Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme H... D... E..., agissant en qualité de représentants légaux de leur fille mineure B... G... E..., ont demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner le centre hospitalier de Decazeville à verser à B... Lopes E... une somme totale
de 54 000 euros en réparation des préjudices consécutifs à sa prise en charge à la suite d'un accident domestique survenu le 6 juin 2009.
Par un jugement n° 1502557 du 5 octobre 2017, le tribunal administratif de Toulouse a condamné le centre hospitalier de Decazeville à verser à M. et Mme D... E..., en leur qualité de représentants légaux de B... Lopes E..., une somme de 10 500 euros, a mis à la charge du centre hospitalier les frais d'expertise ainsi qu'une somme de 1 500 euros au titre de
l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions de
M. et Mme D... E....
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 30 novembre 2017 et 25 janvier 2019,
M. et Mme D... E..., agissant en qualité de représentants légaux de B... Lopes E..., représentés par Me F..., demandent à la cour :
1°) de réformer ce jugement du 25 octobre 2017 du tribunal administratif de Toulouse en tant qu'il a limité l'indemnisation allouée au montant de 10 500 euros ;
2°) de condamner le centre hospitalier de Decazeville à leur verser une somme totale de 54 000 euros, ou subsidiairement 48 000 euros, en réparation des préjudices subis par
B... Lopes E... ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Decazeville les frais d'expertise ainsi qu'une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la responsabilité du centre hospitalier est engagée à raison des fautes commises lors de la prise en charge de leur fille ; cette dernière conserve des séquelles directement imputables aux fautes commises par le centre hospitalier ;
- le tribunal s'est livré à une insuffisante appréciation des préjudices subis par leur fille ; la somme allouée au titre des souffrances endurées, évaluées à 3 sur 7 par l'expert, doit être portée à 5 000 euros ; compte tenu de son âge et de son sexe, la réparation du préjudice esthétique, évalué à 2 sur 7, doit être portée à 6 000 euros ; B... conserve un déficit fonctionnel permanent qui doit être évalué à 7 000 euros ; elle subit également un préjudice d'agrément, distinct du déficit fonctionnel permanent, en réparation duquel doit lui être allouée une somme de 6 000 euros ; elle subit aussi d'autres préjudices de " perte de chance " liées aux difficultés pour écrire, mener une scolarité et des études, effectuer certaines tâches et exercer certaines professions, en réparation desquels une somme de 30 000 euros doit lui être allouée ; si la cour ne retenait pas une perte de chance, cette somme de 30 000 euros est demandée au titre du préjudice d'agrément.
La CPAM du Tarn a indiqué à la cour le 22 janvier 2018 qu'elle n'entendait pas intervenir dans cette instance.
Par des mémoires en défense enregistrés les 13 décembre 2018 et 1er mars 2019, le centre hospitalier de Decazeville conclut au rejet de la requête et demande, par la voie de l'appel incident, la réduction de sa condamnation de 2 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent.
Il soutient que :
- le préjudice de " perte de chance " dont la réparation est demandée ne constitue pas un poste de préjudice distinct de ceux déjà indemnisés par le tribunal ;
- les souffrances imputables aux fautes dans la prise en charge de la jeune B... ont été évaluées à 1 sur 7 par l'expert, et l'indemnisation allouée par le tribunal procède d'une juste appréciation de ce préjudice ;
- le préjudice esthétique est modéré selon l'expert, et le tribunal a tenu compte de
l'âge de la victime pour évaluer ce préjudice ;
- le préjudice d'agrément, qui correspond à l'impossibilité de poursuivre une activité antérieurement pratiquée, ne saurait être caractérisé par une simple gêne ; s'agissant de l'impossibilité de jouer un instrument de musique, il présente en l'espèce un caractère purement éventuel ; il n'est pas démontré que la jeune B... aurait renoncé à l'exercice de certaines activités.
Par une ordonnance du 2 juillet 2019, la clôture d'instruction a été fixée au
6 septembre 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A... C...,
- les conclusions de Mme Chauvin, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. B... Lopes E..., alors âgée de 3 ans et demi, a été admise le 6 juin 2009 au centre hospitalier de Decazeville à la suite d'un écrasement de sa main droite par la chute d'un radiateur, et y a subi, le jour même, une intervention chirurgicale de suture d'une fracture ouverte du majeur droit. Elle a développé, à la suite de cette intervention, une nécrose cutanée qui a nécessité une amputation de la dernière phalange du majeur droit au CHU de Toulouse
le 25 juin 2009. Par un jugement n° 1502557 du 5 octobre 2017, le tribunal administratif de Toulouse a considéré que cette amputation avait pour origine une faute commise par le centre hospitalier de Decazeville dans la prise en charge médicale de la jeune B..., et condamné cet établissement à verser à M. et Mme D... E..., en leur qualité de représentants légaux
de B..., une somme totale de 10 500 euros en réparation des préjudices subis par cette dernière. M. et Mme D... E... relèvent appel de ce jugement en tant qu'il a limité au montant de 10 500 euros la somme totale allouée en réparation des préjudices subis par la jeune B..., et demandent à la cour de porter cette condamnation à la somme totale de 54 000 euros.
Le centre hospitalier de Decazeville, qui ne conteste pas le principe de sa responsabilité à raison de la faute commise dans la prise en charge inadéquate et tardive de la jeune B... relevée par une expertise déposée le 29 juillet 2013, demande par la voie de l'appel incident la réduction de sa condamnation.
2. En premier lieu, et ainsi que le fait valoir le centre hospitalier, l'expert a évalué les souffrances physiques subies par la jeune B... à 3 sur une échelle allant de 1 à 7, en précisant que les souffrances physiques imputables, non pas à la prise en charge fautive, mais à la blessure initiale, étaient évaluées à 2/7. Il résulte cependant de l'instruction que l'amputation subie par la jeune B..., entièrement imputable à la faute commise par le centre hospitalier, a généré pour cette dernière, alors âgée de 3 ans et demi, une importante anxiété, constitutive de souffrances morales. Dans ces conditions, la somme de 1 500 euros allouée par le tribunal en réparation des souffrances endurées par la jeune B... n'est pas excessive. Le centre hospitalier de Decazeville n'est dès lors pas fondé à se plaindre du jugement attaqué sur ce point. Par ailleurs,
M. et Mme D... E... ne sont pas fondés à soutenir que cette indemnité serait insuffisante au regard de l'ampleur des souffrances endurées par leur fille.
3. En deuxième lieu, le préjudice esthétique lié à l'amputation de la dernière phalange du médius droit subie par la jeune B... a été évalué par l'expert à 2 sur une échelle allant
de 1 à 7. Ainsi que l'ont relevé les premiers juges, l'étendue de ce préjudice doit être appréciée en tenant compte, notamment, du jeune âge de la victime. Le tribunal a fait une juste évaluation du préjudice esthétique de la jeune B... en lui allouant à ce titre une réparation de 2 000 euros.
4. En troisième lieu, le préjudice d'agrément est celui qui résulte d'un trouble spécifique lié à l'impossibilité pour la victime de continuer à pratiquer régulièrement une activité sportive ou de loisirs. Ainsi que le fait valoir le centre hospitalier de Decazeville, il n'est pas
établi ni même soutenu que la jeune B... aurait exercé, antérieurement à son amputation,
une activité musicale ou sportive dont elle aurait dû cesser ou limiter la pratique. Dès lors,
et contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, elle ne peut prétendre à aucune indemnité au titre du préjudice d'agrément.
5. En quatrième lieu, il résulte de l'instruction que la jeune B... demeure atteinte, depuis la consolidation de son état de santé, d'un déficit fonctionnel permanent du fait de l'amputation de la dernière phalange du majeur de sa main droite, évalué à 4 % par l'expert.
Il résulte du rapport d'expertise et des pièces versées au dossier que l'intéressée, droitière, écrit bien mais présente des douleurs lorsqu'elle écrit longtemps, et conserve une prise droite normale, y compris des objets fins, mais présente une perte de force qui peut la gêner dans certaines activités telles que la gymnastique avec bâtons. Il n'est en revanche pas démontré que ses séquelles fonctionnelles pourraient l'affecter dans d'autres domaines tels que sa scolarité ou encore son avenir professionnel. Dans ces conditions, compte tenu de son âge à la date de la consolidation de son état de santé, fixée au 10 juillet 2009, il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en lui allouant à ce titre une somme de 7 000 euros.
6. Enfin, les postes de préjudices de " perte de chance ", en réparation desquels une somme globale de 30 000 euros est demandée en appel, sont déjà inclus dans la réparation allouée au titre du déficit fonctionnel permanent, qui inclut l'ensemble des troubles liés au handicap fonctionnel de la jeune B....
7. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme D... E... et le centre hospitalier de Decazeville ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal a alloué à B... Lopes E... une somme totale de 10 500 euros en réparation de ses préjudices. Les conclusions présentées par M. et Mme D... E... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, être accueillies.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme D... E... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions d'appel incident du centre hospitalier de Decazeville sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme D... E..., au centre hospitalier
de Decazeville et à la caisse primaire d'assurance maladie du Tarn et de l'Aveyron.
Délibéré après l'audience du 5 novembre 2019 à laquelle siégeaient :
Mme Catherine Girault, président,
Mme Anne Meyer, président-assesseur,
Mme Marie-Pierre Beuve C..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 3 décembre 2019.
Le rapporteur,
Marie-Pierre Beuve C...Le président,
Catherine GiraultLe greffier,
Vanessa Beuzelin
La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 17BX03740