Vu la décision n° 330013 du 23 décembre 2011, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Nancy le 16 janvier 2012 sous le n° 12NC00100, par laquelle le Conseil d'Etat statuant au contentieux, saisi d'un pourvoi présenté par le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales tendant à l'annulation de l'arrêt n° 08NC01146 du 20 mai 2009 par lequel la Cour administrative d'appel de Nancy a rejeté son recours tendant à l'annulation du jugement n° 0600303 du 15 mai 2008 par lequel le Tribunal administratif de Besançon a annulé l'arrêté du préfet du Doubs du 27 décembre 2005 ordonnant à la communauté d'agglomération du pays de Montbéliard de reverser la somme de 1 646 838,12 euros perçue au titre du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée en 2001, 2002 et 2003 pour les dépenses de restructuration du stade Bonal, a renvoyé le jugement de l'affaire devant la cour, après annulation de l'arrêt rejetant le recours du ministre ;
Vu la requête, enregistré le 25 juillet 2008, présenté par le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales ;
Le ministre demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0600302 du 15 mai 2008 par lequel le Tribunal administratif de Besançon a annulé l'arrêté du 27 décembre 2005 par lequel le préfet du Doubs a ordonné à la communauté d'agglomération du pays de Montbéliard de reverser la somme de 1 646 838,12 euros perçue à tort au titre du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée se rapportant aux années 2001, 2002 et 2003 pour les dépenses de restructuration du stade Bonal ;
2°) de rejeter la demande présentée par la communauté d'agglomération du pays de Montbéliard devant le Tribunal administratif de Besançon ;
Il soutient que :
- contrairement à ce qu'ont jugé les premiers juges, les arrêts préfectoraux portant versement au titre du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée ne constituent pas des décisions créatrices de droits, mais des décisions pécuniaires qui ont un caractère recognitif ;
- ces décisions, qui ont le caractère de simples mesures de liquidation non créatrices de droit, pouvaient être retirées à tout moment par le préfet en raison de leur illégalité ;
- la communauté d'agglomération du pays de Montbéliard n'avait pas droit, au regard des dispositions de l'article L. 1615-7 du code général des collectivités territoriales, aux sommes qui lui ont été versées par le fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée pour les dépenses de restructuration du stade Bonal, dès lors qu'il est apparu, à la lecture de l'avenant du 12 juillet 2000 à la convention signée le 2 août 1999 entre le district urbain du pays de Montbéliard et le football club de Sochaux-Montbéliard, que ce dernier était le principal utilisateur du stade mis à sa disposition par la collectivité ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 4 novembre 2008, présenté pour la communauté d'agglomération du pays de Montbéliard, représentée par son président en exercice, par la SCP d'avocats Schmidt-Vergnon-Pélissier-Thierry et Eard-Aminthas ; la communauté d'agglomération du pays de Montbéliard conclut au rejet du recours et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- il résulte de la jurisprudence la plus récente qu'une décision administrative accordant un avantage financier crée des droits au profit de son bénéficiaire, alors même que l'administration avait l'obligation de refuser cet avantage ;
- les principes de sécurité juridique et de confiance légitime s'opposent également au retrait d'une décision accordant un avantage pécuniaire ou un droit subjectif ;
- dans un premier temps, après avoir examiné la convention signée le 2 août 1999, les services de l'Etat avaient admis, avant de changer leur appréciation, que les dépenses de restructuration du stade Bonal étaient éligibles au fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée, sous réserve d'investissements concernant des espaces mis à la disposition exclusive du football club de Sochaux-Montbéliard ;
- les dépenses d'investissement en litige remplissaient les conditions requises par les dispositions de l'article L. 1615-7 du code général des collectivités territoriales, dès lors que le stade Bonal a été mis à la disposition d'autres utilisateurs que le football club de Sochaux-Montbéliard au cours des années concernées ;
Vu le mémoire enregistré le 23 février 2012, complété par des mémoires enregistrés les 24 mai 2012 et 12 novembre 2012, présentés par le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales qui conclut à l'annulation du jugement du Tribunal administratif de Besançon par les mêmes moyens que ceux présentés au soutien de ses précédents mémoires produits dans l'instance n° 08NC01146, ainsi qu'au rejet des conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient en outre que :
- les termes de la convention de mise à disposition du stade ainsi que l'avenant à cette convention, signé le 12 juillet 2000, confirment que, les conditions d'éligibilité au fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée n'étant plus réunies, le préfet du Doubs était fondé à demander le reversement des sommes allouées à tort sur le fondement des dispositions de l'article L. 1615-9 du code général des collectivités territoriales ;
- les dispositions relatives au fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée visées par les articles L. 1615-1 à 1615-12 du code général des collectivités territoriales n'ont pas été respectées, ainsi que l'a également relevé la chambre régionale des comptes de Franche-Comté dans son avis sur la gestion de la communauté d'agglomération du pays de Montbéliard en date du 15 décembre 2005 ;
- le préfet du Doubs a estimé que la communauté d'agglomération du pays de Montbéliard avait bénéficié indûment des attributions du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée pour les dépenses qu'elle a réalisées pour le stade Bonal depuis 1999 et qu'il était fondé à demander le reversement des sommes attribuées en 2001, 2002 et 2003 ;
- c'est à tort que la communauté d'agglomération du pays de Montbéliard considère que seuls les biens cédés ou mis à disposition après l'attribution du fonds sont susceptibles de faire l'objet d'un reversement ;
- au moment de l'attribution des fonds litigieux, les services du préfet n'avaient pas encore connaissance du mode de fonctionnement réel de l'équipement et se fondaient sur les conventions en leur possession ;
Vu, enregistré le 5 avril 2012, le mémoire en défense présenté pour la communauté d'agglomération du pays de Montbéliard par la SCP d'avocats Coutard-Mayer, complété par un mémoire enregistré le 27 septembre 2012 ; la communauté d'agglomération du pays de Montbéliard conclut au rejet du recours et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- les arrêtés successifs d'attribution du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée pour les années 2001, 2002 et 2003 sont intervenus postérieurement à la mise à disposition exclusive du stade Bonal au profit du football club de Sochaux-Montbéliard :
- les articles L. 1615-9 et R. 1615-5 du code général des collectivités territoriales ne prévoient une obligation de reversement du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée que dans le cas où les biens sont ensuite cédés ou mis à la disposition au profit d'un tiers, alors qu'en l'espèce, la mise à disposition du stade a été faite au profit du football club de Sochaux-Montbéliard avant l'attribution des fonds ;
Vu l'ordonnance du président de la 3ème chambre fixant la clôture de l'instruction au 19 octobre 2012 à 16 heures ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 novembre 2012 :
- le rapport de Mme Fischer-Hirtz, président,
- les conclusions de M. Collier, rapporteur public,
- et les observations de Me de Lagarde substituant la SCP Coutard-Mayer, avocat de la communauté d'agglomération du pays de Montbéliard ;
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
1. Considérant, d'une part, qu'une décision administrative accordant un avantage financier crée des droits au profit de son bénéficiaire alors même que l'administration avait l'obligation de refuser cet avantage ; qu'en revanche, n'ont pas cet effet les mesures qui se bornent à procéder à la liquidation de la créance née d'une décision prise antérieurement ; que, sous réserve de dispositions législatives ou réglementaires contraires et hors le cas où il est satisfait à une demande du bénéficiaire, l'administration ne peut retirer une décision individuelle explicite créatrice de droits, si elle est illégale, que dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision ; que ces règles ne font pas obstacle à la possibilité, pour l'administration, de demander à tout moment le reversement des sommes attribuées par suite d'une erreur dans la procédure de liquidation ou de paiement ou d'un retard dans l'exécution d'une décision de l'ordonnateur ; que, par ailleurs, un acte administratif obtenu par fraude ne crée pas de droits et, par suite, peut être abrogé ou retiré par l'autorité compétente pour le prendre, alors même que le délai de droit commun serait expiré ;
2. Considérant, d'autre part, qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 1615-1 du code général des collectivités territoriales : " Les ressources du Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée des collectivités territoriales comprennent les dotations budgétaires ouvertes chaque année par la loi et destinées à permettre progressivement le remboursement intégral de la taxe sur la valeur ajoutée acquittée par les collectivités territoriales et leurs groupements sur leurs dépenses réelles d'investissement " ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 1615-7 de ce code : " Les immobilisations cédées ou mises à disposition au profit d'un tiers ne figurant pas au nombre des collectivités ou établissements bénéficiaires du Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée ne peuvent donner lieu à une attribution dudit fonds " ; que l'article L. 1615-9 du même code dispose que : " Les modalités de remboursement des attributions du Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée par les collectivités locales ou les établissements bénéficiaires dudit fonds sont définies par décret en Conseil d'Etat " ; qu'enfin, aux termes de l'article R. 1615-5 du code dans sa rédaction alors applicable : " Le remboursement mentionné à l'article L. 1615-9 et résultant des articles L. 1615-7 et L. 1615-8 est opéré dans les conditions suivantes : / 1° Lorsqu'il s'agit d'immeubles cédés ou mis à disposition avant le commencement de la neuvième année qui suit celle de leur acquisition ou de leur achèvement, la collectivité ou l'établissement bénéficiaire reverse une fraction de l'attribution initialement obtenue. Cette fraction est égale au montant de l'attribution initiale diminuée d'un dixième par année civile ou fraction d'année civile écoulée depuis la date à laquelle l'immeuble a été acquis ou achevé ; / 2° Lorsqu'il s'agit de biens mobiliers cédés ou mis à disposition avant la quatrième année qui suit celle de leur acquisition, la diminution est d'un cinquième au lieu d'un dixième par année civile ou fraction d'année civile " ;
3. Considérant que la décision par laquelle un préfet accorde à une collectivité territoriale ou à un groupement de collectivités le bénéfice du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée, au titre de dépenses qu'il juge éligibles pour une année donnée, crée au profit de cette collectivité ou de ce groupement un droit au versement de dotations de ce fonds à raison de ces dépenses ; qu'ainsi, si le préfet peut, à tout moment, demander le reversement des sommes versées par suite d'une erreur dans la procédure de liquidation ou de paiement, il ne peut, en principe, sauf cas de fraude, retirer une décision portant attribution du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée, si elle est illégale, que dans un délai de quatre mois suivant la prise de cette décision ; que, toutefois, dans l'hypothèse où le bien au titre duquel le bénéfice du fonds a été accordé est ensuite cédé ou mis à disposition au profit d'un tiers non bénéficiaire, dans des conditions telles que la dépense de la collectivité ou du groupement doit être regardée comme ayant eu principalement pour objet ou pour effet d'avantager ce tiers, la collectivité ou le groupement est tenu de reverser une fraction de l'attribution initialement obtenue, dans les conditions prévues par les dispositions des articles L. 1615-9 et R. 1615-5 du code général des collectivités territoriales ;
4. Considérant que, par un arrêté du 27 décembre 2005, le préfet du Doubs a demandé à la communauté d'agglomération du pays de Montbéliard de reverser une attribution du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée d'un montant total de 1 646 838,12 euros, qui avait été allouée au district urbain du pays de Montbéliard puis à la communauté d'agglomération du pays de Montbéliard en 2001, 2002 et 2003 au titre des dépenses effectuées par ces collectivités entre 1999 et 2004 pour les travaux de rénovation du stade Bonal ; que l'arrêté en litige mentionnait également que les dispositions de l'article 1615-7 du code général des collectivités territoriales n'étaient pas remplies, dans la mesure où les biens en cause avaient été mis, à titre exclusif et pour les besoins propres du football club de Sochaux-Montbéliard, à la disposition du club sportif dans des conditions telles que l'investissement de la communauté d'agglomération du pays de Montbéliard devait être regardé comme ayant eu principalement pour objet et pour effet d'avantager ce club ; qu'il résulte toutefois de l'instruction que cette demande de reversement était motivée par le fait que la communauté d'agglomération du pays de Montbéliard avait passé, dès le 2 août 1999, avec le football club de Sochaux-Montbéliard, tiers non éligible au fonds, une convention de mise à disposition du stade Bonal à laquelle avait été annexé un avenant signé le 12 juillet 2000, au terme duquel le football club de Sochaux-Montbéliard devenait le principal utilisateur du stade ; qu'ainsi, le bien résultant de l'investissement réalisé par la collectivité avait déjà fait l'objet, dans les conditions qui viennent d'être rappelées, d'une mise à la disposition d'un tiers non bénéficiaire du fonds à la date à laquelle le préfet a examiné l'éligibilité à ce fonds des dépenses correspondantes ; que, dès lors, et sans qu'y fassent obstacle les dispositions des articles L. 1615-9 et R. 1615-5 du code général des collectivités territoriales qui prévoient une obligation de reversement des fonds dans l'hypothèse où le bien au titre duquel le bénéfice du fonds a été accordé est ensuite cédé ou mis à disposition d'un tiers non bénéficiaire, le préfet du Doubs, qui avait commis une erreur dans l'appréciation initiale des circonstances dans lesquelles il pouvait procéder à l'attribution du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée au profit de la communauté d'agglomération du pays de Montbéliard, ne pouvait la remettre en cause que dans le délai de droit commun de quatre mois ; qu'il suit de là qu'en prononçant, au-delà de ce délai, le retrait de décisions créatrices de droits, le préfet du Doubs a entaché d'illégalité son arrêté du 27 décembre 2005 ;
5. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Besançon a annulé l'arrêté du 27 décembre 2005 ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
6. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés en appel par la communauté d'agglomération du pays de Montbéliard et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le recours du ministre de l'intérieur, de l'outre mer et des collectivités territoriales est rejeté.
Article 2 : L'Etat versera à la communauté d'agglomération du pays de Montbéliard une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à la communauté d'agglomération du pays de Montbéliard.
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