Vu la requête, enregistrée le 11 mai 2011 au greffe de la cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M. Mohammed A, demeurant ..., par Me Giard, avocate ; il demande à la cour :
1°) de réformer le jugement n° 0903143 du 17 mars 2011 par lequel le tribunal administratif de Rouen a condamné le centre hospitalier du Havre à lui verser une somme de 16 800 euros, à verser à la caisse primaire d'assurance maladie du Havre une somme de 8 000 euros et a rejeté le surplus de ses conclusions ;
2°) de condamner le centre hospitalier du Havre à lui verser une somme totale de 106 200 euros, avec intérêts à compter du 20 novembre 2009 et capitalisation de ces intérêts ;
3°) subsidiairement, de condamner le centre hospitalier du Havre à lui verser une somme totale de 74 340 euros, avec intérêts dans les mêmes conditions ;
4°) très subsidiairement, de condamner le centre hospitalier du Havre à lui verser une somme totale de 53 100 euros, avec intérêts dans les mêmes conditions ;
5°) de mettre les frais de l'expertise à la charge du centre hospitalier du Havre ;
6°) de condamner le centre hospitalier du Havre à lui verser une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
----------------------------------------------------------------------------------------------------------
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'arrêté du 29 novembre 2011 relatif aux montants de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Perrine Hamon, premier conseiller,
- les conclusions de M. Vladan Marjanovic, rapporteur public ;
Considérant que M. A, éducateur sportif alors âgé de 24 ans, a fait l'objet d'une ostéosynthèse pour le traitement d'une fracture humérale gauche survenue lors d'un accident du travail le 29 novembre 2006 ; que, suite au diagnostic d'une pseudarthrose avec démontage du matériel d'ostéosynthèse, il a été réopéré le 31 janvier 2008 au centre hospitalier du Havre où il a bénéficié d'une nouvelle ostéosynthèse ; que, dans les suites immédiates de cette intervention, il a souffert d'une paralysie radiale persistante ; qu'il relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Rouen, après avoir, à sa demande, ordonné une expertise, a condamné le centre hospitalier du Havre, sur le fondement de la perte de chance, à l'indemniser à hauteur de 16 800 euros et rejeté le surplus de ses conclusions ; que la caisse primaire d'assurance maladie du Havre demande la réformation de ce jugement en tant qu'il n'a pas fait droit à l'intégralité des conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, le centre hospitalier du Havre demandant également la réformation de ce jugement en tant qu'il l'a condamné à indemniser la caisse primaire d'assurance maladie du Havre à raison de l'incidence professionnelle des séquelles dont reste atteint M. A ;
Sur la responsabilité du centre hospitalier du Havre :
En ce qui concerne le défaut d'information :
Considérant que lorsque l'acte médical envisagé, même accompli conformément aux règles de l'art, comporte des risques connus de décès ou d'invalidité, le patient doit en être informé dans des conditions qui permettent de recueillir son consentement éclairé ; que, si cette information n'est pas requise en cas d'urgence, d'impossibilité ou de refus du patient d'être informé, la seule circonstance que les risques ne se réalisent qu'exceptionnellement ne dispense pas les praticiens de leur obligation ;
Considérant qu'un manquement des médecins à leur obligation d'information engage la responsabilité de l'hôpital dans la mesure où il a privé le patient d'une chance de se soustraire au risque lié à l'intervention en refusant qu'elle soit pratiquée ; que c'est seulement dans le cas où l'intervention était impérieusement requise, en sorte que le patient ne disposait d'aucune possibilité raisonnable de refus, que peut être niée l'existence d'une perte de chance ;
Considérant qu'il est constant que M. A n'a pas été informé par le centre hospitalier du Havre des risques de séquelles invalidantes présentés par l'opération dont il a bénéficié le 31 janvier 2008 ; que, toutefois, il résulte de l'instruction que, compte tenu de la gravité de l'état de santé de M. A, dont le matériel d'ostéosynthèse était démonté, celui-ci ne disposait d'aucune possibilité raisonnable de refuser l'intervention en cause et, qu'ainsi, l'intervention effectuée était impérieusement requise ; que, dès lors, la faute commise par le centre hospitalier du Havre n'a fait perdre à M. A aucune chance de se soustraire au risque qui s'est réalisé ; que, par suite, la responsabilité du centre hospitalier du Havre n'est pas engagée à raison de cette faute ;
En ce qui concerne la faute per-opératoire :
Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport de l'expertise, que l'atteinte au nerf radial de M. A, lequel se trouvait englobé dans une fibrose devant être disséquée, était difficilement évitable malgré la précaution, prise en l'espèce, d'isoler ce nerf radial pour le protéger ; que, dans ces circonstances, c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré qu'aucune faute n'avait été commise lors de l'intervention du 31 janvier 2008 ;
En ce qui concerne la faute post-opératoire :
Considérant qu'il est constant que le diagnostic de l'atteinte au nerf radial de M. A, posé par électromyogramme trois mois après l'intervention, devait amener le centre hospitalier à proposer à M. A un traitement de reprise neurochirurgicale de cette lésion ; que l'absence fautive d'une telle proposition a fait perdre à M. A une chance, évaluée à juste titre à 50 % au vu notamment du rapport de l'expert, d'éviter les séquelles fonctionnelles dont reste atteint son poignet gauche ; que, dès lors, c'est à bon droit que les premiers juges ont condamné le centre hospitalier du Havre à indemniser M. A, ainsi que la caisse primaire d'assurance maladie du Havre, à hauteur de 50 % des préjudices résultant pour eux de cette atteinte au nerf radial ;
Sur les préjudices :
Sur les préjudices à caractère patrimonial :
Considérant que la caisse primaire d'assurance maladie du Havre, qui produit une attestation d'imputabilité établie par son médecin conseil, établit avoir exposé pour le traitement de l'atteinte radiale de M. A, du 4 février 2008 au 5 juin 2009, des débours, sous forme de frais médicaux, pharmaceutiques et d'appareillage, à hauteur de 492,09 euros, et devoir exposer des frais futurs d'appareillage de 1 734,76 euros ; qu'elle est donc fondée à demander la réformation du jugement attaqué en ce qu'il a rejeté ses conclusions tendant au remboursement des frais d'ores et déjà exposés ;
Considérant, par ailleurs, que si la caisse primaire d'assurance maladie du Havre justifie verser à M. A une rente accident du travail d'un montant capitalisé de 76 962,63 euros, correspondant à un taux d'incapacité permanente partielle de 45 %, il résulte de l'instruction, notamment du rapport de l'expert, que le taux de déficit fonctionnel permanent dont est atteint M. A, et qui est imputable à la seule faute commise par le centre hospitalier du Havre, est, compte tenu de la perte de chance, de 10 % ; que, par ailleurs, M. A, qui a repris son activité professionnelle à l'issue de son congé maladie initial de deux mois suivant l'opération, n'établit ni même ne soutient que l'atteinte à son nerf radial ait eu une incidence professionnelle quelconque au-delà des troubles dans les conditions d'existence, indemnisés par ailleurs ; que, dans ces conditions, le centre hospitalier du Havre est donc fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges l'ont condamné à verser à la caisse primaire d'assurance maladie du Havre une somme de 8 000 euros au titre de la réparation de l'incidence professionnelle des séquelles dont est atteint M. A ;
Sur les préjudices à caractère personnel :
Considérant qu'en indemnisant les douleurs subies, évaluées à 2 sur une échelle de 7, le préjudice esthétique, évalué à 1,5 sur une échelle de 7, ainsi que les troubles dans les conditions d'existence résultant d'un déficit fonctionnel permanent de 20 % imputable à la faute commise par le centre hospitalier du Havre, à une somme totale de 16 800 euros, compte tenu de la fraction de perte de chance retenue, les premiers juges, qui ont à juste titre relevé que M. A n'avait subi aucune période d'incapacité temporaire totale supplémentaire du fait de sa paralysie radiale, ont fait une juste appréciation des préjudices à caractère personnel subis par M. A du seul fait de la faute commise par le centre hospitalier du Havre ;
Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts :
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la caisse primaire d'assurance maladie du Havre a droit aux intérêts au taux légal sur la somme de 492,09 euros à compter du 29 décembre 2009, date de réception de sa première demande ; que, par application des dispositions de l'article 1154 du code civil, elle a droit à la capitalisation de ces intérêts à compter du 29 décembre 2010 et pour chaque année postérieure ;
Sur l'application des dispositions du 5ème alinéa de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale :
Considérant qu'en vertu du 5ème alinéa de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, en contrepartie des frais qu'elle engage pour obtenir le remboursement mentionné au troisième alinéa, la caisse d'assurance maladie à laquelle est affilié l'assuré social victime de l'accident recouvre une indemnité forfaitaire à la charge du tiers responsable et au profit de l'organisme national d'assurance maladie, égale au tiers des sommes dont le remboursement a été obtenu, dans les limites d'un montant maximum fixé annuellement par arrêté ;
Considérant qu'il y a lieu, en application des dispositions susmentionnées, de condamner le centre hospitalier du Havre à verser à la caisse primaire d'assurance maladie du Havre la somme de 997 euros ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ;
Considérant qu'en vertu des dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la cour ne peut pas faire bénéficier la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par M. A doivent, dès lors, être rejetées ;
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions susmentionnées de la caisse primaire d'assurance maladie du Havre ;
DÉCIDE :
Article 1er : Outre le remboursement des frais futurs au fur et à mesure des débours, à concurrence des sommes effectivement versées par la caisse et dans la limite de 1 734,76 euros, l'indemnité que le centre hospitalier du Havre a été condamné à verser à la caisse primaire d'assurance maladie du Havre est ramenée de la somme de 8 000 euros à la somme de 492,02 euros. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 29 décembre 2009. Les intérêts échus à la date du 29 décembre 2010, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 2 : Le centre hospitalier du Havre versera à la caisse primaire d'assurance maladie du Havre une somme de 997 euros en application du 5ème alinéa de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale.
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 4 : Le jugement n° 0903143 du tribunal administratif de Rouen, en date du 17 mars 2011, est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. Mohammed A, au centre hospitalier du Havre et à la caisse primaire d'assurance maladie du Havre.
''
''
''
''
1
5
N°11DA00712
3
N° "Numéro"