Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 25 mai et 19 août 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Nicolas B, demeurant ... ; M. B demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler la décision n° 643-643 bis du 25 mars 2010 par laquelle la chambre nationale de discipline auprès du conseil supérieur de l'ordre des experts-comptables a confirmé la décision du 18 juillet 2008 de la chambre régionale de discipline des experts-comptables de Rhône-Alpes prononçant à son encontre la sanction du blâme avec inscription au dossier ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à ses conclusions devant les instances disciplinaires ordinales ;
3°) de mettre à la charge de la société Créatis Forez le versement de la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945 ;
Vu le décret n° 45-2370 du 15 octobre 1945 ;
Vu le code des devoirs professionnels des experts-comptables ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Didier Ribes, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini, avocat de M. B, et de la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la société Creatis forez,
- les conclusions de Mme Suzanne von Coester, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Gatineau, Fattaccini, avocat de M. B, et à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la société Creatis forez ;
1. Considérant que le conseil national des experts-comptables peut légalement se fonder, pour infliger une sanction à un expert-comptable, sur des griefs qui n'ont été ni présentés dans la plainte dont l'intéressé est l'objet ni retenus à l'encontre de l'intéressé par la chambre régionale de discipline, à condition, toutefois, d'avoir mis au préalable l'intéressé en mesure de présenter utilement sa défense sur ces griefs ;
2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B, qui avait la qualité d'expert-comptable, a fait l'objet d'une plainte d'un confrère fondée sur la violation des articles 13, 14 et 15 du code des devoirs professionnels relatifs aux relations entre les membres de l'ordre et des " conditions d'exercice de l'ordonnance du 19 septembre 1945 " ; que, par une décision du 18 juillet 2008, la chambre régionale de discipline de l'ordre des experts-comptables de Rhône-Alpes lui a infligé un blâme avec inscription au dossier au motif que la mission de négociation exercée par M. B auprès de la SARL Lassaigne était constitutive d'un démarchage de clientèle contraire aux prescriptions des articles 13 et 14 du code des devoirs professionnels ; que la chambre nationale de discipline a confirmé la sanction, mais en retenant un autre motif, tiré de ce que la mission précitée, qui avait conduit l'intéressé à intervenir à titre de conseil dans le cadre d'une opération de rachat de parts de sociétés, constituait une activité d'intermédiation incompatible avec l'activité d'expertise-comptable, en méconnaissance des dispositions de l'article 22 de l'ordonnance du 19 septembre 1945 portant statut de la profession d'expert-comptable ;
3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le seul grief effectivement présenté dans la plainte à l'encontre de M. B et réellement discuté tout au long de la procédure disciplinaire est celui tiré de la violation des articles précités du code des devoirs professionnels en raison du démarchage illicite de clientèle auquel il se serait livré ; que, ni la circonstance que la plainte initiale évoquait en termes généraux une violation des " conditions d'exercice de l'ordonnance du 19 septembre 1945 ", ni la circonstance que la chambre régionale de discipline ait, par une simple remarque incidente, relevé dans sa décision que le comportement reproché à M. B " ne ressort pas du champ de compétence d'un expert-comptable ", ne peuvent être regardées comme ayant mis au préalable l'intéressé en mesure de présenter utilement sa défense sur le grief retenu par la chambre nationale pour confirmer la sanction attaquée, qui ne pouvait être relevé d'office, tiré de ce que la mission exercée par M. B était au nombre des occupations ou actes incompatibles avec l'activité d'expert-comptable proscrits par les dispositions de l'article 22 de l'ordonnance du 19 septembre 1945 précitée ; que par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, M. B est fondé à demander, pour ce motif, l'annulation de la décision du 25 mars 2010 de la chambre nationale de discipline auprès du conseil supérieur de l'ordre des experts-comptables en tant qu'elle le concerne ;
4. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de M. B qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; qu'il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la société Créatis Forez la somme de 1 500 euros à verser à M. B au titre des mêmes dispositions ;
D E C I D E :
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Article 1er : La décision du 25 mars 2010 de la chambre nationale de discipline auprès du conseil supérieur de l'ordre des experts-comptables est annulée en tant qu'elle confirme la sanction de blâme avec inscription au dossier à l'encontre de M. B.
Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans cette mesure, à la chambre nationale de discipline auprès du conseil supérieur de l'ordre des experts-comptables.
Article 3 : La société Creatis Forez versera à M. B la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions de la société Créatis Forez présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. Nicolas B, à la société Creatis Forez, à M. Christophe Girard, au conseil supérieur de l'ordre des experts-comptables et au ministre de l'économie et des finances.