Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 13 mars et 13 juillet 1995 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Marie Louise Rose X..., demeurant ..., et pour le COMITE DE PROPOSITIONS POUR L'A.75, dont le siège est à la mairie d'Agnessac, représenté par son président en exercice ; Mme X... et le COMITE DE PROPOSITIONS POUR L'A.75 demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le décret du 10 janvier 1995 déclarant d'utilité publique les travaux de construction des sections de l'autoroute A. 75 comprises entre Engayresque et Lasparet (mises aux normes autoroutières du P.R. 23,520 au P.R. 26,580), entre Lasparet et La Cavalerie Sud (du P.R. 25580 au P.R. 66820) y compris les voies de raccordement à Saint-Germain (R.D. 911), à la Côte rouge (R.D. 999) à La Cavalerie (R.N. 9), de l'échangeur d'Engayresque, des aires de repos, de la section de route à créer pour assurer la continuité de l'itinéraire de substitution d'Engayresque à Lasparet ainsi que des mesures d'accompagnement sur cet itinéraire à Agnessac et à Millau, classant dans la catégorie des autoroutes l'ensemble de la voie comprise entre l'échangeur d'Engayresque et La Cavalerie Sud (du P.R. 22,700 au P.R. 66820) dans le département de l'Aveyron et portant mise en compatibilité des plans d'occupation des sols des communes d'Agnessac, Millau, Creissels et Saint-Georges de Luzençon ;
2°) de condamner l'Etat à leur verser la somme de 20 000 F au titre des frais irrépétibles ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;
Vu la directive du Conseil n° 79-409 du 2 avril 1979 ;
Vu la loi du 10 juillet 1976 ;
Vu la loi du 30 décembre 1982 ;
Vu le décret du 12 octobre 1977 modifié par le décret du 25 février 1993 ;
Vu le décret du 17 juillet 1984 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Martin Laprade, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de Mme X... et du COMITE DE PROPOSITIONS POUR L'A 75,
- les conclusions de M. Hubert, Commissaire du gouvernement ;
Sur la légalité externe du décret attaqué :
En ce qui concerne la méconnaissance de l'article R. 11-14-7 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique :
Considérant qu'aux termes des premier et deuxième alinéas dudit article : "Un avis portant les indications mentionnées à l'article R. 11-14-5 à la connaissance du public est, par les soins du commissaire de la République, publié, en caractères apparents, dans deux journaux régionaux ou locaux diffusés dans le ou les départements concernés, au moins quinze jours avant le début de l'enquête et rappelé de même dans les huit premiers jours de celle-ci. Pour les opérations d'importance nationale, ledit avis est, en outre, publié dans deux journaux à diffusion nationale quinze jours au moins avant le début de l'enquête." ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'avis mentionné dans les dispositions susreproduites, et qui se rapportait à l'enquête publique qui a eu lieu du 15 novembre au 22 décembre 1993 a été publié dans deux journaux locaux les 26 et 28 octobre 1993, puis les 16 et 18 novembre 1993, conformément auxdites dispositions ; qu'en outre, la même publication a eu lieu les 28 et 29 octobre 1993 dans deux quotidiens nationaux ; qu'ainsi le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées manque en fait ;
En ce qui concerne la méconnaissance des dispositions de l'article R. 11-14-14 du même code :
Considérant qu'aux termes du quatrième alinéa de cet article : "Le commissaire enquêteur ou le président de la commission d'enquête transmet, dans le délai d'un mois à compter de la date de clôture de l'enquête, le dossier avec les conclusions, soit au préfet si l'enquête a pour siège la préfecture, soit au sous-préfet dans les autres cas. Le dossier est alors transmis, le cas échéant, par le sous-préfet au préfet avec son avis." ; qu'il ressort des pièces du dossier que le sous-préfet de Millau a bien transmis au préfet de l'Aveyron ledit rapport d'enquête ainsi que les conclusions, avec son avis ; qu'ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées manque en fait ;
En ce qui concerne les irrégularités qui auraient affecté le déroulement de l'enquête dans la commune de Creissels :
Considérant que si Mme X... affirme n'avoir eu accès, à la mairie de Creissels, qu'à une notice explicative et à un plan général des travaux et avoir été, du fait de l'absence d'étude d'impact, dans l'impossibilité d'apprécier les conséquences des travaux projetés, notamment en ce qui concerne sa propriété, et produit trois attestations d'habitants de ladite commune, il ressort de l'ensemble des circonstances de l'espèce et notamment de ce qu'aucune observation n'a été formulée ou portée sur le registre pendant le déroulement de l'enquête dans ladite commune que l'irrégularité invoquée ne peut être regardée comme étant établie ;
En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 11-3 du même code :
Considérant qu'aux termes de ces dispositions, dans les cas visés au I, II et III dudit article, "la notice explicative indique l'objet de l'opération et les raisons pour lesquelles, notamment du point de vue de l'insertion dans l'environnement, parmi les partis envisagés, le projet soumis à l'enquête a été retenu" ; qu'il ressort des pièces du dossier que les documents figurant dans le dossier soumis à l'enquête, et notamment, outre ladite notice explicative, l'étude d'impact et l'évaluation économique et sociale, contenaient des informations suffisantes pour justifier le choix de l'un des partis envisagés, notamment du point de vue de l'insertion dans l'environnement ; qu'ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées doit être écarté ;
En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 11-3-I-4° dudit code :
Considérant qu'aux termes de ces dispositions, lorsque la déclaration d'utilité publique est demandée en vue de la réalisation de travaux ou d'ouvrages le dossier soumis à l'enquête comprend obligatoirement "les caractéristiques principales des ouvrages les plus importants" ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que les trois aires de repos, dont l'emplacement approximatif est indiqué au plan général des travaux, mentionnées par les requérants aient fait partie des ouvrages les plus importants au sens des dispositions précitées, nécessitant que soit précisément indiqués dans le dossier leur superficie exacte et leur contenu ; que la circonstance que leurs caractéristiques principales n'aient pas été mentionnées ne saurait, par suite, entacher la régularité du dossier d'enquête ;
En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 11-3-I-5° du même code :
Considérant qu'aux termes de ces dispositions, lorsque la déclaration d'utilité publique est demandée en vue de la réalisation de travaux ou d'ouvrages le dossier soumis àl'enquête comprend obligatoirement "l'appréciation sommaire des dépenses" ; que le dossier d'enquête doit mettre le public en mesure de connaître le coût réel de l'opération tel qu'il peut raisonnablement être apprécié à la date de l'enquête ; que si les requérants soutiennent que le coût des acquisitions foncières et celui des travaux, en ce qui concerne la section EngayresqueLasparet, l'échangeur d'Engayresque et le futur viaduc auraient été sous-évalués et que, en ce qui concerne ce dernier ouvrage, l'estimation initiale des dépenses serait déjà dépassée, il ne ressort pas des pièces du dossier que le coût réel de l'opération tel qu'il pouvait être apprécié à la date de l'enquête ait fait en l'espèce l'objet d'une sous-évaluation ;
En ce qui concerne la méconnaissance des dispositions de l'article 2-2° du décret du 12 octobre 1977 pris pour l'application de l'article 2 de la loi du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature :
Considérant qu'aux termes dudit article, l'étude d'impact présente : "Une analyse des effets directs et indirects, temporaires et permanents du projet sur l'environnement, et en particulier sur la faune et la flore, les sites et paysages, le sol, l'eau, l'air, le climat, les milieux naturels et les équilibres biologiques, sur la protection des biens et du patrimoine culturel et, le cas échéant, sur la commodité du voisinage (bruits, vibrations, odeurs, émissions lumineuses) ou sur l'hygiène, la sécurité et la salubrité publique." ; qu'il ressort des pièces du dossier que le dossier soumis à l'enquête publique comprenait une étude d'impact qui comportait, outre une analyse de l'état initial du site et de son environnement, un exposé suffisamment précis des conséquences du projet sur la faune, la flore, l'air, l'eau et le patrimoine culturel, et des mesures envisagées pour réduire ou supprimer lesdites conséquences, ou y remédier ; que, par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le décret attaqué méconnaîtrait les dispositions de l'article 2 du décret du 12 octobre 1977 ;
En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 4 du décret du 17 juillet 1984 pris pour l'application de la loi du 30 décembre 1982 d'orientation des transports intérieurs :
Considérant qu'aux termes dudit article 4 : "- L'évaluation des grands projets d'infrastructures comporte :
. 1° Une analyse des conditions et des coûts de construction, d'entretien, d'exploitation et de renouvellement de l'infrastructure projetée ;
. 2° Une analyse des conditions de financement et, chaque fois que cela est possible, une estimation du taux de rentabilité financière ;
. 3° Les motifs pour lesquels, parmi les partis envisagés par le maître d'ouvrage, le projet présenté a été retenu ;
. 4° Une analyse des incidences de ce choix sur les équipements de transports existants ou en cours de réalisation, ainsi que sur leurs conditions d'exploitation, et un exposé sur sa compatibilité avec les schémas directeurs d'infrastructures applicables ;
. 5° Le cas échéant, l'avis prévu à l'article 18.
L'évaluation des grands projets d'infrastructures comporte également une analyse des différentes données de nature à permettre de dégager un bilan prévisionnel tant des avantages et inconvénients entraînés, directement ou non, par la mise en service de ces infrastructures dans les zones intéressées que des avantages et inconvénients résultant de leur utilisation par les usagers. Ce bilan comporte l'estimation d'un taux de rentabilité pour la collectivité calculée selon les usages des travaux de planification. Il tient compte des prévisions à court et à long terme qui sont faites, au niveau national ou international, dans les domaines qui touchent aux transports ainsi que des éléments qui ne sont pas inclus dans le coût du transport, tels que la sécurité des personnes, l'utilisation rationnelle de l'énergie, le développement économique et l'aménagement des espaces urbain et rural. Il est établi sur la base de grandeurs physiques et monétaires ; ces grandeurs peuvent ou non faire l'objet de comptes séparés. Les diverses variantes envisagées par le maître d'ouvrage d'un projet font l'objet d'évaluations particulières selon les mêmes critères. L'évaluation indique les motifs pour lesquels le projet présenté a été retenu." ; que ces dernières dispositions n'imposent pas la réalisation d'évaluation particulières dans le cas de variantes envisagées qui ne se distinguent pas de manière significative au regard des finalités de cet article 4 ;
Considérant que si les requérants soutiennent que le dernier alinéa de cet article aurait été méconnu, au motif que seules deux des variantes du tracé médian envisagées pour le franchissement du Tarn ont fait l'objet de telles "évaluations particulières", il ne ressort pas des pièces du dossier que l'une des onze autres variantes mentionnées par les requérants se soient distinguées des autres de manière significative au point de justifier une évaluation distincte ; que les autres dispositions de cet article n'ont pas été méconnues par l'évaluation économique et sociale figurant dans le dossier soumis à l'enquête ;
Sur la légalité interne du décret attaqué :
En ce qui concerne la méconnaissance de la directive du Conseil n° 79-409 relative à la conservation des oiseaux sauvages et à la préservation de la diversité et de la superficie de leur habitat naturel :
Considérant que le décret attaqué en date du 10 janvier 1995 a pour objet de déclarer d'utilité publique divers travaux et de classer dans la catégorie des autoroutes l'ensemble de la voie comprise entre les points mentionnés et de porter mise en compatibilité des plans d'occupation des sols de plusieurs communes ; que les requérants se bornent à contester la légalité des dispositions dudit décret qui portent déclaration d'utilité publique, lesquelles ne constituent pas un acte réglementaire ; que, par suite, ils ne peuvent utilement soutenir que le décret attaqué méconnaîtrait les dispositions de la directive susmentionnée ;
En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance de la loi du 31 décembre 1913 sur les monuments historiques :
Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 13 bis de la loi du 31 décembre 1913 : "- Lorsqu'un immeuble est situé dans le champ de visibilité d'un édifice classé ou inscrit, il ne peut faire l'objet, tant de la part des propriétaires privés que des collectivités et établissements publics, d'aucune construction nouvelle, d'aucune démolition, d'aucun déboisement, d'aucune transformation ou modification de nature à en affecter l'aspect, sans une autorisation préalable." ; que l'autorisation mentionnée dans cette dernière disposition n'a pas à être obtenue avant l'acte déclaratif d'utilité publique ; qu'ainsi, et nonobstant l'inscription d'un immeuble appartenant à Mme X... sur l'inventaire des monuments historiques par un arrêté du préfet de l'Aveyron du 7 avril 1994 les requérants ne sont pas fondés à invoquer la méconnaissance des dispositions précitées ;
En ce qui concerne le moyen relatif à la méconnaissance des articles 1er et 14 de la loi précitée du 30 décembre 1982 :
Considérant qu'aux termes de la première phrase de l'article 1er de cette loi : "- Le système de transports intérieurs doit satisfaire les besoins des usagers dans les conditionséconomiques et sociales les plus avantageuses pour la collectivité." ; qu'aux termes de la première phrase de son article 14 : "- Les choix relatifs aux infrastructures, équipements et matériels de transport et donnant lieu à financement public, en totalité ou partiellement, sont fondés sur l'efficacité économique et sociale de l'opération." ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'eu égard à ces dispositions les auteurs du décret attaqué aient commis une erreur manifeste d'appréciation en déclarant d'utilité publique la construction du viaduc susmentionné ; que si les requérants soutiennent qu'un autre tracé aurait présenté moins d'inconvénients, il n'appartient pas au Conseil d'Etat statuant au contentieux de procéder à une telle comparaison ;
En ce qui concerne l'utilité publique du projet :
Considérant qu'une opération ne peut légalement être déclarée d'utilité publique que si les atteintes à la propriété privée, le coût financier et, éventuellement, les inconvénients d'ordre social ou l'atteinte à d'autres intérêts publics qu'elle comporte, ne sont pas excessifs eu égard à l'intérêt qu'elle présente ; qu'il ressort des pièces du dossier que le projet a pour but d'assurer la liaison entre Clermont-Ferrand et l'autoroute A9, de répartir le trafic de transit sur la nouvelle voie en libérant la route nationale n° 9 au profit du trafic local ; que sa réalisation présente ainsi un caractère d'utilité publique ; qu'eu égard tant à l'importance de l'opération qu'aux précautions prises, ni les inconvénients de toute nature du projet, ni son coût financier ne peuvent être regardés comme excessifs par rapport à l'intérêt que l'opération présente ; que, dès lors, ces inconvénients ne sont pas de nature à lui retirer son caractère d'utilité publique ;
Sur les conclusions des requérants tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer aux requérants la somme qu'ils demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La requête de Mme X... et du COMITE DE PROPOSITIONS POUR L'A.75 est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme X..., au COMITE DE PROPOSITIONS POUR L'A.75 et au ministre de l'équipement, des transports et du logement.