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07/07/2016 | FRANCE | N°15VE00368

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 2ème chambre, 07 juillet 2016, 15VE00368


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SCI Kara II, M. G...E...et M. F...B...ont demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 29 avril 2014 du préfet de la

Seine-Saint-Denis déclarant d'utilité publique la cessibilité, la prise de possession et la démolition de l'immeuble situé 2 rue Aubert et 11 rue Gabriel Péri à Saint-Denis.

Par un jugement nos 1406025, 1406026, 1406027 du 29 décembre 2014, le Tribunal administratif de Montreuil a annulé l'arrêté du 29 avril 2014.

Procédure devant la Co

ur :

I. Par une requête enregistrée sous le n° 15VE00368 le 30 janvier 2015, la société de requ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SCI Kara II, M. G...E...et M. F...B...ont demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 29 avril 2014 du préfet de la

Seine-Saint-Denis déclarant d'utilité publique la cessibilité, la prise de possession et la démolition de l'immeuble situé 2 rue Aubert et 11 rue Gabriel Péri à Saint-Denis.

Par un jugement nos 1406025, 1406026, 1406027 du 29 décembre 2014, le Tribunal administratif de Montreuil a annulé l'arrêté du 29 avril 2014.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête enregistrée sous le n° 15VE00368 le 30 janvier 2015, la société de requalification des quartiers anciens (SOREQA), représentée par Me Marconnet, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° de rejeter les demandes de la SCI Kara II, M. E...et M. B...;

3° de mettre à la charge de la SCI Kara II, M. E...et M. B...le versement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La SOREQA soutient que :

- la requête d'appel et sa demande en intervention en qualité de bénéficiaire de la déclaration d'utilité publique et de l'ordonnance d'expropriation sont recevables ;

- le motif d'annulation du jugement est erroné dès lors qu'il est démontré que le coût des travaux de levée d'insalubrité sur lequel s'était fondé le CODERST est supérieur de

541 390 euros au coût d'une construction neuve.

.........................................................................................................

II. Par un recours, enregistré sous le n° 15VE00673 le 27 février 2015,

le ministre de l'intérieur demande à la Cour d'annuler le jugement nos 1406025, 1406026, 1406027 du 29 décembre 2014.

Le ministre soutient que :

- l'administration a justifié que l'insalubrité de l'immeuble répondant aux exigences de l'article L. 1331-26 du code de la santé publique doit être regardée comme irrémédiable ; les demandeurs n'ont pas avancé d'éléments nécessaires à remettre en cause cette appréciation ou à justifier qu'ils auraient été en capacité de réaliser lesdits travaux ;

- les autres moyens d'annulation doivent être écartés par renvoi aux écritures du préfet de la Seine-Saint-Denis.

.........................................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- la loi n° 70-612 du 10 juillet 1970 tendant à faciliter la suppression de l'habitat insalubre ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Geffroy,

- les conclusions de Mme Lepetit-Collin, rapporteur public,

- et les observations de MeD... pour la SCI Kara, M.E... et M.B... ;

Sur la jonction :

1. Considérant que les requêtes nos 15VE00368 et 15VE00673 présentent à juger les mêmes questions et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour y statuer par un même arrêt ;

Sur les fins de non-recevoir opposées par la SCI Kara II, M. E...et M. B...à la requête n° 15VE00368 :

2. Considérant que par le jugement en date du 29 décembre 2014, le Tribunal administratif de Montreuil a annulé, à la demande de la SCI Kara II, de M. E...et de M. B..., l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 29 avril 2014 déclarant d'utilité publique au profit de la société de requalification des quartiers anciens (SOREQA), la cessibilité, la prise de possession et la démolition de l'immeuble situé 2 rue Aubert et 11 rue Gabriel Péri à Saint-Denis ; qu'il ressort des termes mêmes de ce jugement que la SOREQA n'a pas été appelée en la cause en qualité de bénéficiaire de la déclaration d'utilité publique et n'a pas produit d'observations ; qu'elle n'avait ainsi pas qualité de partie en première instance et, par suite, n'a pas qualité pour interjeter appel de ce jugement ; que la requête n° 15VE00368 doit en conséquence, sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre fin de non-recevoir, être rejetée comme irrecevable ;

Sur la recevabilité de l'intervention volontaire de la SOREQA dans la requête n° 15VE00673 :

3. Considérant que si le Tribunal administratif de Montreuil n'a pas appelé dans l'instance la SOREQA en sa qualité de bénéficiaire de l'arrêté du 29 avril 2014, une tierce-opposition contre le jugement rendu par le tribunal administratif formée après qu'une partie, en l'espèce le ministre de l'intérieur, a frappé ce jugement d'appel serait irrecevable ; que, par suite, la SOREQA qui aurait eu qualité pour former tierce-opposition est dans ce cas recevable à intervenir dans la procédure d'appel contre le jugement qui a préjudicié à ses droits ; que la SOREQA ainsi recevable à intervenir dans la procédure d'appel acquiert la qualité de partie dans cette instance ;

Sur la recevabilité de l'intervention volontaire de M. A...et M. C... au soutien de la SCI Kara II, M. E...et M. B...:

4. Considérant qu'est recevable à former une intervention toute personne qui justifie d'un intérêt suffisant eu égard à la nature et à l'objet du litige ; qu'en l'espèce, M. A...et M. C... justifient, en leur qualité de propriétaire du lot 13 de l'immeuble faisant l'objet de la déclaration d'utilité publique, d'un intérêt de nature à les rendre recevables à intervenir devant la cour à l'appui de la défense présentée par la SCI Kara II, M. E...et M. B...dans la requête n° 15VE00673 ; que, par suite, leur intervention doit être admise ;

Sur la légalité de l'arrêté du 29 avril 2014 :

5. Considérant que l'ensemble formé par un arrêté déclarant un immeuble insalubre à titre irrémédiable et l'arrêté préfectoral déclarant d'utilité publique le projet d'acquisition de cet immeuble et prononçant sa cessibilité constitue une opération complexe ; que la SCI Kara II, M. E... et M.B..., en leur qualité de propriétaires de lots de l'immeuble en cause, étaient ainsi recevables à exciper de l'illégalité de l'arrêté portant déclaration d'insalubrité à titre irrémédiable en date du 9 août 2013 à l'appui de leur recours pour excès de pouvoir dirigé contre l'arrêté du 29 avril 2014 déclarant d'utilité publique l'acquisition de l'immeuble et prononçant sa cessibilité ; que, toutefois, saisi d'un recours pour excès de pouvoir contre l'arrêté du

29 avril 2014 portant déclaration d'utilité publique de l'acquisition de l'immeuble, il incombe au juge de déterminer si cette mesure était légalement justifiée par la situation de fait existant à la date à laquelle il a été pris ;

6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1331-26 du code de la santé publique : " Lorsqu'un immeuble, bâti ou non, vacant ou non, attenant ou non à la voie publique, un groupe d'immeubles, un îlot ou un groupe d'îlots constitue, soit par lui-même, soit par les conditions dans lesquelles il est occupé ou exploité, un danger pour la santé des occupants ou des voisins, le représentant de l'Etat dans le département, saisi d'un rapport motivé du directeur général de l'agence régionale de santé ou, par application du troisième alinéa de l'article L. 1422-1, du directeur du service communal d'hygiène et de santé concluant à l'insalubrité de l'immeuble concerné, invite la commission départementale compétente en matière d'environnement, de risques sanitaires et technologiques à donner son avis dans le délai de deux mois : 1° Sur la réalité et les causes de l'insalubrité ; / 2° Sur les mesures propres à y remédier. / L'insalubrité d'un bâtiment doit être qualifiée d'irrémédiable lorsqu'il n'existe aucun moyen technique d'y mettre fin, ou lorsque les travaux nécessaires à sa résorption seraient plus coûteux que la reconstruction. (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 1331-28 du même code : " I.-Lorsque la commission ou le haut conseil conclut à l'impossibilité de remédier à l'insalubrité, le représentant de l'Etat dans le département déclare l'immeuble insalubre à titre irrémédiable, prononce l'interdiction définitive d'habiter et, le cas échéant, d'utiliser les lieux et précise, sur avis de la commission, la date d'effet de cette interdiction, qui ne peut être fixée au-delà d'un an. Il peut également ordonner la démolition de l'immeuble. (...) " ;

7. Considérant que pour contester le motif d'annulation du jugement attaqué tiré de ce que l'arrêté préfectoral en date du 9 août 2013 déclarant l'immeuble en cause insalubre à titre irrémédiable ne comportait pas les précisions exigées par l'article L. 1331-26 du code de la santé publique, le ministre de l'intérieur et la SOREQA produisent pour la première fois en appel un document et son annexe datés du 28 avril 2013 rédigés par un architecte à destination de la direction de la santé de la commune de Saint-Denis, intitulé " étude sommaire de comparaison des coûts de sortie d'insalubrité avec les coûts de reconstruction à l'identique de l'immeuble 11 rue Gabriel Péri / 2 rue Aubert Saint-Denis " ; qu'ils soutiennent que le différentiel entre le coût d'une reconstruction à l'identique estimé à 2 239 400 euros hors taxe et celui d'une sortie d'insalubrité supérieur pour un montant de 541 390 euros, justifierait en appel du caractère irrémédiable de l'insalubrité ;

8. Considérant, toutefois, ainsi que l'a rappelé le Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 2010-26 QPC du 17 septembre 2010, que la procédure d'expropriation des immeubles à usage d'habitation déclarés insalubres à titre irrémédiable ne peut être mise en oeuvre que lorsque la commission départementale compétente en matière d'environnement et de risques sanitaires et technologiques (CODERST) a conclu au caractère irrémédiable de l'insalubrité de l'immeuble, une telle qualification étant " strictement limitée " par l'article L. 1331-26 du code de la santé publique précité ; qu'en l'espèce, la formation spécialisée du CODERST réunie le 4 juillet 2013 pour émettre un avis, après avoir décrit les 29 logements et les 3 locaux commerciaux des bâtiments A et B et les désordres constatés dans leurs parties communes et privatives et avoir entendu les propriétaires comparants, s'est bornée à indiquer qu'" il est impossible de remédier à l'insalubrité de ces bâtiments, compte tenu de 1'importance des désordres affectant ces bâtiments, de la nature et de l'ampleur des travaux nécessaires à la résorption de l'insalubrité, dont 1'évaluation est égale ou supérieure au coût de reconstruction de chaque bâtiment ", sans se prononcer expressément ni sur les mesures propres à remédier à l'insalubrité, ni même sur une estimation et une comparaison des coûts alors qu'il ne ressort pas davantage des termes du procès-verbal que l'étude sommaire de comparaison des coûts de sortie d'insalubrité produite en appel aurait été soumise au CODERST lors de la lecture du rapport du service communal d'hygiène et de santé de la commune de Saint-Denis ; que l'avis ainsi émis est irrégulier, faute de comporter les indications exigées par les dispositions précitées de l'article L. 1331-26 du code de la santé publique ; que cette irrégularité de l'avis du CODERST sur les mesures propres à remédier à l'insalubrité et sur leur coût a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de l'arrêté portant déclaration d'insalubrité à titre irrémédiable du 9 août 2013 prise par l'autorité préfectorale ; que, par suite, la déclaration d'utilité publique du 29 avril 2014, en l'absence de tout changement dans la situation de fait et de droit, n'était pas légalement justifiée ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre de l'intérieur et la SOREQA ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a annulé l'arrêté du 29 avril 2014 du préfet de la Seine-Saint-Denis déclarant d'utilité publique l'acquisition de l'immeuble et prononçant sa cessibilité ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ;

11. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de la SCI Kara II, M. E...et M.B..., qui ne sont pas les parties perdantes dans les présentes instances, le versement à la SOREQA des sommes qu'elle demande au titre des frais qu'elle a exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'Etat et de la SOREQA, chacun, le versement d'une somme de 800 euros à respectivement la SCI Kara II, M. E... et M. B... ;

DECIDE :

Article 1er : Les interventions de la SOREQA, de M. A...et de M. C... sont admises dans la requête n° 15VE00673.

Article 2 : Les requêtes nos 15VE00368 et 15VE00673 sont rejetées.

Article 3 : L'État et la SOREQA verseront chacun à la SCI Kara II la somme de 800 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : L'État et la SOREQA verseront chacun à M. E...la somme de 800 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : L'État et la SOREQA verseront chacun à M. B... la somme de 800 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Nos 15VE00368...


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 15VE00368
Date de la décision : 07/07/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Police - Polices spéciales.

Procédure - Voies de recours - Appel - Recevabilité - Qualité pour faire appel.

Santé publique - Protection générale de la santé publique - Police et réglementation sanitaire - Salubrité des immeubles.


Composition du Tribunal
Président : M. BRUMEAUX
Rapporteur ?: Mme Brigitte GEFFROY
Rapporteur public ?: Mme LEPETIT-COLLIN
Avocat(s) : SELARL MARCONNET-JODEAU ; SELARL MARCONNET-JODEAU ; YACOUB

Origine de la décision
Date de l'import : 19/07/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2016-07-07;15ve00368 ?
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