Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... D... et Mme C... E... ont demandé au tribunal administratif de Versailles de prononcer la décharge, en droits, pénalités et intérêts de retard, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2015, 2017, 2018 et 2019.
Par un jugement nos 2101726 - 2101727 - 2101728 - 2101729 du 29 novembre 2022, le tribunal administratif de Versailles les a déchargés, en droits, pénalités et intérêts de retard, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu mise à leur charge au titre de l'année 2015 et a rejeté le surplus de leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés le 1er décembre 2022 et le 27 juin 2023, M. D... et Mme E..., représentés par Me de Larminat, avocat, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de leur demande ;
2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu restant à leur charge ;
3°) de condamner l'État aux entiers dépens et de mettre à sa charge la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- l'administration leur a accordé un délai supplémentaire, jusqu'au 8 octobre 2020, pour produire des observations à la proposition de rectification du 7 août 2020 ; ils ont respecté ce délai ; l'administration était tenue de répondre à leurs observations, qui portaient sur le fond des redressements, ce qu'elle a refusé de faire, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ;
- la proposition de rectification est insuffisamment motivée au regard de la doctrine BOI-CF-IOR-10-40 du 4 octobre 2017 ;
- même si le rehaussement relatif au déficit foncier était fondé, il n'entraînerait pas de supplément d'imposition, en raison d'une réduction d'impôt dans le capital des PME à laquelle ils avaient droit pour l'année 2017, puis de son report sur l'année 2018 ; en 2019, il n'y aurait pas non plus de cotisation supplémentaire résultant de ce rehaussement du fait du report de la réduction d'impôt dont ils viennent de faire état et d'une réduction d'impôt liée à un investissement B... ; ils ont bien déclaré la somme de 17 591 euros de revenus fonciers en 2019 et ne s'expliquent pas pourquoi cette somme n'a pas été prise en compte ;
- l'avis de dégrèvement produit par l'administration ne fait pas état du dégrèvement qui aurait été prononcé en exécution du jugement attaqué.
Par un mémoire en défense enregistré le 30 mai 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au non-lieu partiel à statuer et au rejet du surplus de la requête.
Il fait valoir que :
- la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu mise à la charge des requérants au titre de l'année 2018 a été partiellement dégrevée ;
- les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Liogier,
- et les conclusions de M. Illouz, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... D... et Mme C... E... ont fait l'objet d'un contrôle sur pièces de leur dossier fiscal à l'issue duquel l'administration leur a proposé des rectifications dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, des revenus fonciers et une reprise d'impôt pour investissement dans le capital des petites et moyennes entreprises (PME) au titre des années 2015, 2017, 2018 et 2019. Ils font appel du jugement du tribunal administratif de Versailles du 29 novembre 2022 en tant qu'il a rejeté le surplus de leur demande de décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2017 à 2019.
Sur l'étendue du litige :
2. Par une décision du 31 mai 2023, postérieure à l'introduction de la requête, le directeur départemental des finances publiques des Yvelines a prononcé le dégrèvement partiel de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu établie au titre de l'année 2018 à concurrence de 947 euros en droits. Ainsi, les conclusions à fin de décharge de la requête sont, dans cette mesure, devenues sans objet.
Sur le surplus des conclusions :
En ce qui concerne la procédure d'imposition :
3. En premier lieu, aux termes du premier alinéa de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) ". Il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler ses observations de façon entièrement utile.
4. Il résulte de l'instruction que la proposition de rectification en date du 7 août 2020 adressée aux requérants indique l'impôt concerné, la période d'imposition, les articles du code général des impôts fondant les rappels litigieux, détaille les faits, pour chacune des catégories d'imposition et chacun des rehaussements, sur lesquels l'administration s'est fondée et précise le montant des rappels pour chacune des périodes concernées. En l'absence de toute critique précise sur l'insuffisance de motivation qui aurait empêché les requérants de formuler des observations utiles, ces derniers ne sont pas fondés à soutenir que la proposition de rectification était ainsi insuffisamment motivée. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales doit être écarté. Ils ne peuvent, en tout état de cause, utilement se prévaloir de la doctrine BOI-CF-IOR-10-40, qui ne contient pas d'interprétation de la loi fiscale opposable sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.
5. En second lieu, aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " (...) Sur demande du contribuable reçue par l'administration avant l'expiration du délai mentionné à l'article L. 11, ce délai est prorogé de trente jours. (...). Et aux termes du dernier alinéa du même article : " Lorsque l'administration rejette les observations du contribuable sa réponse doit également être motivée ". Aux termes de l'article L. 11 du même livre : " A moins qu'un délai ne soit prévu par le présent livre, le délai accordé aux contribuables pour répondre aux demandes de renseignements, de justifications ou d'éclaircissements et, d'une manière générale, à toute notification émanant d'un agent de l'administration des impôts est fixé à trente jours à compter de la réception de cette notification ". Il résulte de ces dispositions qu'un contribuable dispose d'un délai franc de trente jours, en vertu de l'article L. 11 du livre des procédures fiscales, pour faire connaître ses observations sur la proposition de rectification et que la durée de ce délai peut être portée à soixante jours à sa demande, en application de l'article L. 57 du même livre. Lorsque le contribuable présente des observations au-delà de ces délais légaux, l'administration n'est pas tenue d'y répondre, quand bien même elle lui aurait, après l'expiration des délais légaux, accordé un délai supplémentaire pour les présenter.
6. Il résulte de l'instruction que la proposition de rectification du 7 août 2020 a été notifiée aux requérants par pli recommandé, présenté à leur domicile le 12 août 2020, retourné à l'administration comme " pli avisé et non réclamé ", de sorte qu'il doit être regardé comme régulièrement notifié le 12 août 2020. En vertu des dispositions précitées, les requérants disposaient d'un délai de trente jours, expirant le 12 septembre 2020, pour présenter leurs observations ou demander une prorogation de ce délai. Avant cette date, ils n'ont ni demandé ni obtenu de délai supplémentaire pour répondre à la proposition de rectification, ni présenté d'observations. Par suite, l'administration n'était pas tenue de répondre aux observations qu'ils ont présentées le 7 octobre, en dehors des délais légaux, quand bien même elle leur avait accordé jusqu'au 8 octobre pour les présenter. Les intéressés n'ayant en conséquence été privés d'aucune garantie, le moyen tiré de l'absence de réponse motivée à leurs observations doit donc être écarté.
En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :
7. Aux termes du I de l'article 197 du code général des impôts : " (...) 5. Les réductions d'impôt mentionnées aux articles 199 quater B à 200 s'imputent sur l'impôt résultant de l'application des dispositions précédentes avant imputation des crédits d'impôt et des prélèvements ou retenues non libératoires ; elles ne peuvent pas donner lieu à remboursement. ". En outre, l'article 200-0 A du même code, dans sa version applicable au présent litige, prévoit que : " 1. Le total des avantages fiscaux mentionnés au 2, à l'exception de ceux mentionnés aux articles (...) 199 undecies B (...) ne peut pas procurer une réduction de l'impôt dû supérieure à un montant de 10 000 €. (...) 2. Les avantages fiscaux retenus pour l'application du plafonnement mentionné au 1, au titre d'une année d'imposition, sont les suivants : (...) b) Les réductions, y compris, le cas échéant, pour leur montant acquis au titre d'une année antérieure et reporté, et crédits d'impôt sur le revenu, à l'exception de ceux mentionnés aux articles 199 quater B, (...) ". Enfin, aux termes de l'article 199 terdecies-0 A du même code, dans sa version applicable au litige : " (...) II. Les versements ouvrant droit à la réduction d'impôt mentionnée au I sont retenus dans la limite annuelle de 50 000 € pour les contribuables célibataires, veufs ou divorcés et de 100 000 € pour les contribuables mariés ou liés par un pacte civil de solidarité soumis à imposition commune. / La fraction d'une année excédant, le cas échéant, les limites mentionnées au premier alinéa ouvre droit à la réduction d'impôt dans les mêmes conditions au titre des quatre années suivantes. / La réduction de l'impôt dû procurée par le montant de la réduction d'impôt mentionnée au I qui excède le montant mentionné au premier alinéa du 1 de l'article 200-0 A peut être reportée sur l'impôt sur le revenu dû au titre des années suivantes jusqu'à la cinquième inclusivement (...) ".
8. Il résulte de ces dispositions que, s'agissant de la réduction d'impôt sur le revenu prévue en cas d'investissement au capital des petites et moyennes entreprises (PME) par l'article 199 terdecies-0 A précité, seule la fraction dépassant la limite annuelle de 50 000 euros, ou 100 000 euros pour un couple, ou la fraction dépassant le plafond des avantages fiscaux prévue par l'article 200-0 A du même code de 10 000 euros peut faire l'objet d'un report, le cas échéant, sur l'impôt sur le revenu des années suivantes.
S'agissant de l'année 2017 :
9. Il est constant que M. D... a souscrit au capital d'une entreprise, éligible à la réduction d'impôt prévue par l'article 199 terdecies-0 A précité, à hauteur de 50 000 euros en 2017. Il résulte de l'instruction qu'après redressement, l'impôt avant réduction d'impôt de M. D... et de son ex-épouse s'élevait à 11 666 euros. Il est constant que les époux pouvaient déduire de cet impôt des frais de comptabilité pour 719 euros, en vertu de l'article 199 quater B du code général des impôts, une réduction d'impôt au titre du dispositif dit " B... " pour un montant de 5 500 euros et la réduction d'impôt prévue en cas d'investissement au capital des PME de l'article 199 terdecies-0 A, limitée à un montant de 5 447 euros du fait du montant de l'impôt brut restant à payer après déduction des autres réductions d'impôt (11 666-719-5 500). En outre, le montant des réductions d'impôt entrant dans le champ du plafond défini à l'article 200-0 A du code général des impôts dépassant le montant de 10 000 euros (5 500 + 5 447), le montant de la réduction d'impôt pour investissement au capital d'une PME a été réduit de 947 euros. Contrairement à ce que les requérants soutiennent, ils ne pouvaient pas se prévaloir de la fraction non utilisée de leur réduction d'impôt au capital d'une PME dès lors qu'ils avaient déjà atteint le plafond annuel de 10 000 euros fixé à l'article 200-0 A du code général des impôts. En conséquence, c'est donc à bon droit que l'administration a établi une cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu de 1 028 euros en droits au titre de l'année 2017.
S'agissant de l'année 2018 :
10. Il résulte de l'instruction qu'après redressement, l'impôt avant réduction d'impôt de M. D... s'élevait à 9 983 euros. Lors du contrôle, l'administration a pris en compte une réduction d'impôt au titre du dispositif dit " B... " pour un montant de 5 500 euros. En cours d'instance, l'administration a reconnu que M. D..., qui le soutenait à bon droit, pouvait également se prévaloir de la fraction de la réduction d'impôt pour investissement dans le capital des PME, qui avait été plafonnée en 2017 en vertu de l'article 200-0 A du code général des impôts ainsi qu'il vient d'être dit, pour un montant de 947 euros. Elle a ainsi dégrevé les droits d'impôt sur le revenu de l'année 2018 correspondants, ainsi qu'il a été mentionné au point 2 du présent arrêt. Sur ce point, les requérants ne sont pas fondés à soutenir qu'ils pouvaient reporter davantage de réduction d'impôt à ce titre dès lors que, ainsi qu'il a été rappelé au point 8, seule la fraction d'investissement dépassant la limite annuelle de 100 000 euros pour un couple ou la fraction dépassant le plafond des avantages fiscaux prévue par l'article 200-0 A du même code peut faire l'objet d'un report, le cas échéant, les années suivantes. C'est donc à bon droit que l'administration a fixé le montant de l'impôt de M. D... établi au titre de l'année 2018 à un montant de 57 euros en droits (1004 - 947).
11. En revanche, s'il résulte de l'instruction que l'administration a procédé au dégrèvement des droits de 947 euros de l'année 2018, correspondant au report de la fraction plafonnée de la réduction d'impôt pour souscription au capital de PME, elle n'a pas justifié avoir dégrevé, même partiellement, la majoration prévue à l'article 1758 A du code général des impôts. Or, le moyen soulevé par M. D..., tiré de ce qu'il pouvait bénéficier d'un report de 947 euros était fondé, ainsi que l'a d'ailleurs reconnu l'administration en procédant au dégrèvement mentionné au point 2, et entraînait, à due concurrence de la réduction des droits, la réduction de la majoration précitée. Par suite, M. D... est fondé à demander la décharge de cette majoration à hauteur de 95 euros (947 x 10 %), qui a été mise en recouvrement par l'avis n° 2178000823957 du 23 avril 2021.
S'agissant de l'année 2019 :
12. Il résulte de l'instruction qu'après redressement, l'impôt avant réduction d'impôt des requérants s'élevait à 10 233 euros. Pour les mêmes motifs qu'exposés au point 10, les requérants ne sont pas fondés à réclamer le report de la réduction d'impôt pour investissement dans une PME au titre de l'année 2019. En outre, contrairement à ce qu'ils soutiennent, la réduction d'impôt au titre du dispositif dit " B... " pour un montant de 5 500 euros a bien été prise en compte, ainsi qu'il ressort de l'avis rectificatif produit par l'administration. Par suite, ils ne sont pas fondés à demander une décharge de la cotisation mise à leur charge au titre de l'année 2019.
13. Il résulte de ce qui précède que M. D... et Mme E... sont seulement fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté le surplus de leur demande, à hauteur de la décharge partielle de la majoration appliquée aux droits d'impôt sur le revenu de l'année 2018, ainsi qu'il a été dit au point 11.
14. L'État n'étant pas la partie perdante, pour l'essentiel, dans la présente instance, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à sa charge au titre des frais exposés par les requérants et non compris dans les dépens. En outre, en l'absence de dépens dans la présente instance, les conclusions des requérants tendant à la condamnation de l'État à leur paiement ne peuvent qu'être rejetées. Enfin, et en tout état de cause, les requérants ne peuvent utilement soutenir que l'administration n'a pas procédé au dégrèvement ordonné par le jugement attaqué dès lors qu'ils n'ont pas saisi, dans la présente instance, la cour d'un litige visant à l'exécution de ce jugement.
DÉCIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. D... et Mme E... à concurrence du dégrèvement mentionné au point 2.
Article 2 : M. D... est déchargé de la majoration de l'article 1758 A mise à sa charge au titre de l'année 2018 pour un montant de 95 euros.
Article 3 : Le jugement nos 2101726 - 2101727 - 2101728 - 2101729 du 29 novembre 2022 du tribunal administratif de Versailles est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D... et Mme C... E... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 17 décembre 2024, à laquelle siégeaient :
Mme Besson-Ledey, présidente,
M. de Miguel, premier conseiller,
Mme Liogier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 janvier 2025.
La rapporteure,
C. LiogierLa présidente,
L. Besson-Ledey
La greffière,
A. Audrain-Foulon
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
N°22VE02688 2