LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Dijon, 24 juin 2010), que Mme X... a été engagée le 18 octobre 1999 par l'Association pour l'insertion et la promotion des accompagnateurs scolaires (l'association Aipas) en qualité d'accompagnatrice de bus scolaires à temps partiel ; qu'à compter de l'été 2007, le conseil général de la Côte-d'Or a attribué le marché sur lequel était affectée la salariée à la Régie départementale des transports du Jura (la régie Jurabus) ; que celle-ci s'est opposée au transfert du contrat de travail de Mme X... en soutenant que, relevant de la convention collective nationale des voies ferrées d'intérêt local, les dispositions de l'accord du 18 avril 2002 relatives aux conditions de la garantie d'emploi et de la continuité du contrat de travail du personnel en cas de changement de prestataire dans le secteur des transports routiers ne lui était pas applicables ; que la salariée a saisi la juridiction prud'homale de demandes tendant à dire notamment que la rupture de son contrat de travail était imputable à la régie Jurabus et à la condamnation de celle-ci au paiement de diverses sommes à titre de licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Attendu que la régie Jurabus fait grief à l'arrêt d'accueillir ces demandes, alors, selon le moyen :
1°/ qu'en vertu de l'article 1er de la convention collective des voies ferrées d'intérêt local (VFIL) dont dépend la Régie départementale des transports du Jura, le personnel affecté aux services automobiles ne peut bénéficier des dispositions de la convention collective nationale des transports routiers et de ses annexes (accord du 18 avril 2002) que si l'entreprise qui l'emploie exploite lesdits services automobiles "dans les mêmes conditions" que les services routiers ne relevant pas du régime propre aux voies ferrées d'intérêt local ; que tel n'est pas le cas d'un établissement public régi par le décret du 16 août 1985 et statutairement soumis à des contraintes spécifiques liées à la nécessité d'assurer la continuité de service et qui, à ce titre, se trouve en dehors du champ concurrentiel ; qu'en décidant le contraire pour juger que la Régie départementale des transports du Jura n'était pas fondée à refuser l'application de l'article 28 du titre VI de l'accord du 18 avril 2002, la cour d'appel a violé ce texte, ensemble le décret du 19 février 1940 relatif aux conditions de travail des agents des réseaux secondaires d'intérêt général et des voies ferrées d'intérêt local, le décret du 16 août 1985 relatif aux transports urbains de personnes et aux transports routiers non urbains, l'article 1er de la convention collective des voies ferrées d'intérêt local (VFIL) et les articles L. 2221-1, L. 2221-2, L. 2251-1 et L. 2261-2 du code du travail ;
2°/ que subsidiairement la Régie départementale des transports du Jura soulignait sans être utilement contredite que les conditions dans lesquelles elle exploitait plus spécifiquement les circuits scolaires du lot litigieux n'étaient pas comparables à celles mises en oeuvre par l'ancien opérateur privé, la société Transdev ayant comme sous-traitant l'association Aipas pour la partie accompagnement scolaire, ce qu'elle expliquait par une conception différente du transport, empruntée au secteur ferroviaire ; qu'en s'abstenant de vérifier si ce changement dans les techniques d'exploitation ne faisait pas obstacle à l'application de la dérogation prévue à l'alinéa 2 de l'article 1er de la convention collective des voies ferrées d'intérêt local (VFIL), la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de ce texte, ensemble des articles L. 2221-1, L. 2221-2, L. 2251-1 et L. 2261-2 du code du travail ;
Mais attendu que l'article 1er de la convention collective nationale des voies ferrées d'intérêt local du 26 septembre 1974 exclut de son champ d'application les services automobiles de transports routiers de voyageurs exploités dans les mêmes conditions que ceux qui ne relèvent pas du régime propre aux voies ferrées d'intérêt local ; qu'il en résulte qu'une entreprise chargée d'un service automobile de transport de voyageurs qui ne relève pas du régime propre aux voies ferrées d'intérêt local est tenue de mettre en oeuvre, à l'égard des salariés affectés au marché repris, la garantie "de maintien d'emploi" prévue par l'article 28 de l'accord du 18 avril 2002, annexé à la convention collective nationale des transports routiers ;
Et attendu que la cour d'appel, qui, appréciant souverainement les éléments de fait qui lui étaient soumis, a retenu, par motifs propres et adoptés, que la régie Jurabus exploitait le service des transports scolaires qui lui a été attribué par le conseil général de la Côte-d'Or dans les mêmes conditions que l'association Aipas à laquelle elle a succédé et que les conditions tenant à l'affectation de Mme X... étaient remplies, en a exactement déduit que la régie Jurabus devait observer les dispositions de l'accord du 18 avril 2002 imposant à l'entreprise entrante la poursuite du contrat de travail de la salariée ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la Régie départementale des transports du Jura aux dépens ;
Vu les articles 700 du code de procédure civile, 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991, condamne la Régie départementale des transports du Jura à payer, d'une part, à l'Association pour l'insertion et la promotion des accompagnateurs scolaires la somme de 2 500 euros, d'autre part, celle de 2 500 euros à la SCP Bouzidi et Bouhanna ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatre avril deux mille douze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils pour la Régie départementale des transports du Jura, Jurabus.
Le pourvoi fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que la rupture du contrat de travail de Madame Céline X... était à l'initiative de la Régie Départementale des Transports du Jura et était sans cause réelle et sérieuse et d'AVOIR en conséquence condamné la Régie Départementale des Transports du Jura à payer à Madame Céline X... les sommes de 957,86 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 95,79 € à titre de congés payés afférents, 562 € à titre d'indemnité de licenciement, et 5.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « la convention collective nationale du personnel des voies ferrées d'intérêt local du 26 septembre 1974 est, selon son article 1er, 1er alinéa, applicable au personnel des réseaux de chemins de fer secondaires d'intérêt général et des réseaux de chemins de fer d'intérêt local ; que le deuxième alinéa de cet article stipule toutefois que le personnel des services automobiles susvisés est régi par la convention collective nationale des transports routiers, ses annexes et ses avenants successifs, lorsque les entreprises exploitent ces services dans les mêmes conditions que les services routiers ne relevant pas du régime propre aux voies ferrées d'intérêt local ; qu'en vue de renforcer la garantie d'emploi offerte aux salariés affectés à un marché faisant l'objet d'un changement de prestataires, l'article 28 de l'accord du 18 avril 2002 sur la réduction du temps de travail dans les entreprises relevant de la convention collective des transports routiers, a prévu la continuité du contrat de travail des salariés affectés au marché concerné avec le nouveau prestataire ; que bien qu'il ait été abrogé par un avenant n° 4 en date du 7 juillet 2009, cet article était encore en vigueur au 4 septembre 2007, date à laquelle la question de la poursuite du contrat de travail de Céline X... s'est posée ; qu'il est acquis aux débats qu'en 2007, la Régie Départementale des Transports du Jura, établissement public industriel et commercial relevant de la convention collective du personnel des voies ferrées d'intérêt local, a obtenu l'adjudication du lot n° 24 du marché public d'exécution de prestations de services de transport scolaire pour le Conseil Général de la Côte d'Or ; qu'il n'est pas contesté que Céline X... présentait les conditions requises pour bénéficier des dispositions de l'article 28 de l'accord du 18 avril 2002 ; que pour obtenir l'attribution du marché public en cause, la Régie Départementale des Transports du Jura a répondu à un appel d'offres dans les mêmes conditions qu'un transporteur privé ; que dès lors que pour se porter candidate à l'attribution d'un marché public, une personne publique doit déterminer ses prix sans tenir compte des avantages découlant des ressources ou des moyens qui lui sont attribués au titre de sa mission de service public, la Régie Départementale des Transports du Jura n'est pas fondée à soutenir qu'elle exploite dans des conditions différentes de celles des transports privés du seul fait qu'elle perçoit des subventions d'équilibre ; que le régime fiscal dérogatoire des régies est insusceptible de caractériser une différence d'exploitation puisque les entreprise de transports privés, elles-mêmes, ne sont pas toutes assujetties à un régime d'imposition unique ; qu'en dépit de modifications ponctuelles des dessertes et circuits apportées par l'appelante, c'est bien le marché de la ligne de bus à laquelle Céline X... était affectée qui a été transféré à la Régie Départementale des Transports du Jura ; que cette dernière ne peut par conséquent pas se prévaloir de ces modifications pour échapper à l'application de l'accord du 18 avril 2002 ; qu'il est ainsi démontré que la Régie Départementale des Transports du Jura exécute le service de transports scolaires qui lui a été attribué par le Conseil Général de la Côte-d'Or dans les mêmes conditions que les sociétés de transport privé avec lesquelles elle a été placée en concurrence lorsqu'elle a répondu à l'appel d'offres ; que l'appelante était par conséquent tenue d'appliquer la convention collective de transports routiers et de poursuivre le contrat de travail des salariés affectés audit marché ; que le contrat de travail de Céline X... a été transféré à la Régie Départementale des Transports du Jura en application des dispositions de l'article 28 de l'accord du 18 avril 2002 ; qu'à compter de la reprise du marché, l'appelante était l'employeur de Céline X... ; qu'en refusant la poursuite du contrat de sa salariée, la Régie Départementale des Transports du Jura a pris l'initiative de la rupture ; que le conseil de prud'hommes doit être approuvé d'avoir considéré que la rupture du contrat de travail de Céline X... était imputable à la Régie Départementale des Transports du Jura, d'avoir jugé que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse et d'avoir alloué à la salariée 957,86 € à titre d'indemnité de préavis, 95,79 € pour congés payés afférents et 562 € à titre d'indemnité de licenciement ; que le jugement entrepris doit être également confirmé en ce qu'il a ordonné le remboursement par la Régie Départementale des Transports du Jura aux organismes intéressés des indemnités de chômage versées à Céline X..., du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage, et en ce qu'il a ordonné la remise d'un certificat de travail, d'une attestation destinée à l'Assedic, aujourd'hui Pôle Emploi, et d'une fiche de paye rectifiés à la date de la rupture ; que Céline X... perçoit le revenu minimum d'insertion ; qu'elle ne justifie pas de ses recherches d'emploi ; que la Cour possède les éléments d'appréciation suffisants pour lui allouer 5.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse » ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE : « l'article 1 de la VFIL, alinéa 2 mentionne : « toutefois le personnel des services automobiles susvisés est régi par la convention collective nationale des transports routiers, ses annexes et ses avenants successifs, lorsque les entreprises exploitent les services dans les mêmes conditions que les services routiers ne relevant pas du régime propres aux VFIL ; que pour s'exonérer de l'application du précédent article, la Régie Départementale des Transports du Jura JURABUS considère que, dans l'adjudication du lot n° 24 à elle-même, les salariés n'auraient pas exercé d'activité nettement différenciée par rapport à celle des salariés travaillant sur le Jura et n'exerçant pas dans le cadre d'une activité autonome ; qu'il y a lieu de noter que le critère d'exercice d'activité dans le cadre d'une activité dans le cadre d'une activité autonome ne ressort pas de l'article 1, alinéa 2 de la VFIL, mais concerne l'application de l'article L 1224-1 du code du travail soulevé à titre subsidiaire ; qu'il appartient à la Régie Départementale des Transports du Jura JURABUS de démontrer la pertinence de l'argument « les salariés n'ont pas exercé d'activité nettement différenciée à celle des salariés travaillant sur le Jura » ; que l'attribution du lot n° 24 a été faite dans un autre département que le Jura ; que la Régie Départementale des Transports du Jura JURABUS ne démontre pas que l'attribution de ce marché, lot 24, ait été faite en application de ses statuts qui l'excluent du champs concurrentiel ; que la Régie Départementale des Transports du Jura JURABUS ne justifie pas que le marché prévoyait des modifications d'exploitation qu'elle a pu appliquer après l'attribution de ce marché ; qu'il ressort que la Régie Départementale des Transports du Jura JURABUS, en se plaçant dans le champ concurrentiel d'un appel d'offre avec d'autres entreprises relevant d'un régime privé, le faisait par exception à ses statuts et relevait bien de l'application de l'article 28 de l'accord du 18 avril 2002, étendu le 28 avril 2003, conformément à l'article 1, 2ème alinéa de la convention VFIL ; il y a lieu de dire que la Régie Départementale des Transports du Jura JURABUS soumis volontairement, par le jeu de la libre concurrence avec des entreprises privées, n'agissait plus en tant que Régie Départementale et se devait d'appliquer l'article 28 de l'accord du 18 avril 2002 et de reprendre le contrat de travail de Madame X... dès la reprise de l'activité du lot 24, en septembre 2007 ; qu'en refusant la reprise du contrat de travail de Madame X..., la Régie Départementale des Transports du Jura JURABUS est à l'origine de la rupture du contrat de travail de Madame X..., rupture sans cause réelle et sérieuse ; il y a lieu alors de mettre hors de cause la responsabilité de l'association AIPAS dans la rupture du contrat de travail de Madame X..., la Régie Départementale des Transports du Jura JURABUS devant en assumer l'entière responsabilité » ;
ALORS 1°) QUE : en vertu de l'article 1er de la convention collective des voies ferrées d'intérêt local (VFIL) dont dépend la Régie Départementale des Transports du Jura, le personnel affectés aux services automobiles ne peut bénéficier des dispositions de la convention collective nationale des transports routiers et de ses annexes (accord du 18 avril 2002) que si l'entreprise qui les exploie emploie lesdits services automobiles « dans les mêmes conditions » que les services routiers ne relevant pas du régime propre aux voies ferrées d'intérêt local ; que tel n'est pas le cas d'un établissement public régi par le décret du 16 août 1985 et statutairement soumis à des contraintes spécifiques liées à la nécessité d'assurer la continuité de service et qui, à ce titre, se trouve en dehors du champs concurrentiel ; qu'en décidant le contraire pour juger que la Régie Départementale des Transports du Jura n'était pas fondée à refuser l'application de l'article 28 du titre VI de l'accord du 18 avril 2002, la cour d'appel a violé ce texte, ensemble le décret du 19 février 1940 relatif aux conditions de travail des agents des réseaux secondaires d'intérêt général et des voies ferrées d'intérêt local, le décret du 16 août 1985 relatif aux transports urbains de personnes et aux transports routiers non urbains, l'article 1er de la convention collective des voies ferrées d'intérêt local (VFIL) et les articles L.2221-1, L.2221-2, L.2251-1 et L.2261-2 du code du travail ;
ALORS 2°) SUBSIDIAIREMENT QUE : la Régie Départementale des Transports du Jura soulignait sans être utilement contredite que les conditions dans lesquelles elle exploitait plus spécifiquement les circuits scolaires du lot litigieux n'étaient pas comparables à celles mises en oeuvre par l'ancien opérateur privé, la société Transdev ayant comme sous-traitant l'association AIPAS pour la partie accompagnement scolaire, ce qu'elle expliquait par une conception différente du transport, empruntée au secteur ferroviaire (conclusions d'appel de la régie, p.12 et 13) ; qu'en s'abstenant de vérifier si ce changement dans les techniques d'exploitation ne faisait pas obstacle à l'application de la dérogation prévue à l'alinéa 2 de l'article 1er de la convention collective des voies ferrées d'intérêt local (VFIL), la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de ce texte, ensemble des articles L.2221-1, L.2221-2, L.2251-1 et L.2261-2 du code du travail.