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28/06/2019 | FRANCE | N°425461

France | France, Conseil d'État, 2ème - 7ème chambres réunies, 28 juin 2019, 425461


Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 19 novembre 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B...E...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision implicite de rejet née du silence gardé par la garde des sceaux, ministre de la justice sur sa demande du 12 juillet 2018 tendant au retrait du décret du 23 novembre 2011 par lequel son fils mineurA..., représenté par sa mère Mme D...C..., a été autorisé à changer son nom de E...en C...;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L

. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :...

Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 19 novembre 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B...E...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision implicite de rejet née du silence gardé par la garde des sceaux, ministre de la justice sur sa demande du 12 juillet 2018 tendant au retrait du décret du 23 novembre 2011 par lequel son fils mineurA..., représenté par sa mère Mme D...C..., a été autorisé à changer son nom de E...en C...;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code civil ;

- le code de procédure civile ;

- le décret n° 94-52 du 20 janvier 1994 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Bertrand Mathieu, conseiller d'Etat en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Guillaume Odinet, rapporteur public,

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Gaschignard, avocat de M. E...et à la SCP Potier de la Varde, Buk Lament, Robillot, avocat de Mme C... ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article 61 du code civil : " Toute personne qui justifie d'un intérêt légitime peut demander à changer de nom. (...) / Le changement de nom est autorisé par décret. ". Aux termes de l'article 61-1 du code civil : " Tout intéressé peut faire opposition devant le Conseil d'Etat au décret portant changement de nom dans un délai de deux mois à compter de sa publication au Journal officiel. / Un décret portant changement de nom prend effet, s'il n'y a pas eu d'opposition, à l'expiration du délai pendant lequel l'opposition est recevable ou, dans le cas contraire, après le rejet de l'opposition. ".

2. Aux termes de l'article 2 du décret du 20 janvier 1994 relatif à la procédure de changement de nom : " A peine d'irrecevabilité, la demande expose les motifs sur lesquels elle se fonde, indique le nom sollicité (...). Elle est accompagnée des pièces suivantes : (...) / 7° L'autorisation du juge des tutelles lorsque l'autorité parentale est exercée en commun par les deux parents et que la demande est présentée par un seul d'entre eux... ". Aux termes de l'article 382 du même code : " L'administration légale appartient aux parents. Si l'autorité parentale est exercée en commun par les deux parents, chacun d'entre eux est administrateur légal... ". Aux termes de l'article 337 du même code : " En cas de désaccord entre les administrateurs légaux, le juge des tutelles est saisi aux fins d'autorisation de l'acte. ".

3. En vertu de l'article 3 du décret du 20 janvier 1994 précité : " Préalablement à la demande, le requérant fait procéder à la publication au Journal officiel de la République française d'une insertion comportant son identité, son adresse et, le cas échéant, celles de ses enfants mineurs concernés et le ou les noms sollicités. S'il demeure en France, une publication est, en outre, effectuée dans un journal désigné pour les annonces légales de l'arrondissement où il réside ". Aux termes de l'article 5 du même décret " L'autorisation ou le refus de changement de nom ne peut intervenir que deux mois après la date à laquelle il a été procédé à la publicité prévue à l'article 3 ".

4. Par une ordonnance du juge des tutelles du tribunal d'instance d'Angoulême en date du 10 juin 2010, Mme D...C...a été autorisée à engager une procédure de changement de nom pour et au nom de son fils mineur, A..., sur lequel elle exerçait conjointement l'autorité parentale avec M. B...E..., père de l'enfant. Le 18 juillet 2010 elle a adressé au garde des sceaux, ministre de la justice, la demande de changement de nom à laquelle était jointe l'autorisation du juge des tutelles. Par un décret en date du 23 novembre 2011 le Premier ministre a autorisé l'enfant à changer son nom de E...enC.... Toutefois, le père de l'enfant, M. B...E...a, le 24 juillet 2013, saisi le tribunal de grande instance d'Angoulême d'un recours en tierce opposition contre l'ordonnance du 10 juin 2010 auquel il a été fait droit par une ordonnance du 14 avril 2014, réformant la première ordonnance du juge des tutelles et rejetant la demande d'autorisation sollicitée par Mme C...à agir seule pour obtenir le changement du nom de son fils. Cette décision a été confirmée par un arrêt de la cour d'appel de Bordeaux du 3 mars 2015 devenu définitif. Le 12 juillet 2018, M. E...a demandé à la garde des sceaux, ministre de la justice de retirer le décret du 23 novembre 2011 autorisant le changement de nom de son fils au motif que ce décret avait été obtenu par fraude. Par la présente requête il conteste le refus opposé à sa demande.

5. Ainsi que le prévoit désormais l'article L. 241-2 du code des relations entre le public et l'administration, la circonstance qu'un acte administratif a été obtenu par fraude permet à l'autorité administrative compétente de l'abroger ou de le retirer à tout moment. Un tiers justifiant d'un intérêt à agir est recevable à demander, dans le délai du recours contentieux, l'annulation de la décision par laquelle l'autorité administrative a refusé de faire usage de son pouvoir d'abroger ou de retirer un acte administratif obtenu par fraude, quelle que soit la date à laquelle il l'a saisie d'une demande à cette fin. Dans un tel cas, il incombe au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, d'une part, de vérifier la réalité de la fraude alléguée et, d'autre part, de contrôler que l'appréciation de l'administration sur l'opportunité de procéder ou non à l'abrogation ou au retrait n'est pas entachée d'erreur manifeste, compte tenu notamment de la gravité de la fraude et des atteintes aux divers intérêts publics ou privés en présence susceptibles de résulter soit du maintien de l'acte litigieux soit de son abrogation ou de son retrait.

6. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier qu'avant de formuler la demande de changement du nom de son fils, Mme C...a, conformément aux exigences du code civil, saisi le juge des tutelles du tribunal de grande instance d'Angoulême afin d'être autorisée à la présenter. S'il est constant que M. E...n'a pas été mis en cause par le juge des tutelles lors de l'instruction de cette demande d'autorisation, et si cette circonstance a été relevée par le juge statuant sur le recours en tierce opposition contre l'ordonnance accordant à Mme C...l'autorisation qu'elle demandait, pour fonder l'annulation de l'ordonnance, en revanche, aucune pièce du dossier ni aucune mention de l'ordonnance rendue sur la tierce opposition ou de l'arrêt de la cour d'appel de Bordeaux du 3 mars 2015 ne permettent de considérer que le décret autorisant le changement de nom de l'enfant A...aurait été obtenu par fraude..

7. En l'absence de fraude, alors même que l'autorité judiciaire, saisie après l'expiration du délai d'opposition, a annulé l'ordonnance autorisant la mère de l'enfant A...à présenter seule la demande qui a été à l'origine du décret, la garde des sceaux, ministre de la justice, saisie plus de quatre mois après la prise du décret autorisant le changement de nom, ne pouvait, en application de l'article L. 242-1 du code des relations entre le public et l'administration, que rejeter la demande de retrait que M. E...lui avait adressée.

8. Il résulte de ce qui précède que la requête de M. E...doit être rejetée, y compris les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

9. Il n'y a pas lieu dans les circonstances de l'espèce de faire droit aux conclusions présentées par Mme C...au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de M. E...est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par Mme C...au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. B...E..., à Mme D...C...et à la garde des sceaux, ministre de la justice.


Synthèse
Formation : 2ème - 7ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 425461
Date de la décision : 28/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 28 jui. 2019, n° 425461
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Bertrand Mathieu
Rapporteur public ?: M. Guillaume Odinet
Avocat(s) : SCP GASCHIGNARD ; SCP POTIER DE LA VARDE, BUK LAMENT, ROBILLOT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2019:425461.20190628
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