Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société SADEF a demandé au Tribunal administratif de Paris, d'une part, d'annuler la décision du 24 octobre 2013 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a procédé au retrait de sa décision implicite de rejet du
11 octobre 2013, et a rejeté son recours hiérarchique tendant à l'annulation de la décision de l'inspecteur du travail du 12 avril 2013 refusant d'autoriser le licenciement de M. C...D..., d'autre part, d'annuler la décision implicite du 11 octobre 2013 du ministre et la décision de l'inspecteur du travail du 12 avril 2013.
Par un jugement n° 1318385/3-1 du 10 juin 2014, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 28 juillet 2014, la société SADEF, représentée par Me E..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1318385/3-1 du 10 juin 2014 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du 12 avril 2013 de l'inspecteur du travail, la décision par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a implicitement rejeté son recours hiérarchique et la décision du 24 octobre 2013 du ministre ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme des salaires perçus par M. D...entre la date de demande d'autorisation de travail adressée à l'inspecteur du travail et la décision à intervenir ;
4°) de condamner l'Etat à réparer le préjudice causé par l'illégalité des décisions de l'inspecteur du travail et du ministre du travail ;
5°) d'enjoindre au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social ou à l'inspecteur du travail d'autoriser le licenciement de M. D...ou à défaut de procéder au réexamen de sa demande ;
6°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
S'agissant de la décision de l'inspecteur du travail :
- elle est entachée d'une insuffisance de motivation ;
- elle est entachée d'erreur de droit en ce que l'inspecteur du travail n'a pas informé la société qu'elle devait procéder à la modification de la qualification juridique de sa demande de licenciement ;
- elle est également entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
S'agissant de la décision du ministre du 24 octobre 2013 :
- elle a été signée par une autorité incompétente ;
- elle est entachée d'une insuffisance de motivation ;
- elle est entachée d'une erreur de droit, le ministre n'ayant pas recherché si les faits en cause sont établis et de nature compte tenu de leur répercussion sur le fonctionnement de l'entreprise à rendre impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
S'agissant de la demande indemnitaire :
- du fait de l'illégalité des décisions de l'inspecteur du travail et du ministre, elle a subi un préjudice correspondant au montant des salaires perçus par M. D...entre la date de la demande d'autorisation de travail adressée à l'inspecteur du travail et l'arrêt à intervenir.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 février 2015, le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- s'agissant de la décision de l'inspecteur du travail, la demande de la société est devenue sans objet du fait de son retrait par la décision du ministre ;
- s'agissant de la décision du ministre du 24 octobre 2013, les moyens soulevés par la société SADEF ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Lapouzade,
- et les conclusions de M. Sorin, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Par une décision en date du 12 avril 2013, l'inspecteur du travail de la direction régionale de Paris a rejeté la demande de licenciement par la société SADEF, de M.D..., salarié en qualité de chef de secteur au magasin de Migennes (89400) qui exerçait les mandats de délégué syndical CFDT, délégué du personnel du magasin M. F...et de membre suppléant du comité d'entreprise, auquel il était fait grief, d'une part, d'avoir financé l'acquisition d'une voiture à usage personnel par un chèque d'un montant de 3 500 euros tiré sur le compte du comité d'entreprise et d'avoir ainsi, profitant de son mandat de membre du comité d'entreprise et de son poste de trésorier adjoint, utilisé le chéquier du comité d'entreprise à des fins personnelles, d'autre part, d'avoir perturbé le fonctionnement de l'entreprise dans son ensemble. D'une part, l'inspecteur du travail a considéré que la société SADEF ayant situé sa demande de licenciement sur un terrain disciplinaire, les faits invoqués ne pouvaient être retenus à l'appui d'une telle demande dès lors qu'ils étaient survenus à l'occasion de l'exercice d'un mandat représentatif et donc en dehors de l'exécution par le salarié de son contrat de travail. D'autre part, l'inspecteur du travail a considéré que les faits reprochés à l'intéressé n'étaient pas de nature à rendre impossible le maintien du salarié dans l'entreprise tant en considération des fonctions exercées que de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail du salarié. Par une décision en date du 24 octobre 2013, le ministre chargé du travail a, d'une part, annulé sa décision implicite née le 11 octobre 2013 de son silence gardé sur le recours hiérarchique déposé le 11 juin 2013 par la société SADEF et, d'autre part, a annulé la décision de l'inspecteur du travail qui avait considéré que la demande de licenciement de la société se plaçait pour partie au moins sur le terrain disciplinaire, alors que cette demande, selon le ministre, se fondait exclusivement sur l'existence d'un trouble objectif majeur, ce qui n'est d'ailleurs pas contesté devant le juge et ressort des termes mêmes de la demande. Le ministre a rejeté la demande de licenciement en estimant que les faits reprochés à M. D...ne rendaient pas impossible le maintien de son contrat de travail.
Sur les conclusions de la requête dirigées contre la décision du ministre chargé du travail du 24 octobre 2013 :
En ce qui concerne la légalité externe :
2. En premier lieu, M. B...A..., directeur adjoint du travail, chef du bureau des recours, du soutien et de l'expertise juridiques de la direction générale du travail, a reçu délégation du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social par une décision du 18 janvier 2012, régulièrement publiée au Journal officiel le 5 février 2012. Le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision du 24 octobre 2013 doit donc être écarté comme manquant en fait.
3. La décision qui mentionne les articles L. 2411-3, L. 2411-5 et L. 2411-8 du code du travail, comporte dans ses visas et motifs les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Dès lors, elle répond aux exigences de l'article R. 2421-12 du code du travail alors même qu'elle ne ferait pas état de tous les éléments relatifs à la situation ayant conduit la société SADEF à solliciter une autorisation afin de licencier M. D.... Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation ne peut qu'être écarté.
En ce qui concerne la légalité interne :
4. En vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail. Lorsque leur licenciement est envisagé, celui-ci ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou avec leur appartenance syndicale. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un acte ou un comportement du salarié survenu en dehors de l'exécution de son contrat de travail, notamment dans le cadre de l'exercice de ses fonctions représentatives, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits en cause sont établis et de nature, compte tenu de leur répercussion sur le fonctionnement de l'entreprise, à rendre impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, eu égard à la nature de ses fonctions et à l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé.
5. M.D..., chef de secteur au sein de la société SADEF, membre suppléant du comité d'entreprise, ainsi qu'il a été dit, reconnaît avoir utilisé le chéquier du comité d'établissement qu'il détenait en qualité de trésorier adjoint de ce comité, afin d'acheter un véhicule d'occasion, pour un montant de 3 500 euros. La société soutient que, de par ses fonctions de chef de secteur et d'élu du personnel M. D...se devait de faire preuve d'une attitude exemplaire et fait valoir, d'une part, que quatre employés du magasin de Migennes où est affecté l'intéressé ont été licenciés en octobre 2012 à la suite du détournement de points de fidélités à leur profit, faits d'une gravité moindres que ceux reprochés à M.D..., et, d'autre part, que les agissements de M. D...sont de nature à porter atteinte à l'image de la société. Toutefois, la société SADEF qui n'apporte aucune précision sur la nature des fonctions de chef de secteur exercées par M.D..., notamment sur le fait que celles-ci conféreraient à M. D...une autorité sur d'autres salariés, n'établit pas que les agissements dont s'agit seraient de nature à rendre impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, eu égard à la nature des fonctions qu'il exerce. D'ailleurs, le comité d'établissement, au détriment duquel a été émis le chèque, n'a pas, lorsqu'il s'est prononcé sur la demande de licenciement de M.D..., émis un avis favorable au licenciement de l'intéressé, seuls deux de ses membres sur huit s'étant prononcés en ce sens, et des membres de ce comité ont insisté sur l'état de santé et les traitements suivis à l'époque par l'intéressé qui auraient pu être de nature à altérer ses capacités de discernement. Par suite, la société SADEF n'est pas fondée à soutenir que le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, à qui il n'appartenait pas de demander à la société SADEF de reformuler sa demande sur un autre fondement juridique, notamment celui de la faute, a commis une erreur de droit ou une erreur d'appréciation en retenant que les faits reprochés ne rendaient pas impossible le maintien de M. D...dans l'entreprise.
Sur les conclusions de la requête dirigées contre la décision implicite du ministre et la décision de l'inspecteur du travail :
6. Les conclusions dirigées contre la décision du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social du 24 octobre 2013, qui retirait sa décision implicite née le 11 octobre 2013 du silence gardé sur le recours hiérarchique de la société SADEF et la décision de l'inspecteur du travail du 12 avril 2013, étant rejetées, ainsi qu'il résulte de ce qui précède, les conclusions de la requête dirigées contre les décisions des 11 octobre 2013 et 12 avril 2013 doivent, en tout état de cause, être rejetées.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
7. Les conclusions à fin d'annulation des décisions du ministre et de l'inspecteur du travail étant rejetées, doivent être rejetées, par voie de conséquence, les conclusions de la requête tendant à ce qu'il soit enjoint au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social ou à l'inspecteur du travail d'autoriser le licenciement de M. D... ou à défaut de procéder au réexamen de sa demande.
Sur les conclusions indemnitaires :
8. D'une part, en conséquence du rejet des conclusions à fin d'annulation dirigées contre la décision du ministre du 24 octobre 2013, doivent être rejetées les conclusions à fins indemnitaires de la requête en tant qu'elles se fondent sur l'illégalité qui aurait entaché cette décision. D'autre part, l'illégalité qui entachait la décision de l'inspecteur du travail et la décision implicite du ministre et qui a entraîné le retrait de ces décisions n'est pas de nature à engager la responsabilité de l'Etat dès lors ces décisions, qui rejetaient la demande d'autorisation de licenciement de la société SADEF était, au fond, fondées.
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme de 3 000 euros demandée à ce titre par la société SADEF soit mise à la charge de l'Etat, lequel n'est pas la partie perdante à l'instance.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société SADEF est rejetée.
Article 2: Le présent arrêt sera notifié à la société SADEF, au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social et à M. C...D....
Délibéré après l'audience du 1er février 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Lapouzade, président de chambre,
- M. Luben, président assesseur,
- Mme Bernard, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 15 février 2016.
Le président rapporteur,
J. LAPOUZADELe président assesseur,
I. LUBEN
Le greffier,
A. CLEMENTLa République mande et ordonne au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 14PA03407