Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme C... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à leur verser une somme, fixée en dernier lieu à 242 514,80 euros, en réparation des préjudices subis du fait de la pathologie contractée par Mme C... imputée à sa vaccination obligatoire contre le virus de l'hépatite B.
Par un jugement n° 1001323 du 18 juillet 2014, le tribunal administratif de Grenoble a condamné l'ONIAM à verser à Mme C... une indemnité de 40 000 euros.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 16 septembre 2014, présentée pour Mme D...C..., domiciliée..., Le Pavane, à Montélimar (26200), il est demandé à la cour :
1°) d'annuler ce jugement n° 1001323 du 18 juillet 2014 du tribunal administratif de Grenoble en tant qu'il a limité à la somme de 40 000 euros l'indemnité mise à la charge de l'ONIAM ;
2°) de condamner l'ONIAM à lui verser une indemnité de 248 123,68 euros ;
3°) de mettre à la charge de l'ONIAM la somme de 2 500 euros, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens.
Elle soutient que :
- c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré qu'était établi un lien de causalité entre la vaccination contre l'hépatite B subie par Mme C...dans le cadre de l'obligation vaccinale liée à son activité professionnelle et la myofasciite à macrophages dont elle souffre ;
- c'est à tort que le tribunal a rejeté ses conclusions tendant à la réparation d'un préjudice de retraite, au motif qu'aucun document n'était communiqué, alors qu'un décompte était fourni et que ce préjudice découlait de sa maladie et de son incapacité à travailler ; elle produit le décompte prouvant qu'elle subit un manque à gagner de 155 608,88 euros ;
- elle est fondée à réclamer une indemnisation sur les bases suivantes : 26 000 euros au titre de l'incapacité permanente partielle, 6 361,60 euros au titre d'une incapacité temporaire totale, 10 353,20 euros au titre d'une incapacité temporaire partielle, 20 000 euros au titre des troubles temporaires dans les conditions d'existence, au prorata de l'imputabilité, 5 800 euros au titre des souffrances endurées, 3 000 euros au titre du préjudice esthétique, 12 000 euros au titre du préjudice d'agrément et 9 000 euros au titre du préjudice sexuel.
Par un mémoire, enregistré le 30 décembre 2014, présenté pour le centre hospitalier de Montélimar, il indique n'avoir aucune observation à formuler dès lors qu'aucune conclusion n'est dirigée contre lui et qu'il n'a servi aucune prestation à Mme C... en rapport avec l'affection dont elle souffre.
Par un mémoire, enregistré le 7 mai 2015, présenté pour l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), il est conclu :
1°) au rejet de la requête ;
2°) à titre incident, à l'annulation du jugement n° 1001323 du 18 juillet 2014 du tribunal administratif de Grenoble en tant qu'il a mis à sa charge une indemnité de 40 000 euros ;
3°) à titre subsidiaire, à la limitation de l'indemnisation des préjudices de Mme C... aux sommes suivantes : 22 875 euros au titre du déficit fonctionnel permanent, 2 700 euros au titre des souffrances endurées, 500 euros au titre du préjudice esthétique et 500 euros au titre du préjudice sexuel.
Il soutient que :
- c'est à tort que le tribunal administratif de Grenoble a reconnu l'existence d'un lien de causalité entre la vaccination dont Mme C... a bénéficié et les préjudices qu'elle invoque, dès lors que l'expert judicaire a considéré que la pathologie de l'intéressée ne pouvait être déterminée, en émettant plusieurs diagnostics possibles de ses symptômes en réponse à la question de savoir si Mme C... était atteinte d'une myofasciite à macrophages et en identifiant clairement ses symptômes à une fibromyalgie, et qu'il est de jurisprudence constante qu'en l'absence de pathologie identifiée de manière certaine, le lien de causalité ne peut être établi ; le syndrome métabolique pouvait être la conséquence d'une fibromyalgie préexistante aux vaccinations en cause ;
- en outre, aucune des conditions nécessaires à l'établissement d'un lien de causalité entre la vaccination et la prétendue myofasciite à macrophages n'est remplie, dès lors notamment que, selon l'expert judiciaire, le syndrome métabolique affectant Mme C... ne semble pas lié à la vaccination, et que les autres pathologies recensées par l'intéressée, s'agissant d'un diabète de type II, d'un syndrome d'apnée du sommeil et d'une hypertension artérielle, sont décrites comme étant sans rapport avec la vaccination ;
- si la cour venait à retenir le lien de causalité entre la vaccination en cause et les symptômes de Mme C..., il conviendrait de réduire ses demandes à de plus justes proportions, et de se référer au rapport d'expertise amiable qui considère que la plupart des dommages ne seraient imputables à la vaccination en cause qu'à hauteur de 20 %, et au rapport de l'expert judiciaire en ce qu'il a retenu une date de consolidation au 27 avri12012.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique du 28 janvier 2016 :
- le rapport de M. Seillet, président ;
- les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public ;
- et les observations de Me Brocheton, avocat du centre hospitalier de Montélimar.
1. Considérant que Mme C... qui a été employée, sous statut contractuel, de 1981 à 1995, en tant que conseillère conjugale, au centre de planification du centre hospitalier de Montélimar, a reçu plusieurs injections de vaccin contre l'hépatite B les 2 et 30 novembre 1994 et les 7 janvier et 15 décembre 1995 ; qu'à la suite de cette vaccination, elle a présenté des douleurs musculaires et articulaires diffuses et une grande asthénie ; qu'une biopsie du deltoïde gauche et du fascia, effectuée au centre hospitalier régional de Marseille, en octobre 2003, a mis en évidence une lésion histologique de myofasciite à macrophages ; que le 4 juillet 2006, Mme C..., imputant cette affection et les troubles présentés à la vaccination contre l'hépatite B, a saisi l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) d'une demande d'indemnisation dans le cadre de la procédure amiable prévue à l'article L. 3111-9 du code de la santé publique ; que, par une lettre du 13 juillet 2007, l'ONIAM, suivant l'avis du 3 juillet 2007 de la commission d'indemnisation des victimes de vaccinations obligatoires, a rejeté sa demande ; que, par un jugement avant dire droit du 21 octobre 2011, le tribunal administratif de Grenoble a ordonné une expertise médicale ; qu'après le dépôt du rapport rédigé le 31 mars 2013 par l'expert désigné, ce tribunal a condamné l'ONIAM, par un jugement 18 juillet 2014, à verser à Mme C... une indemnité de 40 000 euros au titre des préjudices résultant de sa vaccination ; que, d'une part, Mme C... fait appel de ce jugement en tant qu'il a limité à la somme de 40 000 euros l'indemnité mise à la charge de l'ONIAM ; que, d'autre part, l'ONIAM, à titre incident, conteste ce jugement en tant qu'il a mis à sa charge une indemnité ;
Sur le principe de l'indemnisation par l'ONIAM :
2. Considérant que, dans le dernier état des connaissances scientifiques, l'existence d'un lien de causalité entre une vaccination contenant un adjuvant aluminique et la combinaison de symptômes constitués notamment par une fatigue chronique, des douleurs articulaires et musculaires et des troubles cognitifs n'est pas exclue et revêt une probabilité suffisante pour que ce lien puisse, sous certaines conditions, être regardé comme établi ; que tel est le cas lorsque la personne vaccinée, présentant des lésions musculaires de myofasciite à macrophages à l'emplacement des injections, est atteinte de tels symptômes, soit que ces symptômes sont apparus postérieurement à la vaccination, dans un délai normal pour ce type d'affection, soit, si certains de ces symptômes préexistaient, qu'ils se sont aggravés à un rythme et avec une ampleur qui n'étaient pas prévisibles au vu de l'état de santé antérieur à la vaccination, et qu'il ne ressort pas des expertises versées au dossier que les symptômes pourraient résulter d'une autre cause que la vaccination ;
3. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert désigné par le tribunal, qu'ainsi qu'il a été dit, une biopsie musculaire, réalisée en octobre 2003, a mis en évidence une lésion histologique de myofasciite à macrophages ; qu'il en résulte également que Mme C... se plaint, ainsi que l'a relevé l'expert au titre des plaintes actuelles de l'intéressée, d'une fatigue chronique et de douleurs articulaires et musculaires, apparues peu après les injections vaccinales pratiquées en 1994 et 1995 ; que si l'expert a mentionné la préexistence à la vaccination, d'une part, d'un syndrome métabolique, en affirmant toutefois que ce syndrome ne pouvait être associé à la pathologie liée à une myofasciite à macrophages, et, d'autre part, d'un syndrome dépressif, il ne résulte pas de ce rapport ni, plus généralement de l'instruction, que les symptômes décrits préexistaient à la vaccination en cause ; que, dès lors, en dépit de ce que l'expert, au terme d'un examen clinique l'ayant conduit à constater des " fonctions supérieures (...) particulièrement conservées en ce sens que les réponses ont toujours été précises en terme de chronologie et de date et très pertinentes en terme de jugement, et à aucun moment il n'a été remarqué de trouble attentionnel pendant la durée de l'expertise ", et à relever des éléments contradictoires avec un bilan réalisé en 2010 par un neuropsychologue, n'a pas relevé l'existence de troubles cognitifs, l'existence d'un lien de causalité entre la vaccination contre l'hépatite B pratiquée en 1994 et 1995 dans le cadre de l'obligation vaccinale liée à son activité professionnelle et la combinaison de symptômes présentés par Mme C... doit être regardée comme établie ; que, par suite, doit être regardée comme imputable à ladite vaccination la pathologie dont souffre Mme C... qui, contrairement à ce que soutient l'ONIAM, est fondée à demander l'indemnisation, au titre de la solidarité nationale, des préjudices qui en résultent ;
Sur les préjudices :
4. Considérant, en premier lieu, qu'il ne résulte pas de l'instruction, et en particulier du rapport de l'expert désigné par le tribunal, renvoyant sur ce point au rapport rédigé le 31 mars 2007 par l'expert désigné dans le cadre de la procédure amiable, qui a retenu un taux d'incapacité permanente partielle de 20 %, que la pathologie dont souffre Mme C... l'a rendue inapte à l'exercice de toute activité professionnelle ; qu'il n'en résulte pas davantage qu'était imputable à son état de santé la cessation de l'activité professionnelle qu'elle exerçait au sein du centre hospitalier de Montélimar, laquelle est intervenue en conséquence de son licenciement, à compter du 1er décembre 1995, prononcé au motif de l'absence d'un poste vacant permettant de donner une suite favorable à sa demande de réintégration au terme du congé sans rémunération dont elle avait jusqu'alors bénéficié, suite à sa demande du 26 novembre 1994, à compter du 1er janvier 1995 ; que, dès lors, Mme C... n'est pas fondée à réclamer l'indemnisation, au titre de la solidarité nationale, du préjudice de pertes de revenus professionnels et de pensions de retraite qu'elle impute à sa vaccination contre l'hépatite B ;
5. Considérant en second lieu, que les premiers juges, en fixant à la somme globale de 31 000 euros le montant du préjudice subi par Mme C...en raison de ses troubles dans les conditions d'existence, caractérisés par un déficit fonctionnel permanent de 20 %, et de son préjudice d'agrément, en ont fait une évaluation qui n'est ni insuffisante ni excessive ; qu'ils n'ont pas davantage évalué de manière insuffisante ou excessive le préjudice esthétique, qualifié de léger par l'expert, en le fixant à la somme de 1 000 euros, les souffrances endurées, classées au niveau 3 sur une échelle de 1 à 7, à la somme de 5 000 euros, et le préjudice sexuel, qualifié de léger, à la somme de 3 000 euros ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, d'une part, Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a limité à la somme de 40 000 euros l'indemnité mise à la charge de l'ONIAM et que, d'autre part, l'ONIAM n'est pas fondé à contester la mise à sa charge d'une telle indemnité au titre de la solidarité nationale ;
Sur les conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'ONIAM, qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par Mme C... et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme C... et les conclusions incidentes de l'ONIAM sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... C..., au centre hospitalier de Montélimar et à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM). Copie en sera adressée à la caisse primaire d'assurance maladie de la Drôme et à la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL).
Délibéré après l'audience du 28 janvier 2016 à laquelle siégeaient :
M. Seillet, président,
M. A...et MmeB..., premiers conseillers.
Lu en audience publique, le 18 février 2016.
''
''
''
''
1
5
N° 14LY02920