Vu la procédure suivante :
Procédure antérieure :
M. F... J... a demandé au tribunal administratif de Poitiers de condamner le centre hospitalier Nord Deux-Sèvres et le centre hospitalier universitaire (CHU) de Poitiers à lui verser une somme totale de 124 719,85 euros en réparation des préjudices qu'il a subis du fait des fautes commises lors de sa prise en charge dans ces établissements.
La caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) des Deux-Sèvres a demandé au tribunal administratif de Poitiers de condamner le centre hospitalier Nord Deux-Sèvres à lui payer la somme de 100 064,82 euros au titre de ses débours et la somme de 1 055 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion et de condamner le CHU de Poitiers à lui payer la somme de 200 129,63 euros au titre de ses débours et la somme de 1 055 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion.
Par un jugement n° 1500347-1501032 du 21 février 2017, le tribunal administratif de Poitiers a ordonné avant-dire droit une expertise médicale aux fins de déterminer si des fautes ont été commises lors des prises en charge de M. J... au sein du centre hospitalier Nord Deux-Sèvres et du CHU de Poitiers de mai à août 2012, et, dans l'affirmative, si ces fautes sont à l'origine des séquelles dont M. J... reste atteint et si M. J... a subi une perte de chance de voir son état de santé s'améliorer ou d'éviter de le voir se dégrader du fait de ces manquements, et aux fins de décrire les préjudices de M. J... consécutifs à ces éventuels manquements.
Par un jugement n° 1500347-1501032 du 6 mars 2018, le tribunal administratif de Poitiers :
- a condamné le centre hospitalier Nord Deux-Sèvres à verser à M. J... la somme de 13 680 euros et à payer à la CPAM des Deux-Sèvres la somme de 8 250 euros en remboursement des débours exposés, la somme de 836,53 euros par an au titre des débours futurs et la somme de 1 055 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion
- a condamné le CHU de de Poitiers à verser à M. J... la somme de 41 040 euros et à payer à la CPAM des Deux-Sèvres la somme de 24 750 euros en remboursement des débours exposés, la somme de 2 509,58 euros par an au titre des débours futurs et la somme de 1 055 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion
- a mis les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 3 880 euros, à la charge du centre hospitalier Nord Deux-Sèvres à hauteur de 1 260 euros et à la charge du centre hospitalier universitaire de Poitiers à hauteur de 2 520 euros
- a mis à la charge du centre hospitalier Nord Deux-Sèvres une somme de 800 euros à verser à M. J... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
- a mis à la charge du centre hospitalier universitaire de Poitiers une somme de 1 200 euros à verser à M. J... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
- et a rejeté le surplus des conclusions des parties.
Procédure devant la cour :
I) Sous le n° 18BX01520, par une requête et un mémoire enregistrés les 13 avril 2018 et 19 mars 2019, M. J..., représenté par la SCP Fort-Blouin-Bossant, demande à la cour :
1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 6 mars 2018 en tant qu'il a limité au montant de 13 680 euros la somme que le centre hospitalier Nord Deux-Sèvres a été condamné à lui verser ;
2°) de condamner le centre hospitalier Nord Deux-Sèvres à lui verser une somme totale de 86 298, 91 euros ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier Nord Deux-Sèvres une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement attaqué, en ce qu'il a retenu un taux de perte de chance de 60 % et estimé que la responsabilité du centre hospitalier Nord Deux-Sèvres était engagée à hauteur de 25 %, devra être confirmé en appel ; cet établissement doit être condamné à réparer 25 % de ses préjudices, dont l'évaluation doit être majorée en appel ;
- contrairement à ce qu'a estimé le tribunal administratif, les séances de psychothérapie individuelle sont en rapport avec les fautes commises dans sa prise en charge ; il doit être indemnisé des frais afférents à ces séances, d'un montant total de 2 160 euros ;
- il a subi un préjudice professionnel ; son revenu annuel s'élevait, avant la survenance du syndrome de la queue de cheval, à 6 340 euros ; il perçoit à titre temporaire une pension d'invalidité annuelle de 9 053, 94 euros ; sa perte de revenus future doit ainsi être évaluée, après capitalisation et application du taux de perte de chance de 60 %, au montant total de 108 847, 20 euros ; ce préjudice a été retenu par l'expertise médicale, et il verse une attestation de Pôle emploi dont il résulte qu'il ne peut retrouver aucun emploi du fait de son état de santé ;
- en raison de son état, il ne peut conduire qu'un véhicule avec boîte de vitesse automatique ; les frais d'aménagement de son véhicule s'élèvent au montant actualisé de 1 695 euros ; c'est à tort que le tribunal n'a pas pris en compte le renouvellement de cette dépense lors du remplacement du véhicule tous les 8 ans ; une somme totale de 27 373,57 euros, prenant en compte le taux de perte de chance de 60 %, doit lui être allouée en réparation de ce préjudice futur ;
- s'agissant des dépenses de santé futures, outre les frais restant à sa charge et relatifs aux auto sondages, au peristeen et aux injections intracaverneuses, il doit être indemnisé des frais de semelles orthopédiques ;
- c'est à tort que le tribunal a rejeté sa demande de réparation des frais d'acquisition d'un fauteuil roulant, à exposer à très court terme, ainsi que des frais de renouvellement tous les 5 ans, qui s'élèvent à un total de 16 642, 33 euros après prise en compte du taux de perte de chance ; il produit des certificats médicaux établissant la nécessité d'utiliser un fauteuil roulant pour ses déplacements ;
- une somme totale de 4 584, 96 euros, après prise en compte du taux de perte de chance, doit lui être allouée en réparation de son déficit fonctionnel temporaire, qui a été total du 19 juillet au 29 novembre 2012 et durant six périodes d'hospitalisation, de 50 % du 30 novembre 2012 au 19 juillet 2013 et de 40 % du 20 juillet 2013 au 22 décembre 2013 ; un tiers doit être mis à la charge du CHNDS ;
- -les souffrances évaluées à 4/7 justifient après prise en compte du taux de perte de chance, une indemnité de 15 000 euros, dont un tiers doit être mis à la charge du CHNDS ; une somme totale de 1 800 euros, après prise en compte du taux de perte de chance, doit lui être allouée en réparation de son préjudice esthétique temporaire évalué à 2/7 en raison de l'utilisation de cannes ;
- une somme totale de 56 700 euros, après prise en compte du taux de perte de chance, doit lui être allouée en réparation de son déficit fonctionnel permanent, évalué à 35 % par l'expert , dont un tiers doit être mis à la charge du CHNDS ;
- il sollicite une indemnité totale de 1 800 euros en réparation de son préjudice esthétique permanent ;
- le retentissement sexuel étant total, une indemnité de 18 000 euros, après prise en compte du taux de perte de chance, doit lui être allouée en réparation de son préjudice sexuel ;
- il pratiquait la randonnée et était très bricoleur avant le fait générateur du dommage ; une somme totale de 3 000 euros, après prise en compte du taux de perte de chance, doit lui être allouée en réparation de son préjudice d'agrément, dont la réalité est établie par les attestations produites.
Par un mémoire enregistré le 31 juillet 2018, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), représenté par Me H..., conclut à sa mise hors de cause à la mise à la charge in solidum du centre hospitalier centre hospitalier Nord Deux-Sèvres et du CHU de Poitiers d'une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le dommage de M. J... est imputable à sa pathologie initiale, à savoir l'évolution d'une hernie discale L5-S1 occupant environ 50 % du canal rachidien ; aucun acte médical n'est donc à l'origine des préjudices dont la réparation est demandée ;
- à titre surabondant, le dommage est lié à un retard de diagnostic entièrement imputable au centre hospitalier Nord Deux-Sèvres et au CHU de Poitiers ; les conditions d'une indemnisation au titre de la solidarité nationale ne sont ainsi pas réunies.
Par des mémoires en défense enregistrés les 9 octobre 2018 et 13 mai 2019, le centre hospitalier Nord Deux-Sèvres, représenté par Me C..., conclut au rejet de la requête et demande à la cour, par la voie de l'appel incident, d'annuler le jugement d'une part, en tant qu'il l'a condamné à verser à M. J... une somme de 13 680 euros et de limiter cette indemnisation au montant de 3 606, 06 euros, d'autre part, en tant qu'il l'a condamné à verser des sommes à la CPAM des Deux Sèvres et, à titre subsidiaire, de ramener à 5 136, 57 euros la somme allouée à la caisse au titre de ses débours futurs.
Il soutient que :
- le tribunal a surévalué la part de responsabilité lui incombant ; il convient de fixer sa part de responsabilité au regard des signes de syndrome de la queue de cheval présentés par M. J... lors des consultations au sein de son établissement ; or, il résulte de l'expertise que ces signes n'étaient détectables que lors de la consultation du 26 juin 2012 ; les fautes graves commises par le CHU de Poitiers ont contribué de manière prépondérante à la survenance du dommage ; sa part de responsabilité ne saurait, dès lors, excéder 10 % ;
- le tribunal a évalué à juste titre la perte de chance à 60 % ;
- M. J... n'établit pas avoir exposé des frais de psychothérapie, ni même que de telles séances étaient justifiées par son état de santé ;
- M. J... bénéficie d'une pension d'invalidité de catégorie 2, qui ne lui interdit pas d'exercer une activité professionnelle adaptée à son état ; s'il ne peut plus exercer son activité antérieure de peintre en bâtiment, il a lui-même déclaré qu'il était déjà en invalidité avant le fait générateur de responsabilité ; s'il avait été opéré dans un délai normal, il n'aurait pas pu reprendre son activité de peintre en bâtiment ; si sa reconversion professionnelle implique de trouver une activité compatible avec ses séquelles neurologiques, il ne justifie pas avoir effectué des recherches d'emploi ; l'intéressé ne produit pas les avis d'impôts sur les revenus des années 2009 à 2011 et des années 2013 à 2018 et ne met ainsi pas la cour à même d'évaluer son éventuelle perte de revenus ; les seuls éléments versés ne font pas apparaître une perte de revenus ;
- c'est à tort que le tribunal a accordé à M. J... une indemnisation au titre des frais d'aménagement de son véhicule ; en effet, ses douleurs et la fatigabilité de son pied gauche résultent de l'évolution de son état antérieur et non pas des séquelles du syndrome de la queue de cheval ; le requérant n'établit d'ailleurs pas qu'il ne conduisait pas déjà un véhicule automatique avant juin 2012 ;
- M. J... ne saurait davantage prétendre à une indemnisation au titre des frais d'acquisition et de renouvellement d'un fauteuil roulant ; aucun des experts n'a retenu une telle nécessité ; les troubles rendant nécessaires une telle acquisition ne sont pas en relation avec son syndrome de la queue de cheval, ainsi que le relève l'expertise ordonnée par le tribunal ;
- les prétentions de M. J... relatives à un préjudice esthétique permanent doivent être rejetées, l'expert n'ayant pas retenu un tel préjudice ;
- le requérant ne démontre pas davantage qu'il pratiquait régulièrement, avant juin 2012, des activités sportives et de loisirs, et n'établit ainsi pas avoir subi un préjudice d'agrément ;
- la réparation du déficit fonctionnel temporaire, des souffrances endurées, du préjudice esthétique temporaire, du préjudice sexuel et du déficit fonctionnel permanent mise à sa charge ne saurait excéder, après application d'un taux de perte de chance de 60 %, les sommes, respectivement, de 246,06 euros, 600 euros, 60 euros, 600 euros et 2 100 euros ;
- c'est à tort que les premiers juges n'ont pas déduit de la créance de la CPAM, d'un montant total de 55 000 euros, les frais qu'elle aurait nécessairement exposés au bénéfice de son assuré qui aurait dû, en toute hypothèse, bénéficier d'une intervention chirurgicale suivie d'une hospitalisation et d'un séjour en rééducation ; l'expert en a d'ailleurs tenu compte dans l'évaluation du déficit fonctionnel temporaire total en déduisant 45 jours d'hospitalisation qui étaient inéluctables ; en outre, la créance de la caisse ne correspond pas aux périodes d'hospitalisation retenues par l'expert ; la caisse n'identifiant pas, parmi ses débours, ceux qui sont en lien avec le retard fautif de prise en charge, sa demande de remboursement au titre des dépenses de santé actuelles ne peut qu'être rejetée ;
- si la caisse établit avoir exposé entre le 24 décembre 2013 et le 31 mars 2018 des dépenses moyennes annuelles de 1 538, 32 euros, elle ne démontre pas que ses frais futurs excéderaient ce montant annuel ;
- la caisse ne saurait obtenir le remboursement des indemnités journalières et de la pension d'invalidité versés à M. J... dès lors que ce dernier était, comme l'ont relevé les premiers juges, déjà en invalidité avant juin 2012 ; de plus, M. J... n'étant pas inapte à exercer une activité professionnelle, la décision de la caisse de lui verser une pension d'invalidité n'était pas justifiée.
Par un mémoire enregistré le 19 mars 2019, la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Charente-Maritime, intervenant pour le compte de la CPAM des Deux-Sèvres, représentée par Me D..., demande à la cour de porter les sommes que le tribunal administratif a condamné le centre hospitalier Nord Deux-Sèvres et le CHU de Poitiers à lui verser au titre de ses débours aux montants, respectivement, de 82 613, 55 euros et 247 840, 64 euros, avec intérêts au taux légal à compter de l'enregistrement de sa demande devant la cour, et de condamner in solidum ces établissements à lui verser une somme de 1 080 euros au titre de l'indemnité forfaire de gestion et de mettre à leur charge in solidum une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué, en ce qu'il a retenu un taux de perte de chance de 60 % et estimé que la responsabilité du centre hospitalier Nord Deux-Sèvres était engagée à hauteur de 25 % et celle du CHU de Poitiers à hauteur de 75%, devra être confirmé;
- sa créance au titre des débours exposés se monte à 552 007, 98 euros ; elle justifie de ce montant et du lien de causalité entre les débours et les fautes commises par la production d'une attestation d'imputabilité établie le 13 avril 2018 par son médecin-conseil ; la période d'hospitalisation de 45 jours qui aurait été nécessaire en l'absence de faute a bien été neutralisée ; elle est fondée à solliciter le remboursement à hauteur de 60 %, correspondant au taux de perte de chance, de l'ensemble de ces débours exposés en faveur de son assuré, en lien avec les fautes médicales commises ;
- le tribunal a fait une évaluation insuffisante des débours exposés depuis la consolidation et des débours futurs viagers, dont elle sollicite aussi le remboursement à hauteur de 60 %, correspondant au taux de perte de chance ;
- contrairement à ce qu'a relevé le tribunal, M. J... n'était pas en arrêt maladie avant juin 2012, et il n'a bénéficié d'une pension d'invalidité qu'à compter du 1er juin 2013 ;
- ses conclusions ne sont pas nouvelles en appel, mais uniquement actualisées s'agissant des débours exposés après la consolidation ;
- elle a droit au versement de l'indemnité forfaitaire de gestion pour son montant actualisé.
Par une ordonnance du 13 mai 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au 11 juin 2019 à 12 heures.
II) Sous le n° 18BX01521, par une requête et un mémoire enregistrés les 13 avril 2018 et 2 mai 2019, M. J..., représenté par la SCP Fort-Blouin-Bossant, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 6 mars 2018 en tant qu'il a limité au montant de 41 040 euros la somme que le CHU de Poitiers a été condamné à lui verser ;
2°) de condamner le CHU de Poitiers à lui verser une somme totale de 170 030,33 euros ;
3°) de mettre à la charge du CHU de Poitiers une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement attaqué, en ce qu'il a retenu un taux de perte de chance de 60 % et estimé que la responsabilité du CHU de Poitiers était engagée à hauteur de 75 %, devra être confirmé; en revanche l'évaluation de ses préjudices doit être majorée;
- contrairement à ce qu'a estimé le tribunal administratif, les séances de psychothérapie individuelle sont en rapport avec les fautes commises dans sa prise en charge ; il doit être indemnisé des frais afférents à ces séances, d'un montant total de 2 160 euros ;
- il a subi un préjudice professionnel ; son revenu annuel s'élevait, avant la survenance du syndrome de la queue de cheval, à 6 340 euros ; il perçoit à titre temporaire une pension d'invalidité annuelle de 9 053, 94 euros ; sa perte de revenus future doit ainsi être évaluée, après capitalisation et application du taux de perte de chance de 60 %, au montant total de 108 847, 20 euros ; ce préjudice a été retenu par l'expertise médicale, et il verse une attestation de Pôle emploi dont il résulte qu'il ne peut retrouver aucun emploi du fait de son état de santé ;
- en raison de son état, il ne peut conduire qu'un véhicule avec boîte de vitesse automatique ; les frais d'aménagement de son véhicule s'élèvent au montant actualisé de 1 695 euros ; cette dépense devra être renouvelée lors du remplacement du véhicule tous les 8 ans ; une somme totale de 27 373, 57 euros, prenant en compte le taux de perte de chance de 60 %, doit lui être allouée en réparation de ce préjudice futur ;
- s'agissant des dépenses de santé futures, outre les frais restant à sa charge et relatifs aux auto-sondages, au peristeen et aux injections intra-caverneuses, il doit être indemnisé des frais de semelles orthopédiques ;
- c'est à tort que le tribunal a rejeté sa demande de réparation des frais d'acquisition d'un fauteuil roulant, à exposer à très court terme, ainsi que des frais de renouvellement tous les 5 ans, qui se montent à un total de 16 642, 33 euros après prise en compte du taux de perte de chance ; il produit des certificats médicaux établissant la nécessité d'utiliser un fauteuil roulant pour ses déplacements ;
- une somme totale de 4 584, 96 euros, après prise en compte du taux de perte de chance, doit lui être allouée en réparation de son déficit fonctionnel temporaire, qui a été total du 19 juillet au 29 novembre 2012 et durant six périodes d'hospitalisation, puis de 50 % du 30 novembre 2012 au 19 juillet 2013 et de 40 % du 20 juillet 2013 au 22 décembre 2013 ;
- une somme totale de 1 800 euros, après prise en compte du taux de perte de chance, doit lui être allouée en réparation de son préjudice esthétique temporaire évalué à 2/7 en raison de l'utilisation de cannes ;
- une somme totale de 56 700 euros, après prise en compte du taux de perte de chance, doit lui être allouée en réparation de son déficit fonctionnel permanent, évalué à 35 % par l'expert ;
- il sollicite une indemnité totale de 1 800 euros en réparation de son préjudice esthétique permanent ;
- le retentissement sexuel étant total, une indemnité de 18 000 euros, après prise en compte du taux de perte de chance, doit lui être allouée en réparation de son préjudice sexuel ;
- il pratiquait la randonnée et était très bricoleur avant le fait générateur du dommage ; une somme totale de 3 000 euros, après prise en compte du taux de perte de chance, doit lui être allouée en réparation de son préjudice d'agrément, dont la réalité est établie par les attestations produites.
Par un mémoire enregistré le 31 juillet 2018, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), représenté par Me H..., conclut à sa mise hors de cause à la mise à la charge in solidum du centre hospitalier centre hospitalier Nord Deux-Sèvres et du CHU de Poitiers d'une somme de 2 500 euros au titre de l'article L.3 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le dommage de M. J... est imputable à sa pathologie initiale, l'évolution d'une hernie discale L5-S1 occupant environ 50 % du canal rachidien ; aucun acte médical n'est donc à l'origine des préjudices dont la réparation est demandée ;
- à titre surabondant, le dommage est lié à un retard de diagnostic entièrement imputable au centre hospitalier Nord Deux-Sèvres et au CHU de Poitiers ; les conditions d'une indemnisation au titre de la solidarité nationale ne sont ainsi pas réunies.
Par des mémoires en défense enregistrés les 21 février 2019 et 7 mai 2019, le CHU de Poitiers conclut au rejet de la requête et des conclusions présentées par l'ONIAM au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- M. J... a bénéficié d'un suivi psychologique en raison de difficultés sur son lieu de travail ; il n'établit pas avoir exposé des frais de psychothérapie, ni même que de telles séances étaient justifiées par ses séquelles neurologiques ;
- M. J... n'avait plus d'activité professionnelle régulière à la date du fait générateur de responsabilité ; en outre, même s'il avait été opéré dans un délai normal, il n'aurait pas pu reprendre son activité de peintre en bâtiment ; si sa reconversion professionnelle implique de trouver une activité compatible avec ses séquelles neurologiques, elle n'est pas impossible ; il ne justifie pas avoir subi une perte de revenus ;
- M. J... ne saurait prétendre à une indemnisation au titre des frais d'aménagement de son véhicule ; en effet, la nécessité d'un tel aménagement a pour cause l'évolution de son état antérieur; en outre, seul le surcoût lié à un aménagement spécifique pourrait être indemnisé ;
- M. J... ne saurait davantage prétendre à une indemnisation au titre des frais d'acquisition et de renouvellement d'un fauteuil roulant ; l'expert n'a pas retenu une telle nécessité ; les certificats médicaux versés au dossier ne permettent pas de démontrer que de tels frais seraient rendus nécessaires par les séquelles qu'il conserve du retard de traitement de son syndrome de la queue de cheval ;
- si l'expert a certes évalué le déficit fonctionnel permanent à 35 %, cette évaluation inclut les séquelles rachidiennes liées à l'état antérieur de M. J... ;
- les prétentions de M. J... relatives à un préjudice esthétique permanent doivent être rejetées, l'expert n'ayant pas retenu un tel préjudice ;
- si le requérant a subi un préjudice sexuel important, il était divorcé depuis 2009 ;
- l'éventuelle indemnisation d'un préjudice d'agrément ne pourrait qu'être très limitée au regard de son état antérieur.
Par un mémoire enregistré le 19 mars 2019, la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Charente-Maritime, intervenant pour le compte de la CPAM des Deux-Sèvres, représentée par Me D..., demande à la cour de porter les sommes que le tribunal administratif a condamné le centre hospitalier Nord Deux-Sèvres et le CHU de Poitiers à lui verser au titre de ses débours aux montants, respectivement, de 82 613, 55 euros et 247 840, 64 euros, avec intérêts au taux légal à compter de l'enregistrement de sa demande devant la cour, et de condamner in solidum ces établissements à lui verser une somme de 1 080 euros au titre de l'indemnité forfaire de gestion et de mettre à leur charge in solidum une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué, en ce qu'il a retenu un taux de perte de chance de 60 % et estimé que la responsabilité du centre hospitalier Nord Deux-Sèvres était engagée à hauteur de 25 % et celle du CHU de Poitiers à hauteur de 75%, devra être confirmé;
- sa créance au titre des débours exposés se monte à 552 007, 98 euros ; elle justifie de ce montant et du lien de causalité entre les débours et les fautes commises par la production d'une attestation d'imputabilité établie le 13 avril 2018 par son médecin-conseil ; la période d'hospitalisation de 45 jours qui aurait été nécessaire en l'absence de faute a bien été neutralisée ; elle est fondée à sollicité le remboursement à hauteur de 60 %, correspondant au taux de perte de chance, de l'ensemble de ces débours exposés en faveur de son assuré, en lien avec les fautes médicales commises ;
- le tribunal a fait une évaluation insuffisante des débours exposés depuis la consolidation et des débours futures viagers, dont elle sollicite aussi le remboursement à hauteur de 60 %, correspondant au taux de perte de chance ;
- contrairement à ce qu'a relevé le tribunal, M. J... n'était pas en arrêt maladie avant juin 2012, et il n'a bénéficié d'une pension d'invalidité qu'à compter du 1er juin 2013 ;
- ses conclusions ne sont pas nouvelles en appel, mais uniquement actualisées s'agissant des débours exposés après la consolidation ;
- elle a droit au versement de l'indemnité forfaitaire de gestion pour son montant actualisé.
Par une ordonnance du 12 mars 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au 14 mai 2019 à 12 heures.
III) Sous le n° 18BX01891, par une requête et un mémoires enregistrés les 3 mai 2018 et 19 mars 2019, la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Charente-Maritime, intervenant pour le compte de la CPAM des Deux-Sèvres, représentée par Me D..., demande à la cour de réformer le jugement du 6 mars 2018 du tribunal administratif de Poitiers en tant qu'il a statué sur ses demandes, de porter les sommes que le tribunal administratif a condamné le centre hospitalier Nord Deux-Sèvres et le CHU de Poitiers à lui verser au titre de ses débours aux montants, respectivement, de 82 613, 55 euros et 247 840, 64 euros, avec intérêts au taux légal à compter de l'enregistrement de sa demande devant la cour, de condamner in solidum ces établissements à lui verser une somme de 1 080 euros au titre de l'indemnité forfaire de gestion et de mettre à leur charge in solidum une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué devra être confirmé en ce qu'il a retenu un taux de perte de chance de 60 % et estimé que la responsabilité du centre hospitalier Nord Deux-Sèvres était engagée à hauteur de 25 % et celle du CHU de Poitiers à hauteur de 75%,;
- sa créance au titre des débours exposés se monte à 552 007, 98 euros ; elle justifie de ce montant et du lien de causalité entre les débours et les fautes commises par la production d'une attestation d'imputabilité établie le 13 avril 2018 par son médecin-conseil ; la période d'hospitalisation de 45 jours qui aurait été nécessaire en l'absence de faute a bien été neutralisée ; c'est à tort que le tribunal a écarté le lien de causalité entre les indemnités journalières puis la pension d'invalidité et le retard fautif ; elle est fondée à solliciter le remboursement à hauteur de 60 %, correspondant au taux de perte de chance, de l'ensemble de ces débours exposés en faveur de son assuré, en lien avec les fautes médicales commises ;
- le tribunal a fait une évaluation insuffisante des débours exposés depuis la consolidation et des débours futurs viagers, dont elle sollicite aussi le remboursement à hauteur de 60 %, correspondant au taux de perte de chance ;
- contrairement à ce qu'a relevé le tribunal, M. J... n'était pas en arrêt maladie avant juin 2012, et il n'a bénéficié d'une pension d'invalidité qu'à compter du 1er juin 2013 ;
- ses conclusions ne sont pas nouvelles en appel, mais uniquement actualisées s'agissant des débours exposés après la consolidation ;
- elle a droit au versement de l'indemnité forfaitaire de gestion pour son montant actualisé.
Par un mémoire enregistré le 31 juillet 2018, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), représenté par Me H..., conclut à sa mise hors de cause à la mise à la charge in solidum du centre hospitalier centre hospitalier Nord Deux-Sèvres et du CHU de Poitiers d'une somme de 2 500 euros au titre de l'article L.3 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le dommage de M. J... est imputable à sa pathologie initiale, l'évolution d'une hernie discale L5-S1 occupant environ 50 % du canal rachidien ; aucun acte médical n'est donc à l'origine des préjudices dont la réparation est demandée ;
- à titre surabondant, le dommage est lié à un retard de diagnostic entièrement imputable au centre hospitalier Nord Deux-Sèvres et au CHU de Poitiers ; les conditions d'une indemnisation au titre de la solidarité nationale ne sont ainsi pas réunies.
Par des mémoires en défense enregistrés les 21 février 2019 et 7 mai 2019, le CHU de Poitiers conclut au rejet de la requête et des conclusions présentées par l'ONIAM au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la CPAM n'a pas mis le tribunal à même de lui allouer des sommes plus élevées que celles accordées ;
- la CPAM, qui a négligé de chiffrer en totalité ses demandes en première instance, n'est pas recevable à formuler des demandes nouvelles en appel ; le relevé de débours produit en appel inclut des périodes et des prestations postérieures à celles pour lesquelles un remboursement avait été sollicité devant le tribunal administratif ; elle n'est ainsi pas recevable à demander en appel le remboursement des arrérages de la pension d'invalidité pour la période allant du 2 octobre 2017 au 28 février 2018 ; elle n'est pas davantage à recevable à solliciter en appel le remboursement de " soins post consolidation " exposés au titre de la période du 24 décembre 2013 au 31 mars 2018, dont le contenu n'est en outre pas précisé ;
- s'agissant des frais d'hospitalisation, ils ne sauraient être mis en totalité à sa charge alors que l'état de M. J... justifiait, indépendamment du retard de diagnostic, une hospitalisation sur une période de 45 jours ; les documents produits ne permettent pas de justifier du lien de causalité entre les fautes commises et les prestations dont le remboursement est sollicité ;
- M. J... n'ayant subi aucun préjudice professionnel en lien avec les fautes en litige, la CPAM n'est pas fondée à demander le remboursement de la rente d'invalidité versée à son assuré ;
- les experts n'ont pas retenu la nécessité d'un fauteuil roulant, et les certificats médicaux versés par M. J... ne permettent pas d'établir le lien entre sa fatigue musculaire et les fautes en cause ;
- s'agissant des débours futurs, le document de la CPAM relatif à l'évaluation de ces frais ne comporte ni intitulé, ni le nom de l'assuré, et est trop approximatif pour justifier un remboursement ; ce document ne comporte pas de précision sur les fournitures accessoires dont le remboursement est sollicité ; il n'est pas justifié de la nécessité de réaliser une échographie rénale par an ainsi que quatre ECBU par an ; il ne saurait être fait droit, faute d'accord sur ce point, à un remboursement des frais futurs sous la forme d'un capital ;
Par un mémoire enregistré le 3 mai 2019, M. J..., représenté par la SCP Fort-Blouin-Bossant, déclare s'associer aux conclusions de la CPAM de la Charente-Maritime.
Par une ordonnance du 19 mars 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au 14 mai 2019.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme L... B...,
- les conclusions de Mme Aurélie Chauvin, rapporteur public,
- et les observations de Me Laseraz, avocat, représentant le centre hospitalier Nord Deux-Sèvres, de Me Macicior, avocat, représentant l'ONIAM et celles de Me G..., représentant la CPAM de la Charente-Maritime.
Considérant ce qui suit :
1. M. J..., qui souffrait de lombosciatiques à bascule depuis 1994, a présenté à partir d'avril 2012 un épisode de lombosciatique gauche aiguë. Il s'est rendu au service des urgences du centre hospitalier Nord Deux-Sèvres (CHNDS) les 26 mai 2012, 8 juin 2012, 9 juin 2012, 20 juin 2012 et 26 juin 2012 et a par ailleurs été reçu en consultations au sein du service de chirurgie orthopédique du centre hospitalier universitaire (CHU) de Poitiers les 7 juin 2012, 14 juin 2012 et 5 juillet 2012. Le 20 juillet 2012, il a été hospitalisé en urgence au sein du service de neurochirurgie du CHU de Poitiers pour un syndrome de la queue de cheval sur hernie discale et a subi, le jour même, une intervention chirurgicale d'exérèse d'une hernie discale L5-S1 gauche. Imputant les séquelles neurologiques qu'il conserve au retard fautif de diagnostic de son syndrome de la queue de cheval, il a saisi la commission de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux (CCI) de Poitou-Charentes qui, après avoir diligenté une expertise, a estimé dans un avis du 10 avril 2014 que le CHU de Poitiers, le CHNDS et le médecin traitant de M. J... étaient responsables, à parts égales, du dommage de M. J.... Par jugement du 6 juin 2016, le tribunal de grande instance de Niort a rejeté la demande de M. J... tendant à la condamnation de son médecin traitant à l'indemniser de ses préjudices. Par un jugement du 6 mars 2018, le tribunal administratif de Poitiers, après avoir ordonné avant-dire droit une expertise médicale, a estimé que le CHNDS et le CHU de Poitiers avaient commis, en juin 2012, des fautes de nature à engager leur responsabilité, tenant aux retards de diagnostic et de traitement du syndrome de la queue de cheval. Les premiers juges ont considéré que ces fautes avaient compromis les chances de M. J... d'obtenir une amélioration de son état de santé, et ont évalué à 60 % le taux de cette perte de chance. M. J... sollicitant la condamnation de chacun de ces établissements dans la seule mesure de leur responsabilité respective, le tribunal administratif a condamné le CHNDS à indemniser M. J... à hauteur de 25 % des préjudices indemnisables, et le CHU de Poitiers à hauteur de 75 % de ces mêmes préjudices. En conséquence, le tribunal administratif de Poitiers a condamné le centre hospitalier Nord Deux-Sèvres à verser à M. J... la somme de 13 680 euros et à payer à la CPAM des Deux-Sèvres la somme de 8 250 euros en remboursement des débours exposés, la somme de 836,53 euros par an au titre des débours futurs et la somme de 1 055 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion. Il a par ailleurs condamné le CHU de de Poitiers à verser à M. J... la somme de 41 040 euros et à payer à la CPAM des Deux-Sèvres la somme de 24 750 euros en remboursement des débours exposés, la somme de 2 509,58 euros par an au titre des débours futurs et la somme de 1 055 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion. Il a mis les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 3 880 euros, à la charge du centre hospitalier Nord Deux-Sèvres à hauteur de 1 260 euros et à la charge du centre hospitalier universitaire de Poitiers à hauteur de 2 520 euros.
2. Par ses requêtes enregistrées sous les n° 18BX01520 et 18BX01521, M. J... demande à la cour de porter les indemnisations que le CHNDS et le CHU de Poitiers ont été condamnés à lui verser aux montants, respectivement, de 86 298, 91 euros et 170 030,33 euros. Par la voie de l'appel incident, le CHNDS demande à la cour de ramener sa part de responsabilité à 10 %. Par sa requête enregistrée sous le n° 18BX01891, la CPAM de la Charente-Maritime, intervenant pour le compte de la CPAM des Deux-Sèvres, demande à la cour de porter les sommes que le tribunal administratif a condamné le CHNDS et le CHU de Poitiers à lui verser au titre de ses débours aux montants, respectivement, de 82 613, 55 euros et 247 840, 64 euros, et de condamner in solidum ces établissements à lui verser une somme de 1 080 euros au titre de l'indemnité forfaire de gestion. Enfin, l'ONIAM conclut à sa mise hors de cause. Ces trois requêtes ayant fait l'objet d'une instruction commune, il y a lieu de les joindre afin de statuer par un seul arrêt.
Sur la responsabilité :
3. Aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute (...) ".
4. En premier lieu, il résulte de l'instruction, notamment de l'expertise diligentée par la CCI et de celle ordonnée par le tribunal administratif de Poitiers, que le CHNDS et le CHU de Poitiers ont tardé à diagnostiquer le syndrome de la queue de cheval dont M. J... présentait les signes caractéristiques à partir du mois de juin 2012, ce que les établissements ne contestent au demeurant pas en appel. Il n'est pas davantage contesté que le CHU de Poitiers, alors qu'il disposait des résultats d'une IRM pratiquée le 13 juin 2012 mettant en évidence une hernie discale comprimant la racine S1 gauche avec rétrécissement du canal rachidien, et avait posé, au plus tard lors de la consultation du 5 juillet 2012, le diagnostic de syndrome de la queue de cheval, a en outre commis une faute tenant au retard de traitement de ce syndrome par voie chirurgicale, alors qu'une telle intervention aurait dû être pratiquée dans de brefs délais, avant que les troubles neurologiques liés à ce syndrome ne soient installés de manière irréversible. Ces fautes successivement commises par ces établissements, qui sont directement à l'origine du dommage de M. J..., engagent leur responsabilité.
5. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que la faute du CHNDS a été commise au sein de son service d'urgences et réside dans un retard de diagnostic, en particulier le 26 juin 2012, date à laquelle M. J... présentait, outre des douleurs sciatiques pour lesquelles il avait récemment consulté à plusieurs reprises, des troubles sphinctériens caractéristiques d'un début de syndrome de la queue de cheval, qui constitue une urgence opératoire. Il résulte également de l'instruction que les fautes commises par le CHU de Poitiers, tenant à un retard de diagnostic malgré les résultats évocateurs d'une IRM réalisée le 13 juin 2012 et l'existence de troubles sphinctériens lors de la consultation du 14 juin 2012, puis, une fois le syndrome de la queue de cheval explicitement diagnostiqué, à un retard de prise en charge de ce syndrome, ont pris une part prépondérante dans la survenance du dommage. Contrairement à ce que fait valoir le CHNDS en appel, le tribunal s'est livré à une juste appréciation des parts respectives de chacun des établissements co-débiteurs en mettant 25 % des préjudices indemnisables à la charge du CHNDS et les 75 % restants à celle du CHU de Poitiers.
6. Enfin, dans le cas où la faute commise lors de la prise en charge ou du traitement d'un patient dans un établissement public hospitalier a compromis ses chances d'obtenir une amélioration de son état de santé ou d'échapper à son aggravation, le préjudice résultant directement de la faute commise par l'établissement et qui doit être intégralement réparé n'est pas le dommage corporel constaté, mais la perte de chance d'éviter que ce dommage soit advenu. La réparation qui incombe à l'hôpital doit alors être évaluée à une fraction du dommage corporel déterminée en fonction de l'ampleur de la chance perdue.
7. Il résulte de l'instruction, notamment de l'expertise ordonnée par le tribunal administratif et de la littérature médicale sur laquelle s'appuie l'expert, qu'en cas d'apparition progressive d'un syndrome de la queue de cheval, même lorsqu'une intervention chirurgicale est réalisée dans les règles de l'art, le patient peut conserver, dans environ 40 % des cas, des séquelles neurologiques équivalentes à celles que présente M. J.... Ainsi que l'a considéré le tribunal administratif, dont le jugement n'est pas contesté sur ce point, il y a lieu d'évaluer à 60 % le taux de perte de chance, et de condamner le CHU de Poitiers et le CHNDS à la réparation de cette fraction des préjudices subis par M. J....
Sur la réparation :
En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux :
S'agissant des préjudices patrimoniaux temporaires :
Quant aux dépenses de santé actuelles :
8. M. J... persiste en appel à solliciter le versement d'une indemnisation au titre des frais de séances de psychothérapie individuelle. Il résulte cependant de l'instruction que l'intéressé bénéficiait d'un suivi psychologique depuis 2008 pour des problèmes familiaux et professionnels, et il ne produit aucun élément de nature à démontrer le lien entre le préjudice invoqué et les fautes commises dans la prise en charge de son syndrome de la queue de cheval. Ces conclusions ne peuvent ainsi être accueillies.
Quant aux pertes de gains professionnels actuels :
9. M. J..., qui avait repris depuis peu une activité professionnelle en qualité de peintre sous couvert de contrats d'intérim avant son hospitalisation du 20 juillet 2012, se borne à produire l'avis d'impôt sur ses revenus de l'année 2012, dont il résulte que ses revenus issus de son activité professionnelle se sont élevés à 6 340 euros. Les fautes ci-dessus relevées, qui ont fait obstacle à ce qu'il poursuive son activité professionnelle ou retrouve un emploi équivalent, lui ont fait perdre une chance sérieuse de percevoir des revenus professionnels de l'ordre de 12 000 euros par an. Compte tenu du taux de perte de chance, le préjudice peut ainsi être évalué à 7 200 euros par an. Il résulte cependant de l'instruction que la CPAM des Deux Sèvres lui a versé, du 19 juillet 2012 au 31 mai 2013, des indemnités journalières d'un montant total de 8 812, 60 euros puis, à compter du 1er juin 2013 une pension d'invalidité de catégorie 2 de 9 053, 94 euros par an. Eu égard au montant cumulé de ces prestations de sécurité sociale perçues à partir de juillet 2012, qu'il convient de déduire, il n'est pas fondé à demander l'indemnisation d'une perte de gains professionnels actuels.
S'agissant des préjudices patrimoniaux permanents :
Quant aux dépenses de santé futures :
10. Si M. J... fait valoir que, du fait des séquelles neurologiques qu'il conserve, son état nécessite un traitement médical de ses troubles érectiles et sphinctériens, il ne soutient pas que de tels traitements seraient à sa charge et ne démontre ainsi pas la réalité du préjudice invoqué, qui n'est au demeurant pas chiffré.
11. M. J... sollicite par ailleurs une indemnité au titre des frais de semelles orthopédiques, et produit un devis établi le 5 mars 2019 par un pédicure-podologue. Il ne résulte cependant ni de ce devis, ni d'aucun élément médical que les séquelles qu'il conserve des fautes commises dans la prise en charge de son syndrome de la queue de cheval nécessiteraient d'exposer une telle dépense, alors en outre qu'aucune des expertises ci-dessus mentionnées n'en a mentionné la nécessité.
Quant aux frais divers liés au handicap :
12. Il résulte de l'instruction, notamment de l'expertise ordonnée par le tribunal administratif, que M. J... conserve, du fait du retard de prise en charge de son syndrome de la queue de cheval, des douleurs de type neuropathique du membre inférieur gauche, liées à son atteinte L5 gauche, douleurs entraînant, au niveau de l'extension du pied gauche, une maladresse à la fatigue. Sur ce point, l'expertise diligentée par la CCI indique que ces troubles neurologiques n'existaient pas à l'issue de l'hospitalisation de M. J... au sein du service de rééducation du CHU de Poitiers, de sorte qu'ils seraient imputables à son état antérieur. Il résulte toutefois des certificats médicaux établis les 2 août 2012 et 11 octobre 2012 que M. J... présentait, au cours de la période d'hospitalisation au sein d'un service de rééducation, de telles douleurs, et le certificat médical établi le 27 novembre 2012 à l'issue de cette rééducation, s'il fait état d'une récupération sur le plan fonctionnel, n'indique pas que ces douleurs auraient disparu. Dès lors, et comme l'ont estimé les premiers juges, les troubles neurologiques dont M. J... reste affecté nécessitent un aménagement de son véhicule consistant en une boîte de vitesses automatique. Le requérant est ainsi fondé à solliciter en outre l'indemnisation du préjudice futur lié à ces frais d'adaptation du véhicule, et il y a lieu de lui accorder la prise en charge du renouvellement tous les sept ans de ces frais. Compte tenu des devis qu'il produit en appel, dont il résulte que le surcoût lié à un tel aménagement s'élève à 1 700 euros TTC, il sera fait une juste appréciation du préjudice lié aux frais d'aménagement de véhicule et à leur renouvellement tous les sept ans, en tenant compte du barème publié à la Gazette du Palais en 2018 fixant le prix de l'euro de rente viagère à 24, 792 euros pour un homme âgé de 54 ans à la date du présent arrêt, en l'évaluant à la somme de 6 021 euros, soit une réparation à ce titre de 3 613 euros après l'application du taux de perte de chance retenu ci-dessus.
13. En revanche, il résulte tant de l'expertise diligentée par la CCI que de celle ordonnée par le tribunal administratif que les troubles neurologiques dont M. J... reste affecté du fait des fautes commises dans la prise en charge de son syndrome de la queue de cheval ne nécessitent pas l'acquisition d'un fauteuil roulant. En se bornant à produire un certificat établi par un rhumatologue qui mentionne qu'un fauteuil roulant a été prescrit à l'intéressé, dont il " fait usage de manière inconstante ", ainsi qu'un certificat établi par son médecin généraliste qui souligne la nécessité d'un fauteuil roulant " en appoint ", le requérant n'apporte pas d'élément de nature à remettre en cause l'analyse concordante des deux expertises médicales. Ses conclusions ne peuvent ainsi, sur ce point, être accueillies.
Quant aux préjudices professionnels permanents :
14. En premier lieu, compte tenu de ce qui a été dit ci-dessus dit, M. J... n'établit pas avoir subi de perte de gains professionnels permanents. Ses conclusions tendant à l'indemnisation d'un tel préjudice ne peuvent donc qu'être rejetées.
15. En second lieu, il résulte de l'instruction qu'en raison de ses séquelles neurologiques, le requérant, peintre en bâtiment, ne peut plus exercer ce métier. Sur ce point, il résulte de l'instruction que si l'intéressé avait interrompu son activité à la suite d'un licenciement intervenu au cours de l'année 2009, il avait toutefois recommencé à travailler comme peintre en bâtiment à compter de mars 2012, sous couvert de contrats d'intérim, et a d'ailleurs refusé à plusieurs reprises, en mai et juin 2012, d'être placé en congé de maladie, afin de ne pas obérer ses chances de conclure un contrat à durée indéterminée. De plus, si le requérant n'est pas inapte à l'exercice tout emploi, il ne peut désormais exercer que celles des activités professionnelles compatibles avec ses séquelles neurologiques et les contraintes qui en résultent, et subit ainsi une dévalorisation sur le marché du travail. Il sera fait une juste appréciation de son préjudice d'incidence professionnelle en l'évaluant, après prise en compte du taux de perte de chance, à une somme de 4 500 euros. Cependant, compte tenu du montant de la pension d'invalidité qu'il perçoit, qui excède sa perte de gains professionnels, cette pension répare intégralement le préjudice d'incidence professionnelle de M. J.... Les conclusions de ce dernier doivent donc être rejetées.
En ce qui concerne les préjudices extrapatrimoniaux :
S'agissant des préjudices patrimoniaux temporaires :
Quant au déficit fonctionnel temporaire :
16. Il résulte de l'instruction, en particulier des expertises, que M. J... a été hospitalisé du 19 juillet 2012 au 29 novembre 2012 puis du 1er au 3 octobre 2013, les 5 et 27 novembre 2013 et le 23 décembre 2013, soit un total de 133 jours durant lesquels son déficit fonctionnel temporaire était total. Il résulte également de l'instruction que, même en l'absence de faute, son état initial aurait nécessité une hospitalisation de l'ordre de 45 jours. Par ailleurs, l'expert désigné par le tribunal administratif évalue le déficit fonctionnel temporaire de M. J... à 50 % pour la période allant du 30 novembre 2012 au 19 juillet 2013, et à 40 % pour la période allant du 20 juillet 2013 au 22 décembre 2013, la date de consolidation étant fixée au 23 décembre 2013. Il sera fait une juste appréciation de ce préjudice, compte tenu de la période d'hospitalisation qui aurait été nécessaire en l'absence de toute faute, et après application du taux de perte de chance de 60 %, en fixant l'indemnisation due à M. J... à ce titre à la somme de 2 100 euros.
Quant au préjudice esthétique temporaire :
17. Il résulte de l'instruction que M. J..., qui a été temporairement contraint de marcher à l'aide de béquilles, a subi de ce fait un préjudice esthétique temporaire évalué par l'expert désigné par le tribunal à 2 sur une échelle allant de 1 à 7. Il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en fixant la réparation à ce titre, après application du taux de perte de chance de 60 %, à la somme de 1 000 euros.
Quant aux souffrances endurées :
18. Il résulte de l'instruction que M. J... a subi des souffrances physiques et psychiques évaluées par l'expertise ordonnée par le tribunal à 4 sur une échelle allant de 1 à 7. Il sera fait une juste appréciation du préjudice en fixant la réparation à ce titre, après application du taux de perte de chance de 60 %, à 4 500 euros.
S'agissant des préjudices extrapatrimoniaux permanents :
Quant au déficit fonctionnel permanent :
19. Il résulte de l'instruction que M. J... reste atteint, depuis la consolidation de son état de santé le 23 décembre 2013, d'un déficit fonctionnel permanent lié à ses séquelles neurologiques qui a été évalué à 35 % par l'expertise ordonnée par le tribunal, tenant compte des troubles sphinctériens définitifs, des séquelles sur la racine L5 à type de douleurs et troubles sensitifs responsables d'une petite instabilité de la cheville, et du retentissement psychologique. Ainsi qu'il a déjà été dit, il ne résulte pas de l'instruction que l'expert aurait inclus par erreur, parmi ces séquelles neurologiques, celles tenant aux douleurs et troubles sensitifs sur le membre inférieur gauche. Compte tenu de l'âge de M. J... à la date de consolidation et du taux de perte de chance de 60 %, il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en fixant la réparation à 39 000 euros.
Quant au préjudice sexuel :
20. Il résulte de l'instruction, en particulier des expertises, que M. J... présente des troubles érectiles irréversibles ainsi qu'une perte de sensibilité, qui sont liés à ses séquelles neurologiques, et subit ainsi un préjudice sexuel. Compte tenu de son âge à la date de consolidation, soit 47 ans, et du taux de perte de chance ci-dessus retenu, il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en lui allouant une réparation de 18 000 euros.
Quant au préjudice esthétique permanent :
21. M. J... n'établit pas la réalité du préjudice esthétique permanent dont il sollicite la réparation, préjudice qui n'a d'ailleurs été retenu par aucune expertise. Ces conclusions ne peuvent donc qu'être rejetées.
Quant au préjudice d'agrément :
22. Il résulte de l'instruction, notamment des expertises ainsi que des attestations versées au dossier que, du fait des séquelles neurologiques qu'il conserve, en particulier les douleurs de type neuropathique à la jambe gauche, M. J... a été contraint de limiter la pratique de l'activité de bricolage à laquelle il s'adonnait régulièrement. Il ne démontre en revanche pas qu'il exerçait avec régularité, antérieurement à juin 2012, des activités de randonnée et jardinage. Dans ces conditions, il sera fait une juste appréciation de son préjudice d'agrément en lui allouant, après application du taux de perte de chance, une somme de 1 200 euros.
23. Il résulte de ce qui précède que M. J... est fondé à demander que l'indemnisation de 54 720 euros qui lui a été allouée par le tribunal administratif soit portée à la somme totale de 69 413 euros, et à obtenir, dans cette mesure, la réformation du jugement attaqué. Compte tenu du partage de responsabilité entre le CHNDS et le CHU de Poitiers, il y a lieu de porter la somme de 13 680 euros que le CHNDS a été condamné à verser à M. J... à 17 353,25 euros et de porter la somme de 41 040 euros que le CHU de Poitiers a été condamné à verser à M. J... à 52 059,75 euros.
Sur les droits de la CPAM de la Charente-Maritime :
En ce qui concerne les débours :
S'agissant des dépenses effectivement supportées par la caisse :
24. Devant le tribunal administratif de Poitiers, la CPAM des Deux-Sèvres, pour le compte de laquelle agit la CPAM de la Charente-Maritime en appel, a demandé, bien qu'elle les ait présentés par erreur comme des débours futurs, le remboursement des dépenses de santé exposées au profit de M. J... au titre de la période allant du 24 décembre 2013 à la date du jugement, ainsi que des arrérages de la pension d'invalidité versée à l'intéressé du 2 octobre 2017 à la date du jugement. La fin de non-recevoir opposée par le CHU de Poitiers, tirée ce que les conclusions tendant au remboursement desdites prestations seraient nouvelles en appel, ne peut donc qu'être écartée.
25. La CPAM de la Charente-Maritime fait valoir que le montant de ses débours s'est élevé à 316 146, 85 euros au titre des frais hospitaliers, médicaux, pharmaceutiques et de transport exposés au bénéfice de M. J... ainsi que des indemnités journalières et de la pension d'invalidité versés à l'intéressé. Elle a produit, à l'appui de sa demande, un relevé des débours exposés et une attestation d'imputabilité de son médecin-conseil du 13 avril 2018 qui détaille chacun de ces postes de dépenses. Contrairement à ce qu'a relevé le tribunal administratif, il résulte de cette attestation d'imputabilité que la pension d'invalidité de 2ème catégorie a été versée à M. J... à compter du 1er juin 2013, et non antérieurement au fait générateur de responsabilité, et que l'attribution de cette pension trouve son origine dans les séquelles neurologiques que M. J... conserve du fait des fautes commises dans la prise en charge de son syndrome de la queue de cheval. Il convient toutefois, ainsi que le soutiennent le CHNDS et le CHU de Poitiers, de déduire les frais hospitaliers et les indemnités journalières correspondant à la période d'hospitalisation, d'une durée évaluée à 45 jours par l'expert, que l'état de santé présenté par M. J... en juin 2012 aurait nécessité indépendamment des fautes commises. Dans ces conditions, et après application du taux de perte de chance de 60 %, il y a lieu de fixer à 66 835 euros la somme totale à laquelle la CPAM de la Charente-Maritime a droit au titre des créances échues à la date du présent arrêt. Ainsi qu'elle le demande en appel, cette somme portera intérêts à compter du 3 mai 2018, date d'enregistrement de sa requête devant la cour, pour la partie échue à cette date, et au fur et à mesure des échéances ultérieures pour le solde.
26. Il résulte de ce qu'il vient d'être dit que, compte tenu du partage de responsabilité, il y a lieu de porter la somme de 8 250 euros que le CHNDS a été condamné à verser à la CPAM au titre de ses débours échus à 16 709 euros et de porter la somme de 24 750 euros que le CHU de Poitiers a été condamné à verser au même titre à la caisse à 50 126 euros.
S'agissant des dépenses futures :
27. En premier lieu, la CPAM de la Charente-Maritime fait valoir que, compte tenu de l'état de santé de M. J..., elle devra lui servir des prestations de santé continues correspondant notamment, d'après le tableau d'évaluation de soins futurs qu'elle produit, à une échographie rénale et un examen cytobactériologique des urines (ECBU) par an, 12 dispositifs d'irrigation transanale par an et des sondes vésicales à raison de 7 par jour, soit 2 555 par an. Il résulte de l'instruction, en particulier de l'expertise ordonnée par le tribunal administratif, qui mentionne la nécessité d'un suivi urologique régulier, et de l'attestation d'imputabilité établie par le médecin-conseil de la caisse, que ces dépenses de santé futures présentent un caractère certain et sont en lien, dans la limite de la perte de chance ci-dessus retenue, avec les fautes du CHNDS et du CHU de Poitiers. En revanche, en se bornant à solliciter le remboursement, à hauteur de 4 620, 49 euros par an, de " fournitures accessoires ", sans aucune précision sur la nature des accessoires en cause, la caisse n'établit pas la réalité de la créance invoquée. Par ailleurs, la somme demandée par la caisse ne peut pas lui être accordée par le versement immédiat d'un capital représentatif des frais futurs dès lors que le CHU de Poitiers n'a pas donné son accord pour un tel versement. Dans ces conditions, compte tenu du taux de perte de chance retenu, il y a lieu de condamner le CHNDS et le CHU de Poitiers à rembourser, à hauteur de 60 %, les frais de santé futurs ci-dessus mentionnés, dans la limite d'une échographie rénale et un ECBU par an, 12 dispositifs d'irrigation transanale par an et 2 555 sondes vésicales par an. Il y a lieu de mettre ces frais à la charge du CHNDS à hauteur de 25 % et à la charge du CHU de Poitiers à hauteur de 75%, sur présentation de justificatifs au fur et à mesure qu'ils seront exposés.
28. En second lieu, et ainsi qu'il a été dit, il résulte de l'instruction que la caisse verse à M. J... une pension d'invalidité de 2ème catégorie s'élevant au montant mensuel de 762, 06 euros en février 2018. La caisse fait valoir une estimation prévisionnelle du capital correspondant, basée sur un montant annuel de 9 144, 72 euros, à 96 348, 77 euros. La somme demandée par la caisse ne peut toutefois pas lui être accordée par le versement immédiat d'un capital représentatif des frais futurs correspondant aux arrérages de cette pension, dont l'évaluation ne prend au demeurant pas en compte le taux de perte de chance, faute d'accord pour un tel versement par le CHU de Poitiers. Dans ces conditions, il y a lieu de mettre ces frais futurs, à concurrence de 60 % de leur montant, sur présentation de justificatifs au fur et à mesure qu'ils seront exposés, à la charge du CHNDS et du CHU de Poitiers dans les proportions correspondant au partage de responsabilité ci-dessus retenu.
En ce qui concerne l'indemnité forfaitaire de gestion :
29. Aux termes du neuvième alinéa de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale : " En contrepartie des frais qu'elle engage pour obtenir le remboursement mentionné au troisième alinéa ci-dessus, la caisse d'assurance maladie à laquelle est affilié l'assuré social victime de l'accident recouvre une indemnité forfaitaire à la charge du tiers responsable et au profit de l'organisme national d'assurance maladie. Le montant de cette indemnité est égal au tiers des sommes dont le remboursement a été obtenu, dans les limites d'un montant maximum de 910 euros et d'un montant minimum de 91 euros. A compter du 1er janvier 2007, les montants mentionnés au présent alinéa sont révisés chaque année, par arrêté des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget, en fonction du taux de progression de l'indice des prix à la consommation hors tabac prévu dans le rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour l'année considérée ".
30. La CPAM de la Charente-Maritime, qui obtient devant la cour une majoration de la somme due au titre de ses débours, peut prétendre à une augmentation de l'indemnité forfaitaire de gestion. Eu égard au montant de la somme totale à laquelle la caisse a droit au titre de ses débours, actuels et futurs confondus, elle a droit au maximum de l'indemnité forfaitaire régie par les dispositions précitées, lesquelles ont prévu une actualisation annuelle dont le dernier montant, issu de l'arrêté du 27 décembre 2019, est fixé à 1 091 euros. Conformément à ce que demande la CPAM de la Charente-Maritime, cette somme sera mise à la charge solidaire du CHU de Poitiers et du CHNDS.
Sur les conclusions de l'ONIAM tendant à sa mise hors de cause :
31. Si les dispositions du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique font obstacle à ce que l'ONIAM supporte au titre de la solidarité nationale la charge de réparations incombant aux personnes responsables d'un dommage en vertu du I du même article, elles n'excluent toute indemnisation par l'office que si le dommage est entièrement la conséquence directe d'un fait engageant leur responsabilité.
32. En l'espèce, il est constant que le dommage de M. J... est entièrement la conséquence directe des fautes commises par le CHNDS et le CHU de Poitiers. L'ONIAM est par suite fondé à demander sa mise hors de cause.
Sur les frais d'expertise :
33. Aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties (...) ".
34. Le tribunal administratif a fait une juste application des dispositions précitées de l'article R. 761-1 du code de justice administrative en mettant les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 3 780 euros, à la charge du CHU de Poitiers à hauteur de 75 %, soit 2 835 euros, et à la charge du CHNDS à hauteur de 25 %, soit 945 euros.
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
35. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre une somme de 500 euros à la charge du CHNDS et une somme de 1 500 euros à la charge du CHU de Poitiers au titre des frais exposés par M. J... et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, en revanche, de faire droit aux conclusions présentées par l'ONIAM et la CPAM de la Charente-Maritime au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : L'ONIAM est mis hors de cause.
Article 2 : La somme de 13 680 euros que le centre hospitalier Nord Deux-Sèvres a été condamné à verser à M. J... est portée à 17 353, 25 euros.
Article 3 : La somme de 41 040 euros que le CHU de Poitiers a été condamné à verser à M. J... est portée à 52 059, 75 euros.
Article 4 : La somme de 8 250 euros que le CHNDS a été condamné à verser à la CPAM des Deux-Sèvres en remboursement des débours exposés est portée à 16 709 euros, et sera majorée des intérêts dans les conditions fixées au point 23.
Article 5 : La somme de 24 750 euros que le CHU de Poitiers a été condamné à verser à la CPAM des Deux-Sèvres en remboursement des débours exposés est portée à 50 126 euros et sera assortie des intérêts dans les conditions fixées au point 23.
Article 6 : Le CHNDS et le CHU de Poitiers rembourseront à la CPAM des Deux-Sèvres ses débours futurs dans les conditions fixées aux points 25 et 26 du présent arrêt.
Article 7 : La somme de 1 055 euros que le CHNDS et le CHU de Poitiers ont été condamnés à verser au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion est portée à 1 091 euros et mise à la charge solidaire de ces deux établissements.
Article 8 : Le jugement n° 1500347-1501032 du 6 mars 2018 du tribunal administratif de Poitiers est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt
Article 9 : Le CHNDS versera à M. J... une somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 10 : Le CHU de Poitiers versera à M. J... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 11 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 12 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... J..., à la caisse primaire d'assurance maladie de la Charente-Maritime, au centre hospitalier universitaire de Poitiers, au centre hospitalier Nord Deux-Sèvres et à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.
Délibéré après l'audience du 23 juin 2020 à laquelle siégeaient :
Mme K... I..., présidente,
Mme A... E..., présidente-assesseure,
Mme L... B..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 7 juillet 2020.
Le président de la 2ème chambre,
Catherine I...
La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 18BX01520, 18BX01521, 18BX01891