Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. F... E... et autres ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 8 mars 2017 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du 29 novembre 2016 par laquelle les autorités consulaires françaises à Tananarive (Madagascar) ont refusé de délivrer à M. F... E... un visa d'entrée et de long séjour en qualité d'enfant d'un ressortissant français.
Par un jugement n° 1700555-1703992 du 19 juillet 2019 le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 19 septembre 2019, M. F... E..., représenté par Me Rakotonirina, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 19 juillet 2019 ;
2°) d'annuler la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France du 29 novembre 2016 ;
3°) d'enjoindre au ministre de lui délivrer un visa d'entrée et de long séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le lien de filiation a été inexactement apprécié ;
- l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales a été méconnu.
Par un mémoire en défense enregistré le 30 décembre 2019, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun moyen n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Brisson a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... E..., de nationalité française, né le 22 juillet 1959, a présenté le 21 novembre 2016 une demande de visa d'entrée et de long séjour en France pour M. F... E..., né le 15 novembre 1999, en qualité d'enfant mineur d'un ressortissant français. Le 29 novembre 2016, les autorités consulaires françaises à Madagascar ont opposé un refus à sa demande. Le 9 mars 2017, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre cette décision. Par un jugement n° 1700555 et 1703992 du 19 juillet 2019, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. M. F... E..., devenu majeur, relève appel de ce jugement.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil ". Aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité.". Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un tel acte, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties.
3. A l'appui de sa demande de visa, M. A... E... a produit un acte de naissance portant le n° 435 établi au nom de M. F... E.... Toutefois la levée d'acte opérée par les autorités consulaires françaises à Madagascar a révélé que cet acte concernait une tierce personne, dénommée J... B....
4. A la suite de nouvelles investigations effectuées par les autorités consulaires quant à la validité de l'acte de naissance portant le n° 435, trois registres d'état civil ont été présentés par la mairie de Brickaville, lieu de naissance de l'enfant. Le premier registre n'était ni coté ni paraphé par le tribunal de Tamatave, le nombre de feuillets excédait celui prévu par l'article 12 de la loi malgache n° 61-025 du 9 octobre 1961, la signature et le sceau de l'officier d'état civil apposés sur les actes diffèrent de ceux apposés sur le deuxième registre et l'acte n° 435 n'était pas signé de l'officier d'état civil. Le deuxième registre comportant les actes n°s 362 à 434 ne comprend pas l'acte n° 435. Le 3ème registre commence par les actes portant les n°s 438 et 438 bis et comporte des surcharges sur ces numéros. Le 4 juin 2013, le procureur de la République de Nantes, eu égard à ces informations, a alors refusé la transcription de l'acte de naissance n° 435 dans les registres d'état civil.
5. Bien que par un jugement du 10 juin 2015, le tribunal de première instance de Toamasina, qui a déclaré que l'acte de naissance de l'enfant Juliette B... porte le n° 436 et non le n° 435, a constaté la validité de l'acte de naissance n° 435 établi au nom de F... E... et que l'exequatur de ce jugement a été prononcé par le tribunal de grande instance de St Denis de la Réunion le 19 mai 2011, le ministre a pu tenir compte de la pluralité des incohérences constatées dans l'acte de naissance en litige pour en établir le manque d'authenticité. Dès lors, cet acte est dépourvu de toute valeur probante et ne peut attester de l'identité de l'enfant F... E... et de son lien de filiation avec M. A... E....
6. Par ailleurs, si M. A... E..., qui certes produit quelques photos familiales, établit effectuer régulièrement des voyages à Madagascar, il ne justifie pas, par les pièces produites, qu'il rendait à cette occasion visite au jeune F.... En outre, les circonstances tenant à ce que l'enfant F... figure depuis 2006 sur le passeport de Mme E..., que M. E... justifie avoir fait parvenir des fonds à Mme C..., grand-mère de l'enfant, en particulier par des mandats adressés au cours de l'année 2010 puis à compter de la majorité de M. F... E... directement à ce dernier ou que des tiers attestent des liens existant entre les intéressés, ne suffisent pas à établir, par la possession d'état, le lien de filiation entre MM. A... et F... E....
7. Par suite, la commission de recours contre les décisions de refus de visas et d'entrée en France n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées en rejetant le recours de M. E....
8. Il résulte de ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
9. Le rejet des conclusions à fin d'annulation n'appelle aucune mesure particulière d'exécution. Il s'ensuit que les conclusions de M. E... présentées sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente espèce la partie perdante, le versement d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les conclusions présentées à ce titre par M. E... ne peuvent dès lors être accueillies.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... E... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 2 juin 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Pérez, président de chambre,
- Mme Brisson, président-assesseur,
- Mme Bougrine, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 19 juin 2020.
Le rapporteur,
C. BrissonLe président,
A. PEREZ
Le greffier,
A. BRISSET
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19NT03746