Vu la procédure suivante :
La Mutuelle d'assurance du corps de santé français (MACSF) a demandé au tribunal administratif de Nîmes de condamner l'Etablissement français du sang (EFS) à l'indemniser des préjudices ayant résulté pour elle de la décision par laquelle le juge judiciaire a condamné son assuré, la clinique Kennedy de Nîmes, à indemniser Mme B...A...des conséquences dommageables de sa contamination transfusionnelle par le virus de l'hépatite C. Par un jugement n° 1001040 du 23 février 2012, le tribunal administratif a constaté que l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) se trouvait substitué par la loi à l'EFS dans l'instance ouverte devant lui et condamné cet office à verser à la MACSF une somme de 43 770,48 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 8 janvier 2010.
Par un arrêt n° 12LY21547 du 22 octobre 2015, la cour administrative d'appel de Lyon, statuant sur les requêtes de l'ONIAM et de la MACSF, a annulé le jugement du 23 février 2012 du tribunal administratif de Nîmes et condamné l'EFS à verser à la MACSF la somme de 47 555,87 euros avec intérêts au taux légal à compter du 8 janvier 2010.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 22 décembre 2015, 22 mars 2016 et 6 janvier 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'EFS demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter les appels de la MACSF et de l'ONIAM ;
3°) de mettre à la charge de la MACSF la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 ;
- la loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008 ;
- la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Jean-Dominique Langlais, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Nicolas Polge, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de l'Etablissement francais du sang, à la SCP Sevaux, Mathonnet, avocat de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et à Me Le Prado, avocat de la Mutuelle d'assurance du corps de santé français ;
Sur le pourvoi de l'Etablissement français du sang :
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que MmeA..., imputant sa contamination par le virus de l'hépatite C à la transfusion de produits sanguins fournis par le centre départemental de transfusion sanguine du Gard, a recherché devant le juge judiciaire la responsabilité de la clinique privée par laquelle elle avait été prise en charge et de l'Etablissement français du sang (EFS), avant de se désister en cours d'instance de ses conclusions dirigées contre l'EFS ; que, par un arrêt du 12 juin 2009, la cour d'appel de Nîmes a condamné la clinique à indemniser Mme A...des conséquences de la contamination et à rembourser à la caisse primaire d'assurance maladie de Vaucluse les frais qu'elle avait exposés ; que la Mutuelle d'assurance du corps de santé français (MACSF), assureur de la clinique subrogé tant dans les droits de celle-ci que dans ceux de Mme A...et de la caisse primaire, qu'elle avait indemnisées, a formé le 7 avril 2010 devant le juge administratif un recours dirigé contre l'EFS ou, subsidiairement, contre l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) aux fins d'être remboursée des sommes qu'elle avait versées ; que, par un jugement du 23 février 2012, le tribunal administratif de Nîmes a condamné l'ONIAM à verser à la MACSF la somme de 43 770,48 euros ; que l'EFS se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 22 octobre 2015 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon, statuant sur l'appel de l'ONIAM et sur l'appel provoqué de la MACSF, a annulé ce jugement et mis à sa charge le versement à la MACSF de la somme de 47 555,87 euros ;
2. Considérant, en premier lieu qu'aux termes de l'article L. 121-12 du code des assurances, applicable aux assurances de responsabilité civile : " L'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé, jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur. (...) " ; qu'en application de ces dispositions, l'assureur de responsabilité civile qui, en application d'un contrat d'assurance souscrit par un des auteurs du dommage, a indemnisé la victime ou un tiers payeur au sens de l'article 29 de la loi du 5 juillet 1985 est subrogé dans les droits de ces derniers dans la limite des indemnités qu'il leur a versées ;
3. Considérant, en deuxième lieu, que le I de l'article 67 de la loi du 17 décembre 2008 de financement de la sécurité sociale pour 2009 a introduit dans le code de la santé publique un article L. 1221-14 qui confie à l'ONIAM l'indemnisation, au titre de la solidarité nationale, des victimes de préjudices résultant d'une contamination par le VHC causée par une transfusion de produits sanguins ou par une injection de médicaments dérivés du sang ; que le I de l'article 72 de la loi du 17 décembre 2012 de financement de la sécurité sociale pour 2013 a complété cet article par une disposition prévoyant que l'office et les tiers payeurs peuvent, après avoir indemnisé la victime, exercer une action subrogatoire contre l'EFS venu aux droits et obligations des établissements de transfusion sanguine à la condition que l'établissement de transfusion sanguine ait été assuré et que sa couverture d'assurance ne soit pas épuisée ou venue à expiration ; que l'ensemble de ces dispositions est entré en vigueur le 1er juin 2010 ;
4. Considérant, en troisième lieu, que le IV de l'article 67 de la loi du 17 décembre 2008 prévoit que l'ONIAM est substitué à l'EFS dans les contentieux en cours à la date d'entrée en vigueur de cette loi, portant sur les préjudices mentionnés à l'article L. 1221-14 du code de la santé publique et n'ayant pas donné lieu à une décision irrévocable ; que le II de l'article 72 de la loi du 17 décembre 2012 a inséré à la suite de ces dispositions un dernier alinéa aux termes duquel : " Les tiers payeurs ne peuvent exercer d'action subrogatoire contre l'office si l'établissement de transfusion sanguine n'est pas assuré, si sa couverture d'assurance est épuisée ou encore dans le cas où le délai de validité de sa couverture est expiré " ; que l'ensemble de ces dispositions est applicable aux actions juridictionnelles en cours à la date du 1er juin 2010 ;
5. Considérant qu'il résulte de la combinaison des dispositions rappelées aux points 3 et 4 que, s'agissant des litiges en cours au 1er juin 2010, l'ONIAM est substitué en toute hypothèse à l'EFS à l'égard tant des victimes que des tiers payeurs, ces derniers ne pouvant toutefois engager une action subrogatoire à l'égard de l'office que si l'établissement de transfusion sanguine à l'origine du dommage était assuré et que sa couverture d'assurance n'est pas épuisée ou venue à expiration ; que, s'agissant des litiges engagés après le 1er juin 2010, d'une part, l'ONIAM est tenu d'indemniser la victime au titre de la solidarité nationale, d'autre part, l'office et les tiers payeurs peuvent engager une action subrogatoire contre l'EFS, après avoir indemnisé la victime, à la condition que l'établissement de transfusion sanguine à l'origine du dommage ait été assuré et que sa couverture d'assurance ne soit pas épuisée ou venue à expiration ;
6. Considérant, par ailleurs, qu'il résulte des travaux parlementaires de la loi du 17 décembre 2012 que, lorsque le législateur a subordonné les recours subrogatoires des " tiers payeurs " dirigés contre l'EFS, en application de l'article L. 1221-14 du code de la santé publique, ou contre l'ONIAM, en application du IV de l'article 67 de la loi du 17 décembre 2008, à la condition que la couverture d'assurance d'un établissement de transfusion sanguine puisse être mise en jeu, il n'a entendu viser que les seuls " tiers payeurs " débiteurs des prestations énumérées à l'article 29 de la loi du 5 juillet 1985 visée ci-dessus ; que le recours subrogatoire exercé en application de l'article L. 121-12 du code des assurances contre l'ONIAM ou l'EFS par un assureur de responsabilité civile, lorsque celui-ci est subrogé à la fois dans les droits de la victime et dans ceux d'un tiers payeur, n'est, en conséquence, subordonné à une telle condition qu'en tant qu'il vise au remboursement des sommes versées au tiers payeur mais non en tant qu'il vise au remboursement des sommes versées à la victime ;
7. Considérant que l'arrêt attaqué constate qu'il ne résulte pas de l'instruction que le centre départemental de transfusion sanguine du Gard, qui avait fourni les produits sanguins à l'origine de la contamination de MmeA..., ait été, à l'époque, assuré pour des sinistres relatifs à des contaminations transfusionnelles par le VHC ; que l'arrêt en déduit que l'ONIAM n'est pas substitué dans les obligations de l'EFS et condamne ce dernier à indemniser la MACSF ; qu'en se prononçant ainsi, alors qu'eu égard à la date d'engagement du litige, antérieure au 1er juin 2010, seul l'ONIAM pouvait être regardé comme débiteur d'une éventuelle indemnité, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit ; qu'au surplus, il résulte de ce qui a été dit au point 6 que l'absence de couverture d'assurance du centre de transfusion sanguine du Gard faisait obstacle au succès de l'action entreprise par la MACSF en tant qu'elle se prévalait d'une subrogation dans les droits de la caisse primaire d'assurance maladie de Vaucluse mais non en tant qu'elle se prévalait d'une subrogation dans les droits de Mme A...; qu'il y a lieu, par suite, d'annuler l'arrêt attaqué ;
Sur le pourvoi provoqué de la MACSF :
8. Considérant que l'annulation, sur le pourvoi principal, de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon prive d'objet le pourvoi provoqué de la MACSF, qui conteste ce même arrêt en tant qu'il rejette ses conclusions dirigées contre l'ONIAM ; qu'il n'y a, dès lors, pas lieu de statuer sur ce pourvoi provoqué ;
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'EFS, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la MACSF et de l'ONIAM les sommes demandées respectivement par l'EFS et par la MACSF au titre des mêmes dispositions ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt du 22 octobre 2015 de la cour administrative d'appel de Lyon est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée devant la cour administrative d'appel de Lyon.
Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur le pourvoi provoqué de la MACSF.
Article 4 : Les conclusions présentées par l'EFS, par l'ONIAM et par la MACSF au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à l'Etablissement français du sang, à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et à la Mutuelle d'assurance du corps de santé français.