Vu 1°, sous le n° 360893, le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 9 juillet et 9 octobre 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SARL Jude Frères, dont le siège est lieu-dit Lonclement à La Roche-Chalais (24490), représentée par son gérant ; la SARL Jude Frères demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt n° 11BX00421-11BX00422 du 9 mai 2012 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a, d'une part, rejeté ses conclusions d'appel tendant à l'annulation du jugement n° 0702108 du 2 décembre 2010 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux, à la demande de la commune de La Roche-Chalais, l'a condamnée solidairement avec la SARL Sol Hydro Environnement à verser à la commune les sommes de 403 052 euros au titre de travaux de reprise réalisés en exécution d'un marché pour la réalisation d'un nouvel ouvrage de captage d'eaux souterraines et de 12 900,48 euros au titre des frais d'expertise, et, d'autre part, annulé l'article 3 du même jugement condamnant la SARL Sol Hydro Environnement à la garantir à hauteur de dix pour cent des condamnations mises à sa charge ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de la SARL Sol Hydro Environnement et de la commune de La Roche-Chalais le paiement de la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu 2°, sous le n° 366649, la requête, enregistrée le 6 mars 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la SARL Jude Frères ; la SARL Jude Frères demande au Conseil d'Etat :
1°) d'ordonner le sursis à exécution de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux en date du 9 mai 2012 visé sous le numéro 360893 ;
2°) de mettre à la charge de la SARL Sol Hydro Environnement et de la commune de La Roche-Chalais la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 12 juin 2013, présentée pour la SARL Jude Frères ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu le décret n° 93-1268 du 29 novembre 1993 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Natacha Chicot, Auditeur,
- les conclusions de M. Gilles Pellissier, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Monod, Colin, avocat de la SARL Jude Frères , à la SCP Fabiani, Luc-Thaler, avocat de la commune de La Roche-Chalais et à la SCP Vincent, Ohl, avocat de la SARL Sol Hydro Environnement ;
1. Considérant que les pourvois et la requête visés ci-dessus sont dirigés contre le même arrêt ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, pour assurer l'alimentation de la population en eau potable, la commune de La Roche-Chalais a, le 22 mai 2003, conclu avec la SARL Sol Hydro Environnement un marché de maîtrise d'oeuvre pour la réalisation d'un nouvel ouvrage de captage d'eaux souterraines ; que, dans le cadre d'un marché de travaux sur appel d'offres passé le 15 juillet 2003, la commune a confié à la SARL Jude Frères la réalisation des travaux de reconnaissance hydrogéologique et de réalisation d'un ouvrage de captage d'eau ; que le chantier a dû être interrompu avant la réception des travaux ; que, par un jugement du 2 décembre 2010, le tribunal administratif de Bordeaux a, d'une part, condamné solidairement les SARL Sol Hydro Environnement et Jude Frères à indemniser la commune à hauteur de 403 052 euros et, d'autre part, mis à la charge de ces deux sociétés le paiement des frais d'expertise, la SARL Sol Hydro Environnement étant condamnée à garantir la SARL Jude Frères à hauteur de dix pour cent de ces sommes ; que, par l'arrêt attaqué, la cour administrative d'appel de Bordeaux a, en premier lieu, rejeté les conclusions de la SARL Jude Frères tendant à ce que la garantie de la SARL Sol Hydro Environnement soit portée à cinquante pour cent et que la responsabilité de la commune soit également engagée, en deuxième lieu, à la demande de la SARL Sol Hydro Environnement, annulé l'article 3 du jugement du tribunal administratif de Bordeaux la condamnant à garantir la SARL Jude Frères et, en dernier lieu, rejeté les conclusions de la commune tendant à la réévaluation de son préjudice ;
Sur le pourvoi principal de la SARL Jude Frères :
En ce qui concerne l'arrêt en tant qu'il a rejeté les conclusions d'appel de la SARL Jude Frères :
3. Considérant, en premier lieu, que la cour administrative d'appel, qui a suffisamment motivé son arrêt sur ce point, n'a pas dénaturé les faits de l'espèce ni méconnu son office, en jugeant que la SARL Sol Hydro Environnement n'était pas tenue, en sa qualité de maître d'oeuvre, d'élaborer un protocole préalablement à l'opération de cimentation du tubage ; que si la cour administrative d'appel s'est appuyée, à tort, sur les articles 11.1 à 11.10 de " l'avenant n° 1 ", il ressort des termes mêmes de son arrêt que cette erreur matérielle est restée sans incidence sur son appréciation des faits ;
4. Considérant, en deuxième lieu, que la cour administrative d'appel, qui a suffisamment motivé son arrêt sur ce point, a relevé que la connexion du sabot aux cannes d'injection s'imposait à la SARL Jude Frères en application de diverses dispositions réglementaires ; que si la société requérante est fondée à soutenir que les dispositions mentionnées par la cour n'étaient pas applicables au litige, il ressort toutefois des termes mêmes de son arrêt que la cour a, sans dénaturer les faits, fondé sa décision, pour cette partie du litige, sur la faute contractuelle de la société, en relevant, d'une part, que la cimentation devait être effectuée selon un procédé classique détaillé aux articles 11-1 à 11-10 du devis et relevant des règles de l'art dont la SARL Jude Frères revendiquait la maîtrise et, d'autre part, que la SARL Jude Frères avait débuté les opérations de cimentation avant l'horaire prévu, privant ainsi le maître d'oeuvre d'une possibilité de contrôle ; qu'il résulte de ce qui vient d'être dit que la SARL Jude Frères ne peut utilement critiquer l'argumentation de la cour relative aux dispositions réglementaires qu'elle a mentionnées, qui était surabondante ;
5. Considérant, en dernier lieu, que la cour administrative d'appel a suffisamment motivé son arrêt, qui n'est entaché, sur ce point, ni d'erreur de droit ni de dénaturation, en jugeant que la SARL Sol Hydro Environnement n'avait pas manqué à ses obligations de maître d'oeuvre pour l'opération de retrait des cannes d'injection ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les conclusions de la SARL Jude Frères dirigées contre l'arrêt attaqué en tant qu'il a rejeté ses conclusions d'appel doivent être rejetées ;
En ce qui concerne l'arrêt en tant qu'il a statué sur les conclusions d'appel de la SARL Sol Hydro Environnement :
7. Considérant, en premier lieu, que la SARL Jude Frères n'a pas intérêt à agir contre l'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux, ni en tant qu'il juge, dans ses motifs, que la SARL Sol Hydro Environnement devait être relevée indemne de toute condamnation solidaire au profit de la commune, ni en tant qu'il n'a pas tiré, dans son dispositif, toutes les conséquences de ses motifs, dès lors que cette partie de l'arrêt ne lui fait pas grief ;
Sur les conclusions de la SARL Sol Hydro Environnement, tendant à la cassation partielle de l'arrêt attaqué :
8. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit précédemment que les conclusions du pourvoi principal de la SARL Jude Frères dirigées contre l'arrêt attaqué en tant qu'il a statué sur les conclusions d'appel de la SARL Sol Hydro Environnement ne sont pas recevables ; qu'il s'ensuit que les conclusions de la SARL Sol Hydro Environnement, présentées après l'expiration du délai pour se pourvoir en cassation et dirigées contre l'arrêt en tant que, statuant sur ses conclusions d'appel, il n'a pas tiré, dans son dispositif, les conséquences de ses motifs, sont elles aussi irrecevables ;
Sur le pourvoi incident de la commune de La Roche-Chalais :
9. Considérant, d'une part, que la décision des juges du fond de recourir ou non à une expertise pour établir leur conviction n'est pas susceptible d'être discutée devant le juge de cassation ; que, d'autre part, la cour administrative d'appel pouvait, sans commettre d'erreur de droit ni entacher sa décision d'insuffisance de motivation, rejeter les conclusions de la commune tendant à ce que l'évaluation de son préjudice tienne compte des travaux de chemisage, dès lors qu'elle avait estimé, par une appréciation souveraine exempte de dénaturation, que le caractère certain de ce préjudice n'était pas établi ; qu'il en va de même pour les conclusions de la commune tendant à ce qu'elle soit indemnisée des dommages résultant de la nécessité de recourir à des installations de pompage dans la Dronne et de passer un nouveau marché ;
10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le pourvoi incident de la commune de La Roche-Chalais doit être rejeté ;
Sur la requête aux fins de sursis à exécution :
11. Considérant que, par la présente décision, le Conseil d'Etat statue sur le pourvoi formé par la SARL Jude Frères contre l'arrêt du 9 mai 2012 de la cour administrative d'appel de Bordeaux ; que, par suite, les conclusions aux fins de sursis de cet arrêt, présentées sur le fondement de l'article R. 821-5 du code de justice administrative, sont devenues sans objet ;
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761 du code de justice administrative :
12. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par les parties au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de la société Jude Frères, les conclusions de la société Sol Hydro Environnement tendant à la cassation partielle de l'arrêt attaqué et le pourvoi incident de la commune de La Roche-Chalais sont rejetés.
Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 366649.
Article 3 : Les conclusions des parties présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée aux sociétés Jude Frères et Sol Hydro Environnement ainsi qu'à la commune de La Roche-Chalais.