Vu la procédure suivante :
La société Royal Cinéma et son président, M. A... B..., ont demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler, d'une part, la délibération du 19 décembre 2014 par laquelle le conseil municipal de Mont-de-Marsan a approuvé le versement à la société Le Club d'une subvention de 1,5 million d'euros afin de financer un projet de création d'un établissement de spectacle cinématographique de huit salles et a autorisé le maire à signer la convention définissant les modalités d'attribution de cette subvention et, d'autre part, la convention elle-même, signée le 6 janvier 2015. Ils ont également demandé au tribunal d'annuler la décision du 23 décembre 2014 par laquelle le président du Centre national du cinéma et de l'image animée a accordé à la société Le Club une subvention de 400 000 euros afin de financer le projet de création de cet établissement de spectacles cinématographiques.
Par un jugement n° 1500281-1500363-1500364-1501380-1501446 du 29 décembre 2015, le tribunal administratif de Pau a annulé la décision du président du Centre national du cinéma et de l'image animée et rejeté les autres demandes.
Par un arrêt n° 16BX00581 du 12 juillet 2019, la cour administrative d'appel de Bordeaux, après avoir annulé ce jugement en tant qu'il a rejeté les conclusions de la société Royal Cinéma et de M. B... tendant à l'annulation de la délibération du 19 décembre 2014 et de la convention signée le 6 janvier 2015, a rejeté leurs demandes aux fins d'annulation de cette délibération et de cette convention.
Par un pourvoi, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 12 septembre et 18 novembre 2019 et 8 juin 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Royal Cinéma et M. B... demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à leur appel ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Mont-de-Marsan une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- la loi n° 92-651 du 13 juillet 1992 ;
- la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 ;
- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Christian Fournier, conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Laurent Cytermann, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Poulet, Odent, avocat de la société Royal Cinéma et de M. B..., à la SCP de Nervo, Poupet, avocat de la commune de Mont-de-Marsan et à la SCP Rousseau, Tapie, avocat de la société Le club ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 12 février 2021, présentée par la société Le Club ;
Considérant ce qui suit :
1. La société Le Club a sollicité de la commune de Mont-de-Marsan, le 9 octobre 2014, l'attribution d'une subvention de 1,5 million d'euros pour la création d'un établissement de spectacle cinématographique de huit salles situé au centre de la commune. Par une délibération du 19 décembre 2014, le conseil municipal de Mont-de-Marsan a approuvé le versement de cette subvention et a autorisé le maire à signer la convention dont le texte annexé à la délibération définissait les modalités d'attribution de cette subvention. Cette convention a été signée le 6 janvier 2015. La société Royal cinéma, qui exploite notamment un cinéma dans le centre de Mont-de-Marsan, et son président, M. B..., ont demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler cette délibération et cette convention. Par un jugement du 29 décembre 2015, ce tribunal administratif a rejeté cette demande. Par un arrêt du 12 juillet 2019, la cour administrative d'appel de Bordeaux, après avoir annulé ce jugement, a rejeté leurs demandes aux fins d'annulation de la délibération du 19 décembre 2014 et de la convention signée le 6 janvier 2015. La société Royal Cinéma et M. B... se pourvoient en cassation contre l'article 2 de cet arrêt en tant qu'il a rejeté leurs requêtes tendant à l'annulation de cette délibération et de cette convention et leurs conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint à la commune de Mont-de-Marsan d'obtenir auprès de la société Le Club la restitution des sommes versées au titre de la subvention en litige.
2. Aux termes de l'article L. 2251-4 du code général des collectivités territoriales : " La commune peut attribuer des subventions à des entreprises existantes ayant pour objet l'exploitation de salles de spectacle cinématographique dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Ces subventions ne peuvent être attribuées qu'aux établissements qui, quel que soit le nombre de leurs salles, réalisent en moyenne hebdomadaire moins de 7 500 entrées ou qui font l'objet d'un classement art et essai dans des conditions fixées par décret. / (...) / Ces aides sont attribuées conformément aux stipulations d'une convention conclue entre l'exploitant et la commune ". Aux termes de l'article R. 1511-40 du même code : " Les subventions prévues aux articles L. 2251-4, L. 3232-4 et au 6° de l'article L. 4211-1 font l'objet d'une demande écrite de l'exploitant de l'établissement titulaire de l'autorisation d'exercice délivrée, dans les conditions prévues par l'article 14 du code de l'industrie cinématographique, par le Centre national de la cinématographie pour la ou les salles dudit établissement. / Pour l'application des articles R. 1511-40 à R. 1511-43, le terme "établissement" s'entend de toute installation utilisée par l'exploitant en un lieu déterminé et qui fait l'objet d'une exploitation autonome. Sont également considérées comme établissement les exploitations ambulantes ".
3. Il résulte des dispositions de l'article L. 2251-4 du code général des collectivités territoriales citées au point 2, éclairées par les travaux parlementaires ayant conduit à l'adoption de l'article 7 de la loi n° 92-651 du 13 juillet 1992 relative à l'action des collectivités locales en faveur de la lecture publique et des salles de spectacle cinématographique, dont ces dispositions sont issues, qu'une commune ne peut attribuer de subvention en vertu de ces dispositions qu'à un établissement de spectacle cinématographique qui réalise, à la date de la demande de subvention, quel que soit le nombre de ses salles, moins de 7 500 entrées en moyenne hebdomadaire ou qui a déjà fait l'objet, à la même date, d'un classement art et essai. Une telle subvention ne peut, en revanche, être attribuée pour permettre la création, par une entreprise existante ayant pour objet l'exploitation de salles de spectacle cinématographique, d'un nouvel établissement de spectacle cinématographique. Dès lors, en jugeant que le conseil municipal de Mont-de-Marsan n'avait pas méconnu les dispositions de l'article L. 2251-4 du code général des collectivités territoriales en accordant une subvention pour la création, par une entreprise existante, dans le centre-ville de Mont-de-Marsan, d'un nouvel établissement de spectacle cinématographique, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit.
4. La société Royal Cinéma et M. B... sont donc fondés, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, à demander l'annulation de l'arrêt qu'ils attaquent en tant qu'il rejette leurs demandes d'annulation de la délibération du 19 décembre 2014 et de la convention signée le 6 janvier 2015.
5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler, dans cette mesure, l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.
Sur la recevabilité de la requête d'appel de la société Royal Cinéma et de M. B... :
6. Il ressort des termes mêmes de la requête d'appel présentée par la société Royal Cinéma et par M. B... qu'elle ne se borne pas à reproduire intégralement et exclusivement le texte de leurs demandes de première instance mais énonce de manière précise les critiques adressées aux actes dont l'annulation a été demandée au tribunal administratif. Dès lors, cette requête d'appel est recevable.
Sur l'intérêt pour agir de la société Royal Cinéma et de M. B... :
7. La société Royal Cinéma et M. B..., qui exploitent un établissement de spectacle cinématographique à Mont-de-Marsan, justifient d'un intérêt leur donnant qualité pour demander l'annulation de la délibération du 19 décembre 2014 qui approuve le versement à la société Le Club d'une subvention ayant pour objet la création d'un établissement concurrent de spectacle cinématographique dans la même commune, ainsi que de la convention définissant modalités d'attribution de cette subvention.
Sur la légalité de la subvention en litige :
8. Il résulte de ce qui a été dit au point 3 que le conseil municipal de Mont-de-Marsan ne pouvait approuver le versement à la société Le Club, sur le fondement des dispositions de l'article L. 2251-4 du code général des collectivités territoriales, d'une subvention qui avait pour objet de financer la création d'un nouvel établissement de spectacle cinématographique de huit salles. Par suite, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de leurs requêtes, la société Royal Cinéma et M. B... sont fondés à demander l'annulation du jugement du tribunal administratif de Pau du 29 décembre 2015 en tant qu'il rejette leurs demandes tendant à l'annulation de la délibération du 19 décembre 2014 du conseil municipal de Mont-de-Marsan approuvant le versement de cette subvention et de la convention du 6 janvier 2015 définissant les modalités de son attribution, ainsi que l'annulation de cette délibération et de cette convention.
Sur les conclusions à fins d'injonction et d'astreinte :
9. La société Royal Cinéma et M. B... ont demandé, par un mémoire enregistré le 18 juin 2018 devant la cour administrative d'appel, lequel était recevable, qu'il soit enjoint à la commune de Mont-de-Marsan d'obtenir auprès de la société Le Club la restitution des sommes versées au titre de la subvention en litige, dans le délai de deux mois, sous astreinte de 500 euros par jour de retard.
10. L'exécution de la présente décision implique nécessairement que la société Le Club procède au reversement à la commune de Mont-de-Marsan du montant de la subvention que celle-ci lui a accordée pour financer la création d'un nouvel établissement de spectacle cinématographique de huit salles, et qu'à défaut d'un tel reversement, il soit enjoint à la commune d'émettre, à l'encontre de cette société, un titre exécutoire aux fins de recouvrement du montant de la subvention. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les conclusions tendant à l'application l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Mont-de-Marsan la somme de 3 000 euros à verser à la société Royal Cinéma et à M. B... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la société Royal Cinéma et de M. B... qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes.
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 12 juillet 2019 et le jugement du tribunal administratif de Pau du 29 décembre 2015 sont annulés en tant qu'ils rejettent les demandes de la société Royal Cinéma et de M. B... tendant à d'annulation de la délibération du 19 décembre 2014 du conseil municipal de Mont-de-Marsan et de la convention signée le 6 janvier 2015.
Article 2 : La délibération du 19 décembre 2014 du conseil municipal de Mont-de-Marsan et la convention du 6 janvier 2015 sont annulées.
Article 3 : En l'absence de reversement par la société Le Club du montant de la subvention qui lui a été accordée pour financer la création d'un nouvel établissement de spectacle cinématographique de huit salles, il est enjoint à la commune de Mont-de-Marsan d'émettre un titre exécutoire à l'encontre de cette société aux fins de recouvrement du montant de cette subvention.
Article 4 : La commune de Mont-de-Marsan versera la somme de 3 000 euros à la société Royal Cinéma et à M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Les conclusions présentées par la commune de Mont-de-Marsan et par la société Le Club au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à la société Le Royal Cinéma, à M. A... B..., à la commune de Mont-de-Marsan et à la société Le Club.