Considérant qu'au regard du droit communautaire et des fins de la taxe sur la valeur ajoutée, il ressort de l'article 4 § 3 a) de la sixième directive que les bâtiments ou fractions de bâtiment et le sol y attenant ne peuvent être dissociés ; que toutefois cette règle, qui a pour effet d'interdire aux Etats de réserver un sort fiscal différent au regard de la taxe sur la valeur ajoutée entre les bâtiments et le terrain qui leur sert d'assiette, n'a pas pour effet d'exclure du champ d'application de cette taxe les opérations de livraisons de bâtiment pour lesquelles le propriétaire des constructions ne détiendrait pas celle du terrain ; qu'ainsi la société n'est pas fondée à soutenir qu'au motif qu'elle n'a acquis que le droit de construire au dessus d'un sol dont elle n'est pas propriétaire, l'opération demeurerait dans le champ d'application de la taxe au-delà du délai de cinq ans écoulé après la date de l'achèvement de l'immeuble ;
Considérant qu'il ressort des dispositions de l'article 17 de ladite directive que le droit à déduction est subordonné à l'utilisation des biens pour les besoins des opérations taxées de l'assujetti ; que les locaux invendus de la société requérante sont sortis du champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée à l'expiration du délai de cinq ans après l'achèvement ; qu'en excluant dans ce cas la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée attachée aux coûts de construction, les dispositions de l'article 257-7° du code général des impôts ne sont pas, contrairement à ce que soutient la société requérante, incompatibles avec les objectifs de la sixième directive ;
Sur le bien-fondé des impositions :
Considérant qu'en application des dispositions de l'article 271 du code général des impôts, la taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé le prix d'une opération n'est déductible que dans le cas où cette opération est elle-même soumise à la taxe ; qu'il résulte, en conséquence, de la combinaison de ces dispositions et de celles de l'article 257-7° précité du même code, que lorsqu'un immeuble n'est pas vendu à l'expiration du délai de cinq ans qui suit son achèvement, il sort du champ d'application de la taxe et la condition à laquelle est subordonné l'exercice du droit à déduction n'étant plus remplie, la taxe sur la valeur ajoutée primitivement déduite doit être immédiatement reversée, sans qu'il y ait lieu d'attendre la réalisation d'une opération de cession ; qu'ainsi les rappels assignés à la société L'ESPACE VICTOR HUGO ont été opérés à bon droit sur le fondement de l'article 271 du code général des impôts ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société L'ESPACE VICTOR HUGO n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande ; que doivent être rejetées, en conséquence, les conclusions de la société L'ESPACE VICTOR HUGO tendant au bénéfice de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DÉCIDE :
Article ler : La requête de la société L'ESPACE VICTOR HUGO est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société civile immobilière L'ESPACE VICTOR HUGO et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.
Copie sera transmise au directeur des services fiscaux chargé de la direction de contrôle fiscal Nord.
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N°07DA00531