LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
SG
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 30 septembre 2021
Rejet
M. MAUNAND, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 680 F-D
Pourvoi n° Z 20-15.443
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 30 SEPTEMBRE 2021
Mme [G] [P], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° Z 20-15.443 contre l'arrêt rendu le 7 octobre 2019 par la cour d'appel de Basse-Terre (1re chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ à Mme [A] [L],
2°/ à M. [O] [H],
domiciliés tous deux [Adresse 3],
3°/ à M. [U] [U], domicilié [Adresse 1],
4°/ à M. [O] [B],
5°/ à M. [N] [C],
domiciliés tous deux [Adresse 3],
6°/ à la société Eliott, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 3],
7°/ à la société [U], société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 1],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Farrenq-Nési, conseiller, les observations de la SCP [H], avocat de Mme [P], de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [U] et de la société [U], de la SCP Gaschignard, avocat de Mme [L] et de la société Eliott, après débats en l'audience publique du 6 juillet 2021 où étaient présents M. Maunand, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Farrenq-Nési, conseiller rapporteur, M. Nivôse, conseiller, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
La SCI Eliott et Mme [L] ont formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Les demanderesses au pourvoi incident invoquent, à l'appui de leur recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Basse-Terre, 7 octobre 2019), par acte du 22 juillet 2005 reçu par M. [U], notaire associé de la société civile professionnelle [U], Mme [P] a vendu à MM. [C] et [B] un terrain cadastré section I n° [Cadastre 1] et d'une superficie de 1ha 31a 64ca.
2. Courant 2006, Mme [P], propriétaire de la parcelle contiguë cadastrée section I n° [Cadastre 2] sur laquelle était construite sa maison, a édifié une piscine avec une plate-forme.
3. Par acte du 23 janvier 2012, dressé par M. [U], elle a vendu cette propriété, d'une superficie de 49a 20 ca, y compris la piscine et la plate-forme, à la société civile immobilière Eliott (la SCI Eliott) et ses associés, Mme [L] et M. [H].
4. Ayant découvert qu'une partie de la parcelle qui leur avait été vendue empiétait sur celle cédée en 2005 à MM. [C] et [B], la piscine et la plate-forme étant à cheval sur les deux parcelles, la SCI Eliott et ses associés ont assigné Mme [P] et le notaire en annulation de la vente pour dol, subsidiairement pour vente de la chose d'autrui, ainsi qu'en paiement de dommages-intérêts pour faute.
Examen des moyens
Sur le premier moyen et sur le second moyen, pris en sa première branche, du pourvoi principal et sur le premier moyen et le second moyen du pourvoi incident, ci-après annexés
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le second moyen, pris en ses deuxième, troisième, quatrième et cinquième branches, du pourvoi principal
Enoncé du moyen
6. Mme [P] fait grief à l'arrêt de la condamner à payer des dommages-intérêts à la société Eliott et à Mme [L], alors :
« 2°/ que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe du contradictoire ; qu'il ne peut, à ce titre, fonder sa décision sur un moyen de droit qu'il a relevé d'office, sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; que la société Eliott et Madame [L] avaient exclusivement fondé leur action sur les principes régissant la responsabilité délictuelle ; qu'en décidant néanmoins que Madame [P] avait engagé sa responsabilité contractuelle à l'égard de la société Eliott et de Madame [L], en raison d'un manquement à son obligation de délivrance conforme, sans avoir préalablement invité les parties à présenter leurs observations sur ce fondement juridique, qui n'avait pas été invoqué par la société Eliott et Madame [L], la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
3°/ que l'erreur sur la substance ne peut donner lieu à l'octroi de dommages-intérêts que si elle résulte d'une faute délictuelle commise par le cocontractant ; qu'en décidant néanmoins que des dommages-intérêts pouvaient être alloués à la société Eliott et Madame [L], à raison d'une erreur, sur le fondement de la responsabilité contractuelle, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil, devenu l'article 1240 du même code ;
4°/ que l'erreur sur la substance ne peut donner lieu à l'octroi de dommages-intérêts que si elle résulte d'une faute délictuelle commise par le cocontractant préalablement à la formation du contrat ; qu'en décidant néanmoins, pour condamner Madame [P] au paiement de dommages-intérêts, qu'elle n'avait pas exécuté son obligation de délivrance du bien à société Eliott, la cour d'appel, qui s'est ainsi fondée sur un seul manquement relatif à l'exécution du contrat et non sur une faute à l'origine de l'erreur ayant vicié le consentement de la société Eliott lors de la formation du contrat, a violé l'article 1382 du code civil, devenu l'article 1240 du même code ;
5°/ que l'erreur sur la substance ne peut donner lieu à l'octroi de dommages-intérêts que si elle résulte d'une faute délictuelle commise par le cocontractant préalablement à la formation du contrat ; qu'en décidant néanmoins, pour condamner Madame [P] au paiement de dommages-intérêts, qu'elle n'avait pas exécuté son obligation de délivrance du bien à société Eliott, sans constater qu'elle avait commis une faute délictuelle préalablement à la conclusion du contrat, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil, devenu l'article 1240 du même code. »
Réponse de la Cour
7. D'une part, le moyen pris de la responsabilité contractuelle de la venderesse pour inexécution partielle de son obligation de délivrance n'ayant pas été relevé d'office par la cour d'appel, mais ayant été placé dans le débat par Mme [P], la cour d'appel n'a pas violé le principe de la contradiction.
8. D'autre part, la cour d'appel a retenu que l'erreur commise par les acquéreurs résultait de ce qu'une partie de l'assiette de la piscine et de la plate-forme était exclue de l'immeuble vendu, contrairement à l'objet défini au contrat du 23 janvier 2012.
9. Ayant relevé que la SCI Eliott et Mme [L] avaient renoncé à demander l'annulation de la vente et réclamaient la réparation du préjudice affectant la valeur de la chose, la cour d'appel, qui n'a pas fait application de la responsabilité quasi-délictuelle, a retenu à bon droit que, sur le fondement de la responsabilité contractuelle, des dommages et intérêts pouvaient être alloués à une partie en présence d'une exécution imparfaite et a souverainement apprécié le préjudice résultant d'une livraison partielle, par Mme [P], de l'immeuble vendu.
10. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE les pourvois ;
Condamne Mme [P] aux dépens des pourvois ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne Mme [P] à payer à la SCI Eliott et à Mme [L] la somme globale de 3 000 euros et rejette les autres demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente septembre deux mille vingt et un.
Le conseiller rapporteur Le president
Le greffier de chambre
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits au pourvoi principal par la SCP [H], avocat aux Conseils, pour Mme [P].
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré recevable la demande de la Société civile immobilière ELIOTT et de Madame [A] [L] tendant à voir infirmer le jugement entrepris, en ce qu'il a prononcé l'annulation de la vente intervenue entre la Société civile immobilière ELIOTT et Madame [P] le 23 janvier 2012, ainsi que d'avoir débouté Madame [P] de sa demande tendant à voir déclarer irrecevables les
demandes de dommages-intérêts formées par la Société ELIOTT et par Madame [A] [L] à son encontre ;
AUX MOTIFS QUE, sur la recevabilité de la demande en infirmation de l'annulation de la vente, Madame [P] soutient que la prétention présentée par la Société ELIOTT et Madame [L], tendant au maintien du contrat de vente puisqu'elles réclament l'infirmation du jugement en ce qu'il a prononcé l'annulation de la vente intervenue le 23 janvier 2012, ce qu'elles réclamaient pourtant devant les premiers juges, est une prétention
nouvelle au sens de l'article 564 du Code de procédure civile ; que la Société ELIOTT et Madame [L] n'ont pas répliqué sur ce point ; qu'en l'espèce, il apparaît des termes du jugement querellé que cette prétention au regard de sa finalité bénéficie d'un lien suffisant et complémentaire avec les demandes initiales ; que de plus, Madame [P], qui n'a pas soulevé ce moyen dans ses précédentes écritures, conclut sur ce point, aux mêmes fins que la Société ELIOTT et Madame [L], en ce sens qu'elle s'est opposée également à l'annulation de la vente conclue entre les parties ; qu'aussi, compte tenu de l'évolution du litige, Madame [P] est mal fondée à prétendre que cette demande est une prétention nouvelle ; que dès lors, ce moyen sera rejeté et la demande tendant à l'infirmation du jugement en ce qu'il a prononcé l'annulation de la vente sera déclarée recevable ;
ALORS QUE, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent, sauf exceptions, soumettre à la cour de nouvelles prétentions ; que les prétentions ne sont pas nouvelles, dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est
différent ; que l'action en nullité d'un contrat, qui a pour effet de mettre à néant celui-ci, ne tend pas aux mêmes fins que l'action tendant à engager la responsabilité pour faute du vendeur, qui laisse subsister la convention ; qu'en décidant néanmoins que la demande d'annulation de la vente du 23 janvier 2012, formée en première instance par la Société ELIOTT et Madame [L], tendait aux mêmes fins que celle formée pour la première fois en cause d'appel, tendant à voir valider cette vente et à voir condamner Madame [P] à indemniser la Société ELIOTT et Madame [L] de leur préjudice, pour en déduire que cette demande était recevable, la Cour d'appel a violé l'article 565 du Code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir condamné Madame [G] [P] à payer à la Société ELIOTT la somme de 68.000 euros à titre de dommages-intérêts, en réparation de son préjudice résultant de la différence entre le prix de vente de l'immeuble et la superficie manquante, ainsi qu'à payer à Madame [A] [L] la somme de 4.000 euros à titre de dommages-intérêts, en réparation de son préjudice moral ;
AUX MOTIFS QUE, sur les demandes indemnitaires, la Société ELIOTT et Madame [L] exposent qu'elles sont en droit de réclamer l'indemnisation de leur préjudice du chef des fautes commises par Madame [P] notamment l'erreur sur la qualité substantielle de la chose vendue ayant été provoquée par cette dernière ; qu'elles indiquent que la vente porte sur une parcelle cadastrée section I n° [Cadastre 2] sise à [Localité 3] comprenant une maison d'habitation, une terrasse non couverte, un garage et une piscine le tout pour une contenance de 49 ares et 20 centiares alors qu'en réalité la piscine se situe sur la parcelle contiguë et que la propriété souffre d'un enclavement ne permettant pas la jouissance de la terrasse ; qu'elles affirment que Madame [P], avertie, n'a pu ignorer l'absence de modification cadastrale lors de la vente faite le 22 juillet 2005 en faveur de Messieurs [C] et [B], laquelle aurait nécessité un enregistrement à la conservation des hypothèques qui n'a pas eu lieu ; qu'elles font valoir la réticence dolosive de l'appelante qui ne pouvait ignorer construire sa piscine, pour valoriser son bien, sur une partie de la parcelle I [Cadastre 1] et dans tous les cas la faute précontractuelle commise par elle ; qu'elles soutiennent que la surface de 678 m2 leur ayant été vendue à tort et le prix de vente augmenté au moins de 20 % en raison de cette piscine, elles sont en droit de réclamer, sur la base de l'estimation du cabinet Strykala versée au dossier, le remboursement de la somme de 226.086,75 euros outre le surcoût du crédit à savoir la somme de 95.900 euros car elles auraient eu à emprunter une somme moindre et le surcoût des frais de notaire à savoir 19.800 euros ; que la société ELIOTT et Madame [L] ajoutent que Messieurs [C] et [B] ayant entrepris de détruire la butte attenante à leur habitation, la bordure de terrain est devenue dangereuse et le risque de nullité de la vente a fait peser sur leur projet de vie des tensions permanentes qui ont été la cause de la séparation du couple ; que Madame [P] réplique que la Société ELIOTT et Madame [L] arguent à nouveau de la réticence dolosive qui lui est reprochée alors que celle-ci a déjà été écartée par la cour dans son arrêt du 28 janvier 2019 ; qu'elle soutient qu'en vertu du principe du non cumul des responsabilités contractuelle et délictuelle, la Société ELIOTT et Madame [L] ne peuvent, dans le cas d'un manquement prétendu commis dans l'exécution d'une obligation résultant de la convention conclue, fonder leurs demandes sur les dispositions de l'article 1240 du code civil ; qu'elle ajoute que Madame [L] ne démontre pas l'existence d'un préjudice personnel et distinct de celui de la société pouvant justifier du préjudice moral dont elle réclame réparation ; qu'aux termes de notre arrêt du 28 janvier 2019, la cour a expressément retenu que la Société ELIOTT a commis une erreur sur la substance de l'immeuble vendu puisque partie de l'assiette de la piscine et du deck en est exclue contrairement à l'objet du contrat du 23 janvier 2012 ; qu'en renonçant à demander l'annulation de la vente et en réclamant l'indemnisation des préjudices subis du fait du manquement contractuel commis, la Société ELIOTT et Madame [L] ont en réalité entendu demander d'une part, la réparation affectant la valeur de la chose née de la superficie manquante et d'autre part, la perte de chance d'avoir pu contracter à des conditions plus avantageuses ; que s'il n'est pas caractérisé de faute lors des pourparlers précédant la promesse de vente ou la vente conclue le 23 janvier 2012, il est admis, sur le fondement de la responsabilité contractuelle, que des dommages et intérêts puissent être alloués à une partie en présence d'une inexécution imparfaite, en l'occurrence le dommage résultant de la livraison partielle commise par Madame [P] ; qu'en l'espèce, du rapport amiable établi par le cabinet Strykala ACS Immobiliers le 5 février 2018, il apparaît que la portion de terrain litigieuse est d'une contenance de 678 m2 sur une superficie totale vendue de 4 920 m 2 au prix total de 385.000 euros, étant observé que la présence d'une piscine a valorisé la vente de l'immeuble ; qu'aussi, la Société ELIOTT et Madame [L] ne peuvent, pour calculer le montant de leur préjudice, déduire du prix d'achat, la moins value de 145.770 euros proposée par l'agent immobilier (non le prix du bien comme le soutiennent les intimées), outre en sus, 20 % de ce prix pour tenir compte de la plus-value apportée par la piscine ; que sur la base des éléments exposés par la cour notamment la superficie litigieuse (dont la valeur sera estimée à 53.000 euros- 78,25x678) et la plus-value apportée par la piscine construite hors périmètre (estimée à 15 000 euros), il est de juste appréciation de fixer à ta somme de 68.000 euros, l'indemnisation qui sera due par Madame [P] aux intimées concernées ; (?) que concernant le préjudice moral de Madame [L], il est versé au dossier, outre une ordonnance du 13 mai 2013 établie par le docteur [V] [M] du centre hospitalier de [Localité 1] (CMP - hôpital de jour) , le procès- verbal d'audition de celle-ci dressé le 07 décembre 2012 par les gendarmes de la brigade du [Localité 2] décrivant les travaux entrepris en limites des propriétés par Messieurs [C] et [B] et les frictions entraînées avec Madame [L] ; qu'aussi, contrairement à ce qui est soutenu, il est justifié d'un préjudice personnel par cette dernière de sorte que c'est à raison qu'il sera fait droit à cette demande à hauteur de la somme de 4.000 euros ;
1°) ALORS QUE la cassation entraîne, sans qu'il y ait lieu à une nouvelle décision, l'annulation par voie de conséquence de toute décision qui est la suite, l'application ou l'exécution du jugement cassé ou qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire ; que la cassation, à intervenir sur le pourvoi n° R 19-23.021, de l'arrêt de la Cour d'appel de 28 janvier 2019, ayant débouté Madame [P] de ses demandes tendant à voir rectifier
l'acte authentique de vente du 23 janvier 2012 et ayant retenu l'existence d'une erreur sur la substance au profit de la Société civile immobilière ELIOTT, portant sur l'assiette de la chose vendue, entraînera, par voie de conséquence, la cassation de l'arrêt du 7 octobre 2019, ayant condamné Madame [P] à payer à la Société ELIOTT la somme de 68.000 euros en réparation de son préjudice né de la différence entre le prix réglé et la superficie manquante, ainsi qu'à la somme de 4.000 euros en réparation du préjudice moral subi par Madame [L], motif pris que Madame [P] avait commis une faute à l'origine de l'erreur sur la substance commise par la Société ELIOTT, et ce, en application de l'article 625 du Code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe du contradictoire ; qu'il ne peut, à ce titre, fonder sa décision sur un moyen de droit qu'il a relevé d'office, sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; que la Société ELIOTT et Madame [L] avaient exclusivement fondé leur action sur les principes régissant la responsabilité délictuelle ; qu'en décidant néanmoins que Madame [P] avait engagé sa responsabilité contractuelle à l'égard de la Société ELIOTT et de Madame [L], en raison d'un manquement à son obligation de délivrance conforme, sans avoir préalablement invité les parties à présenter leurs observations sur ce fondement juridique, qui n'avait pas été invoqué par la Société ELIOTT et Madame [L], la Cour d'appel a violé l'article 16 du Code de procédure civile ;
3°) ALORS QUE l'erreur sur la substance ne peut donner lieu à l'octroi de dommages-intérêts que si elle résulte d'une faute délictuelle commise par le cocontractant ; qu'en décidant néanmoins que des dommages-intérêts pouvaient être alloués à la Société ELIOTT et Madame [L], à raison d'une erreur, sur le fondement de la responsabilité contractuelle, la Cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil, devenu l'article 1240 du même code ;
4°) ALORS QUE l'erreur sur la substance ne peut donner lieu à l'octroi de dommages-intérêts que si elle résulte d'une faute délictuelle commise par le cocontractant préalablement à la formation du contrat ; qu'en décidant néanmoins, pour condamner Madame [P] au paiement de dommages-intérêts, qu'elle n'avait pas exécuté son obligation de délivrance du bien à Société ELIOTT, la Cour d'appel, qui s'est ainsi fondée sur un seul manquement relatif à l'exécution du contrat et non sur une faute à l'origine de l'erreur ayant vicié le consentement de la Société ELIOTT lors de la formation du contrat, a violé l'article 1382 du Code civil, devenu l'article 1240
du même code ;
5°) ALORS QUE l'erreur sur la substance ne peut donner lieu à l'octroi de dommages-intérêts que si elle résulte d'une faute délictuelle commise par le cocontractant préalablement à la formation du contrat ; qu'en décidant néanmoins, pour condamner Madame [P] au paiement de dommages-intérêts, qu'elle n'avait pas exécuté son obligation de délivrance du bien à Société ELIOTT, sans constater qu'elle avait commis une faute délictuelle préalablement à la conclusion du contrat, la Cour d'appel a privé
sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil, devenu
l'article 1240 du même code.
Moyens produits au pourvoi incident par la SCP Gaschignard, avocat aux Conseils, pour la SCI ELIOTT et Madame [A] [L].
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
La SCI Eliott fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir déboutée de sa demande relative au surcoût du crédit contracté et aux frais de notaire réglés ;
AUX MOTIFS QUE s'agissant du surcoût du crédit et des frais de notaire, la société Eliott et Mme [L] ne contestant pas le prix initial de la vente correspondant à une prestation (corrigée par l'allocation des dommages et intérêts susvisés) et ne réclamant plus la résolution du contrat en cause, elles ne justifient pas de la perte d'une chance d'avoir emprunté à des conditions plus avantageuses ;
1° ALORS QUE la SCI Eliott, qui ne se plaignait pas d'avoir « perdu une chance d'emprunter à des conditions plus avantageuses », mais simplement d'avoir dû emprunter une somme excessive, faisait valoir (pp. 15-16) que, si elle avait payé l'immeuble acquis à sa vraie valeur, elle aurait dû emprunter une somme moindre et n'aurait pas eu à acquitter des intérêts sur les sommes qu'il ne lui était pas nécessaire d'emprunter ; qu'en s'abstenant de rechercher, comme elle y était invitée, si, au préjudice dont elle constatait l'existence, résultant de l'excès de prix versé par les acheteurs, ne s'ajoutait pas un préjudice résultant d'une charge supplémentaire d'intérêts exposés à l'égard de la banque prêteuse, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des 1604 et 1147 du code civil dans leur rédaction applicable au litige ;
2° ALORS QUE les frais dits « de notaire », qui s'entendent à la fois des droits de mutation et des honoraires tarifés du notaire, sont proportionnels à la chose vendue ; qu'en s'abstenant de rechercher, comme elle y était invitée, si, au préjudice dont elle constatait l'existence, résultant de l'excès de prix versé par les acheteurs, ne s'ajoutait pas nécessairement le préjudice résultant de droits qui n'auraient pas été acquittés si seule la chose délivrée avait fait l'objet de la vente, la cour d'appel a derechef privé sa décision de base légale au regard des articles 1604 et 1147 du code civil dans leur rédaction applicable au litige.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
La SCI Eliott fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir limité à 68 0000 euros le montant de l'indemnisation mise à la charge de Mme [P]
AUX MOTIFS QUE du rapport amiable établi par le cabinet Strykala ACS Immobiliers le 5 février 2018, il apparaît que la portion de terrain litigieuse est d'une contenance de 678 m² sur une superficie totale vendue de 4 920 m² au prix total de 385 0000 euros, étant observé que la présence d'une piscine a valorisé la vente de l'immeuble ; que sur la base des éléments exposés par la cour, notamment la superficie litigieuse, dont la valeur sera estimée à 53 000 euros (78,25x678) et la plus-value apportée par la piscine construite hors périmètre (estimée à 15 000 euros), il est de juste appréciation de fixer à la somme de 68 000 euros l'indemnisation qui sera due par Mme [P] aux intimées concernées ;
ALORS QUE la SCI Eliott faisait valoir que la superficie manquante de 678 m² était située en zone constructible, cependant que, sur les 4 920 m² acquis, seuls 1 920 m², dont les 678 m² manquants était situés en zone constructible ; qu'elle en déduisait qu'il y avait lieu d'apprécier son préjudice en opérant un ratio de 678 sur 1 920 ; qu'e n décidant que la valeur de chaque mètre carré manquant devait être fixée à 78,25 euros, soit la valeur fixée pour la totalité du terrain divisée par la nombre total de mètres carrés sans rechercher si, comme il était soutenu, la partie la plus importante du terrain n'était pas située en zone non constructible, de sorte que la valeur des mètres carrés manquants, quant à eux situés en zone constructible, ne pouvait être appréciée en divisant sommairement la totalité de la surface vendue par le prix convenu, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1604 et 1147 du code civil dans leur rédaction applicable au litige.
Le greffier de chambre