Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 10 octobre 2023 par lequel le préfet de la Haute-Savoie a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2307674 du 1er février 2024, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 7 mars 2024, M. A... B..., représenté par Me De Poulpiquet, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Savoie de lui délivrer un titre de séjour ou de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt ;
4°) de condamner l'Etat aux dépens et de mettre à sa charge une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le tribunal administratif n'a pas répondu au moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'arrêté en litige est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'application de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Le préfet de la Haute-Savoie, qui a reçu communication de la requête, n'a pas présenté d'observations.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de M. Porée, premier conseiller, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant du Kosovo, né le 20 décembre 1974, est entré sur le territoire français le 7 janvier 2011 selon ses déclarations. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision du 18 juillet 2012 de la Cour nationale du droit d'asile. Il a alors fait l'objet le 13 août 2012 d'un refus de titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français. M. B... a à nouveau fait l'objet, le 14 novembre 2014, d'un refus de titre de séjour assorti d'une mesure d'éloignement, puis d'un arrêté du 16 février 2015 portant assignation à résidence, et il a été éloigné du territoire français le 6 mars 2015. Le requérant est alors revenu en France le 10 décembre 2015 selon ses déclarations, puis il a été destinataire d'un arrêté du 21 mars 2016 portant remise aux autorités polonaises responsables de sa demande d'asile. M. B... a demandé, le 20 juillet 2021, la délivrance d'une carte de séjour temporaire sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par arrêté du 10 octobre 2023, le préfet de la Haute-Savoie a refusé de faire droit à sa demande, a obligé l'intéressé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. B... relève appel du jugement du 1er février 2024 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Il ressort du dossier de première instance que M. B..., qui ne s'est prévalu que de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'erreur manifeste d'appréciation du préfet dans l'exercice de son pouvoir d'admission exceptionnelle au séjour, n'a cité l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales que pour expliciter les motifs exceptionnels visés par cet article L. 435-1. Il suit de là que M. B... n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué a omis de statuer sur un moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Sur la légalité de l'arrêté :
3. Aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. (...) ".
4. En présence d'une demande de régularisation présentée, sur le fondement de cet article, par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ". Dans cette dernière hypothèse, un demandeur qui justifierait d'une promesse d'embauche ou d'un contrat de travail ne saurait être regardé, par principe, comme attestant, par là-même, des " motifs exceptionnels " exigés par la loi. Il appartient en effet à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner, notamment, si la qualification, l'expérience et les diplômes de l'étranger ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule, de même que tout élément de sa situation personnelle dont l'étranger ferait état à l'appui de sa demande, tel que par exemple, l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour.
5. M. B... séjourne sur le territoire français depuis environ huit années à partir de son retour en France, alors qu'il a vécu environ trente-sept ans au Kosovo où il ne peut être dépourvu de toute attache personnelle. S'il est marié depuis le 1er décembre 2012 avec une compatriote titulaire d'une carte de séjour pluriannuelle valable jusqu'au 17 mars 2024 et d'un contrat de travail à durée indéterminée, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'ils vivraient ensemble, alors que le requérant a déclaré, pour de nombreuses démarches administratives, une domiciliation auprès de la Croix-Rouge française ou d'un centre communal d'action sociale enre 2011 et début novembre 2019, et non un domicile commun avec son épouse. Si M. B... se prévaut de l'arrêté du 16 février 2015 du préfet de la Haute-Savoie l'assignant à l'adresse où habitait alors sa conjointe, il ressort des pièces du dossier qu'il a déclaré pour des démarches postérieures à cette assignation à résidence une domiciliation auprès de la Croix-Rouge française ou d'un centre communal d'action sociale jusque début novembre 2019, et qu'il a accepté le 8 mars 2016 pour lui seul les conditions matérielles d'accueil des demandeurs d'asile comprenant un lieu d'hébergement. M. B... et son épouse n'ont pas d'enfant. Le requérant ne justifie pas d'une insertion particulière dans la société française au terme de sa durée de présence sur le territoire français, en se limitant à démontrer entretenir des relations amicales avec surtout des personnes ayant la nationalité de pays issus de l'ex-Yougoslavie. M. B... ne peut se prévaloir d'une promesse d'embauche de la société Mili Décor en tant que peintre dont il ne démontre pas qu'elle a été établie avant l'arrêté attaqué, alors que cette promesse d'embauche fait état d'une prise d'effet à compter du 1er janvier 2024 et qu'elle n'a été produite en première instance que le 27 décembre 2023. Enfin, M. B... n'allègue, ni n'établit être dépourvu de toute attache familiale au Kosovo. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que le préfet de la Haute-Savoie aurait commis une erreur manifeste d'appréciation dans l'application de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, doit être écarté.
6. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction, celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et celles relatives en tout état de cause aux dépens, doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Savoie.
Délibéré après l'audience du 25 juin 2024, à laquelle siégeaient :
M. Pruvost, président de chambre,
Mme Courbon, présidente-assesseure,
M. Porée, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 11 juillet 2024.
Le rapporteur,
A. Porée
Le président,
D. Pruvost
La greffière,
M. C...
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 24LY00637