Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision implicite de rejet née du silence gardé par La Poste sur sa demande préalable tendant à l'indemnisation de ses préjudices et de condamner La Poste à lui verser une somme de 35 000 euros au titre du préjudice matériel et celle de 10 000 euros au titre de son préjudice moral qu'il estime avoir subis du fait d'une discrimination syndicale fautive de La Poste à son égard.
Par un jugement n° 1708702 du 27 février 2020, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 11 août 2020, M. C..., représenté par la SCP d'avocats Revel Mahussier et Associés, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 27 février 2020 du tribunal administratif de Marseille ;
2°) d'annuler la décision implicite de rejet née du silence gardé par La Poste sur sa demande préalable tendant à l'indemnisation de ses préjudices ;
3°) de condamner La Poste à lui payer la somme totale de 45 000 euros en réparation de ses préjudices matériel et moral ;
4°) de mettre à la charge de La Poste la somme de 2 500 euros à lui verser sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- il apporte des éléments de nature à faire présumer qu'il a été victime de faits constitutifs de discrimination syndicale au sens de l'article 6 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 et de l'article 1er de la loi du 27 mai 2008 dans le cadre de ses fonctions de nature à engager la responsabilité pour faute de La Poste ;
- La Poste ne produit pas d'éléments permettant d'établir que la décision en litige repose sur des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ;
- une mesure d'instruction aurait dû être ordonnée en ce sens par les premiers juges ;
- sa non-affectation sur un poste de directeur de secteur a entraîné un préjudice matériel qu'il évalue à 35 000 euros ;
- son préjudice moral sera réparé par l'allocation d'une somme de 10 000 euros.
Par un mémoire en défense enregistré le 4 novembre 2020, La Poste, représentée par la Selarl d'avocats Freichet AMG, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge du requérant la somme de 1 000 euros à lui verser sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-364 du 13 juillet 1983 ;
-la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la Cour a décidé, par décision du 24 août 2021, de désigner M. Portail, président assesseur, pour statuer dans les conditions prévues à l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,
- et les observations de Me Perrin représentant M. C....
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., cadre supérieur de second niveau à La Poste, a demandé par lettre du 28 juin 2017 à son employeur de l'indemniser des préjudices qu'il estime avoir subis du fait d'une discrimination syndicale alléguée à son encontre et de sa non-affectation sur un poste de directeur. Cette demande a été implicitement rejetée. Il a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner La Poste à lui verser la somme totale de 45 000 euros en réparation de ses préjudices. Par le jugement dont M. C... relève appel, les premiers juges ont rejeté sa demande.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article 6 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " La liberté d'opinion est garantie aux fonctionnaires. / Aucune distinction, directe ou indirecte, ne peut être faite entre les fonctionnaires en raison de leurs opinions (...) syndicales (...) ". Aux termes de l'article 1er de la loi du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations : " Constitue une discrimination directe la situation dans laquelle, sur le fondement (...) de ses activités syndicales (...), une personne est traitée de manière moins favorable qu'une autre ne l'est, ne l'a été ou ne l'aura été dans une situation comparable (...) ". Aux termes de l'article 2 de la même loi : " Sans préjudice de l'application des autres règles assurant le respect du principe d'égalité : / (...) / 2° Toute discrimination directe ou indirecte fondée sur un motif mentionné à l'article 1er est interdite en matière (...) de travail (...) ". Aux termes de l'article 4 de cette loi : " Toute personne qui s'estime victime d'une discrimination directe ou indirecte présente devant la juridiction compétente les faits qui permettent d'en présumer l'existence. Au vu de ces éléments, il appartient à la partie défenderesse de prouver que la mesure en cause est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles (...) ".
3. Le juge, lors de la contestation d'une décision dont il est soutenu qu'elle serait empreinte de discrimination au sens de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008, doit attendre du requérant qui s'estime lésé par une telle mesure qu'il soumette au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer une atteinte au principe de l'égalité de traitement des personnes. Il incombe alors au défendeur de produire tous ceux permettant d'établir que la décision attaquée repose sur des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si la décision contestée devant lui a été ou non prise pour des motifs entachés de discrimination, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
4. Pour faire présumer qu'il a fait l'objet d'une discrimination syndicale en sa qualité de secrétaire général du syndicat CGT des salariés du secteur des activités postales et télécommunications des Alpes de Haute-Provence, le requérant fait valoir la multiplicité des refus de La Poste, pris dans leur globalité, de le nommer à des postes sur lesquels il candidatait, malgré l'excellence de ses compétences professionnelles reconnues par sa hiérarchie.
5. Si le requérant soutient avoir candidaté en vain le 26 novembre 2014 sur le poste de directeur d'établissement de terrain de Manosque et que, selon lui, l'agent nommé à ce poste aurait eu un niveau de qualification inférieur au sien et à celui nécessaire à son affectation, il n'apporte aucune précision ni sur le profil de ce candidat, ni sur sa nomination effective sur ce poste. Par suite, les premiers juges, qui ne sauraient se substituer à l'une des parties au litige et qui n'ont pas méconnu les règles de charge de la preuve posées à l'article 4 de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 en s'abstenant de faire usage de leur pouvoir d'instruction sur ce point, ont pu à bon droit estimer que le requérant ne rapportait pas devant le tribunal administratif de faits permettant de présumer de l'existence d'une discrimination à son égard pour ce motif.
6. Il ressort des pièces du dossier que La Poste a procédé en 2015 à une réorganisation de ses services dont la vocation première était de développer les résultats commerciaux dans le secteur bancaire, en supprimant dans le département des Hautes-Alpes les dix postes de directeurs d'établissement de terrain, dont celui occupé depuis l'année 2009 par M. C... à Digne-les-Bains, et a remplacé ces dix postes par cinq postes de directeurs de secteur. La fiche de présentation du poste de directeur de secteur, présenté comme un acteur-clé du projet, précise que ce directeur assurera notamment la performance commerciale de son secteur par le développement du produit net bancaire (PNB) et la maîtrise des risques bancaires et financiers. M. C... a déposé le 22 juillet 2015 sa candidature en premier choix pour le poste de directeur du secteur de Digne, de Sisteron ou de Laragne, et en deuxième choix, pour le poste de chef de poste responsable de l'animation des partenariats et a été nommé sur son deuxième choix. Si le requérant fait valoir qu'il présentait des qualités supérieures à celles des trois candidats retenus sur les trois postes de directeur de secteur, il ressort de la fiche d'évaluation du comité d'évaluation très précise et détaillée et qui permet une comparaison entre les mérites respectifs des candidats, que l'agent retenue pour le secteur de Sisteron, déjà directrice d'établissement de terrain, maîtrisait l'environnement bancaire et disposait d'une bonne approche du risque mais devait être attentive à la notion de délégation, que l'agent retenue pour le secteur de Laragne, qui avait assuré l'intérim du directeur d'établissement de terrain de Saint-Bonnet puis d'Embrun, maîtrisait le développement commercial et avait le " sens du résultat " mais devait développer les principes de délégation et de contrôle et que l'agent retenu pour le secteur de Digne, directeur d'établissement de terrain, disposait de bonnes capacités d'analyse et d'orientation des clients mais devait développer son leadership et la maîtrise des risques. Ainsi les trois candidats retenus présentaient des profils de performance commerciale tel qu'attendu par La Poste selon la fiche de présentation du poste, sans que le requérant puisse utilement faire valoir que leur ancienneté dans les fonctions de chef d'établissement de terrain était moindre que la sienne, dès lors que ce critère n'entrait pas en ligne de compte et ne donnait droit à aucune priorité sur le poste à pourvoir. En revanche, il ressort de la fiche d'évaluation de M. C... pour l'année 2013 qu'il appartiendra à cet agent de "développer très fortement la performance commerciale bancaire en 2014" et que ses "objectifs commerciaux sont partiellement atteints" et de sa fiche d'évaluation pour l'année 2015, que sa performance commerciale n'est pas celle attendue par les objectifs qui lui avaient été fixés. Dans ces conditions, il ne résulte pas de l'instruction que M. C... aurait disposé de compétences supérieures à celles des agents nommés sur les postes de directeur des secteurs de Digne, de Sisteron et de Laragne en matière de performance commerciale et de maîtrise des risques ou que leurs nominations auraient eu pour objectif de faire obstacle à celle du requérant, de nature à constituer un élément de fait de nature à faire présumer de l'existence d'une discrimination syndicale à son égard.
7. En se bornant à soutenir sans autre précision que le poste de directeur d'établissement de Sisteron, susceptible de l'intéresser, était vacant en mars 2015 et qu'un autre agent aurait été nommé sur ce poste sans que la vacance de poste ait donné lieu à une publication en interne, le requérant ne rapporte pas de faits permettant de faire présumer de l'existence d'un traitement par La Poste moins favorable à celui d'un autre agent placé dans une situation comparable du fait de l'absence de nomination sur ce poste.
8. Dans ces conditions, le requérant ne soumet pas au juge d'éléments de nature à faire présumer de l'existence à son encontre d'une discrimination syndicale en matière de travail au sens de l'article 1er de la loi du 27 mai 2008 du fait des refus successifs de La Poste de le nommer sur les postes sur lesquels il candidatait. Dès lors, M. C... n'est pas fondé à rechercher la responsabilité de La Poste du chef de la discrimination syndicale alléguée et à en demander l'indemnisation.
9. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet née du silence gardé par La Poste sur sa demande préalable tendant à l'indemnisation de ses préjudices, ainsi que sa demande indemnitaire.
Sur les frais liés au litige :
10. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de La Poste, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une quelconque somme au titre des frais exposés par M. C... et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. C... la somme de 1 000 euros à verser à La Poste au titre des frais qu'elle a exposés et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : M. C... versera la somme de 1 000 euros à La Poste sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et à La Poste.
Délibéré après l'audience du 19 avril 2022, où siégeaient :
- M. Portail, président par intérim, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme Carassic, première conseillère,
- M. Mouret, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 mai 2022.
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N° 20MA02825