Vu la procédure suivante :
Mme M... I..., agissant en son nom propre et en qualité de représentante légale des enfants E... C..., F... C..., Oriane I... et A... I..., assistée par Mme B... V... en qualité de curatrice à la personne et par l'association pour l'action sociale et éducative en qualité de curatrice aux biens, M. G... I..., Mme J... I..., M. U... I..., Mme B... V..., M. D... I..., Mme T... I..., M. K... I..., M. N... I..., Mme Q... W... R..., M. O... I..., M. H... I..., M. L... I... et M. S... V... ont demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner solidairement le centre hospitalier universitaire (CHU) de Rennes et l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à les indemniser des préjudices qu'ils estiment avoir subis du fait de la prise en charge de Mme M... I... dans cet établissement hospitalier. Le département d'Ille-et-Vilaine a demandé la condamnation du CHU de Rennes à lui rembourser la somme de 153 499,72 euros versée à Mme M... I.... La caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) d'Ille-et-Vilaine a demandé la condamnation du CHU de Rennes à lui verser 688 748,29 euros en remboursement des débours exposés au profit de Mme M... I... et 45 016,45 euros au titre des sommes exposées au profit de M. A... I.... Par un jugement n° 1204312 du 9 juin 2016, le tribunal administratif a condamné le CHU de Rennes à verser à Mme M... I..., en son nom propre, une somme de 1 079 834,11 euros ainsi qu'à compter du 9 juin 2016, une rente trimestrielle viagère de 19 177,06 euros, ainsi qu'une rente trimestrielle de 6 479,92 euros jusqu'au mois de mars 2028 et une rente trimestrielle de 1 994,20 euros jusqu'au mois de septembre 2021, sous déduction des aides versées par le département couvrant les mêmes besoins. Il a condamné le CHU de Rennes à verser à Mme M... I..., en sa qualité de représentante légale des enfants mineurs F..., Oriane et A..., une somme de 54 000 euros, ainsi qu'une somme de 10 000 euros à Mme E... C..., une somme de 12 000 euros à Mme J... I..., une somme de 8 000 euros chacun à Mme B... V..., Mme Q... W... R..., M. K... I... et M. G... I... et une somme de 2 000 euros chacun à M. U... I..., M. D... I..., Mme T... I..., M. N... I..., M. O... I... et M. H... I.... Il a également condamné le CHU de Rennes à verser à la CPAM d'Ille-et-Vilaine une somme de 256 952,17 euros au titre des débours déjà exposés au profit de Mme M... I... ainsi qu'à rembourser, sur justificatifs, les dépenses de santé futures susceptibles d'être exposées dans la limite d'une somme totale de 431 796,72 euros. Il a, enfin, condamné le CHU de Rennes à verser au département d'Ille-et-Vilaine une somme de 153 499,72 euros au titre des prestations servies par le département à Mme M... I...
Par un arrêt n° 16NT02649 du 9 novembre 2018, rectifié par un arrêt n° 18NT04376 et n° 19NT00084 du 10 mai 2019, la cour administrative d'appel de Nantes a, sur appel du CHU de Rennes et de la CPAM d'Ille-et-Vilaine, ramené à 773 305,37 euros la somme que le CHU de Rennes est condamné à verser à Mme I..., à 16 193,60 euros la rente devant être versée à titre viager au titre des besoins propres de la victime en assistance par une tierce personne, sous déduction des aides versées par le département et les organismes sociaux couvrant les mêmes besoins et sous réserve de la justification par Mme I... de son maintien à domicile, à 1 794,78 euros la rente devant être versée jusqu'au 30 septembre 2021 au titre des besoins des trois enfants et à 897,39 euros la rente devant être versée jusqu'au 30 mars 2028 pour les besoins de l'enfant A... et a ramené à la somme totale de 32 400 euros la somme devant être versée par le CHU de Rennes à Mme I... en sa qualité de représentante légale de ses enfants mineurs. Elle a également ramené les sommes devant être versées aux proches de Mme I... à 6 000 euros pour Mme E... C..., à 7 200 euros pour Mme J... I..., à 4 800 euros pour Mmes B... V..., et Q... W... R... et MM. Mesmin et Alfred I... et à 1 200 euros pour Mme T... I... et MM. Dieudonné I..., Roger I..., Cyrille I..., Gislain I... et Arnold I.... Enfin elle a ramené à 154 171,30 euros la somme que le CHU de Rennes avait été condamné à verser à la CPAM d'Ille-et-Vilaine au titre de ses débours actuels et à 259 077,67 euros le plafond applicable au remboursement des frais futurs.
1° Sous le numéro 426936, par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 9 janvier, 13 mars et 28 novembre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme M... I..., Mme E... C..., M. G... I..., Mme J... I..., M. U... I..., Mme B... V..., M. D... I..., Mme T... I..., M. K... I..., M. N... I..., Mme Q... X... R..., M. O... I..., M. H... I..., M. L... I..., M. S... V... et M. P... C... demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à leur appel ;
3°) de mettre à la charge du CHU de Rennes la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
2° Sous le numéro 427032, par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 14 janvier et 15 avril 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la CPAM d'Ille-et-Vilaine demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) de mettre à la charge du CHU de Rennes la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
....................................................................................
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Florian Roussel, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Cécile Barrois de Sarigny, rapporteur public.
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP L. Poulet, Odent, avocat de Mme M... I... et autres, à Me Le Prado, avocat du centre hospitalier régional universitaire de Rennes, à la SCP Sevaux, Mathonnet, avocat de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et à la SCP de Nervo, Poupet, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie d'Ille-et-Vilaine.
Considérant ce qui suit :
1. Les pourvois de Mme I... et autres et de la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) d'Ille-et-Vilaine tendent à l'annulation du même arrêt. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.
2. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme I... a été opérée le 18 octobre 2008 au centre hospitalier universitaire (CHU) de Rennes d'une occlusion de l'intestin grêle. Elle a alors été victime, au cours de l'anesthésie préopératoire, d'un arrêt cardio-circulatoire dont elle conserve d'importantes séquelles. Par un jugement du 9 juin 2016, le tribunal administratif de Rennes a condamné le CHU de Rennes à indemniser l'ensemble des préjudices de Mme I... et de ses proches et à rembourser à la CPAM d'Ille-et-Vilaine et au département d'Ille-et-Vilaine les prestations servies à Mme I.... Par l'arrêt attaqué du 9 novembre 2018, la cour administrative d'appel de Nantes a, sur appel du CHU de Rennes, réduit les sommes à verser par cet établissement en se fondant sur ce que sa responsabilité n'était engagée qu'au titre d'une perte de chance pour Mme I... d'éviter l'arrêt cardio-circulatoire dont elle a été victime, estimée par la cour à 60%.
3. Dans le cas où une faute commise lors de la prise en charge d'un patient dans un établissement de santé a seulement compromis ses chances d'obtenir une amélioration de son état de santé ou d'échapper à son aggravation, en raison de ce que le dommage corporel avait une certaine probabilité de survenir en l'absence de faute commise par l'établissement, le préjudice résultant de cette faute n'est pas le dommage corporel constaté, mais la perte de chance d'éviter que ce dommage soit advenu. En revanche, lorsque le dommage corporel ne serait pas survenu en l'absence de la faute commise par l'établissement, le préjudice qui en résulte doit être intégralement réparé.
4. Il ressort des termes mêmes de son arrêt que, pour juger que les manquements fautifs aux règles de l'art commis par l'anesthésiste lors de l'opération du 18 octobre 2008 n'avaient fait perdre à Mme I... qu'une chance de 60 % de se soustraire aux séquelles dont elle est atteinte, la cour s'est fondée sur la circonstance que les dommages causés par cette erreur d'anesthésie s'expliquaient en partie par l'existence, chez la patiente, de facteurs de risque cardiaque. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses propres constatations que, sans la faute commise par l'anesthésiste, Mme I... n'aurait pas été victime de l'arrêt cardiaque à l'origine de ses séquelles, la cour a commis une erreur de droit. Son arrêt doit, par suite, être annulé.
5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du CHU de Rennes le versement, d'une part, d'une somme de 200 euros chacun aux requérants ayant Mme I... comme mandataire commun et, d'autre part, d'une somme de 3 000 euros et à la CPAM d'Ille-et-Vilaine au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes du 9 novembre 2018 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Nantes.
Article 3 : Le CHU de Rennes versera, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, d'une part une somme de 200 euros chacun à Mme M... I..., Mme E... C..., M. G... I..., Mme J... I..., M. U... I..., Mme B... V..., M. D... I..., Mme T... I..., M. K... I..., M. N... I..., Mme Q... X... R..., M. O... I..., M. H... I..., M. L... I..., M. S... V... et M. P... C... et, d'autre part, une somme de 3 000 euros à la CPAM d'Ille-et-Vilaine.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme M... I..., première requérante désignée, au centre hospitalier universitaire de Rennes, et à la caisse primaire d'assurance maladie d'Ille-et-Vilaine.
Copie en sera adressée à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et au conseil départemental d'Ille-et-Vilaine.