Vu l'ordonnance n° 313112 en date du 25 février 2008, enregistrée le 17 mars 2008 sous le n° 08NC00412, par laquelle le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis à la Cour administrative d'appel de Nancy le recours présenté par le MINISTRE DE LA DEFENSE ;
Vu le recours du MINISTRE DE LA DEFENSE, enregistré le 11 février 2008 ; le MINISTRE DE LA DEFENSE demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0405497 du 7 décembre 2007 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg, d'une part, a annulé sa décision en date du 14 octobre 2004 confirmant la décision du directeur des services des rémunérations et pensions du commissariat de l'air en date du 22 avril 2004 refusant à M. X l'attribution de l'indemnité de départ prévue par le décret n° 91-606 du 27 juin 1991, d'autre part, l'a condamné à verser à l'intéressé la somme de 32 601,60 € correspondant à ladite indemnité, assortie des intérêts au taux légal à compter du 21 décembre 2004 et de la capitalisation des intérêts ;
2°) de rejeter la demande de M. X devant le Tribunal administratif de Strasbourg ;
Il soutient que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que l'administration avait répondu tardivement à la demande de l'intéressé et ne pouvait pas appliquer la réglementation nouvelle au contrat en cours de M. X ;
Vu le jugement et la décision attaqués ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 29 mai 2008, présenté pour M. Johann X par Me Adam ; M. X demande à la Cour :
- à titre principal, de rejeter le recours du MINISTRE DE LA DEFENSE ;
- de condamner l'Etat à lui verser une somme de 4 000 € au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
- subsidiairement, en cas d'annulation du jugement, de réparer l'entier préjudice découlant de la notification tardive de la décision de versement de l'indemnité et de condamner l'Etat à lui verser la somme de 32 601,60 € à titre de dommages et intérêts ;
Il fait valoir que :
- la décision en litige est intervenue tardivement, de sorte que l'administration a fait une application rétroactive du décret du 19 septembre 2003, et a privé d'effet utile la phase transitoire de trois mois aménagée par ledit décret pour lui permettre de statuer sur les dernières demandes ; l'application qui lui a été faite du décret n° 2003-917 porte ainsi atteinte au principe de sécurité juridique ;
- l'administration a manqué à ses obligations en omettant de l'informer en temps utile de la décision de refus qu'elle envisageait de prendre à son encontre, ce qui l'a privé de la possibilité de prolonger son engagement dans l'armée ;
Vu les mémoires complémentaires, enregistrés les 23 octobre 2008 et 29 janvier 2009, présentés par le MINISTRE DE LA DEFENSE, qui conclut aux mêmes fins que son recours, par les mêmes moyens ; le MINISTRE DE LA DEFENSE soutient en outre qu'il n'a pas méconnu le principe de sécurité juridique ;
Vu le mémoire complémentaire en défense, enregistré le 26 novembre 2008, présenté pour M. X, qui conclut dans le sens de ses précédentes écritures ;
Il fait valoir en outre que l'administration a apprécié son droit à indemnité dès le 2 septembre 2003, sans attendre sa radiation des cadres ;
Vu l'ordonnance du président de la 3ème chambre de la Cour fixant la clôture de l'instruction au 14 mai 2009 à 16 heures ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le décret n° 91-606 du 27 juin 1991, relatif à l'indemnité de départ allouée à certains militaires non officiers, modifié notamment par décret n° 2003-917 du 19 septembre 2003 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 septembre 2009 :
- le rapport de M. Favret, premier conseiller,
- les conclusions de M. Collier, rapporteur public,
- et les observations de Me Adam, avocat de M. X ;
Considérant qu'aux termes de l'article 1er du décret susvisé du 27 juin 1991 : Une indemnité de départ est attribuée aux sous-officiers, officiers mariniers, caporaux-chefs et quartiers-maîtres de 1re classe engagés, en position d'activité, qui ayant au moins huit ans et au plus onze ans révolus de services militaires sont rayés des cadres au terme de leur contrat(...) que ces dispositions ont été complétées et modifiées par le décret susvisé du 19 septembre 2003, qui a, d'une part, subordonné l'attribution de l'indemnité de départ aux militaires concernés à la condition que l'autorité militaire ne leur ait pas proposé un nouveau contrat , d'autre part, porté à neuf ans, à compter du 1er janvier 2004, la durée minimale de services militaires à prendre en compte pour l'appréciation du droit à l'indemnité de départ ;
Considérant que l'exercice du pouvoir réglementaire implique pour son détenteur la possibilité de modifier à tout moment les normes qu'il définit sans que les personnes auxquelles sont, le cas échéant, imposées de nouvelles contraintes puissent invoquer un droit au maintien de la réglementation existante ; qu'en principe, les nouvelles normes ainsi édictées ont vocation à s'appliquer immédiatement, dans le respect des exigences attachées au principe de non-rétroactivité des actes administratifs ; qu'il incombe toutefois à l'autorité investie du pouvoir réglementaire, agissant dans les limites de sa compétence et dans le respect des règles qui s'imposent à elle, d'édicter, pour des motifs de sécurité juridique, les mesures transitoires qu'implique, s'il y a lieu, cette réglementation nouvelle ; qu'il en va ainsi lorsque l'application immédiate de celle-ci entraîne, au regard de l'objet et des effets de ses dispositions, une atteinte excessive aux intérêts publics ou privés en cause ;
Considérant que M. X, sergent de l'armée de l'air, dont la date de radiation des cadres de l'armée devait intervenir le 26 février 2004, a, sur le fondement des dispositions du décret susvisé du 27 juin 1991 alors en vigueur, présenté une demande tendant au versement de l'indemnité de départ, d'un montant de 32 601,60 euros ; que le ministre de la défense a, par décision du 22 avril 2004, rejeté cette demande au motif qu'à la date de sa radiation des cadres M. X ne remplissait pas la condition de durée minimale de neuf ans de services militaires applicable à compter du 1er janvier 2004 ;
Considérant qu'en portant la durée minimale de services nécessaire pour bénéficier de l'indemnité de départ de huit à neuf ans à compter du 1er janvier 2004, le décret susvisé du 19 septembre 2003 a privé les militaires dans la situation de M. X, qui remplissaient la condition de huit années de services à la date de publication dudit décret, mais dont le contrat expirait après le 1er janvier 2004, de la totalité de ladite indemnité et a ainsi porté une atteinte excessive à leurs intérêts privés, nonobstant la circonstance qu'il aurait été loisible aux intéressés de solliciter la prolongation de leur contrat pour remplir la condition de neuf années de services désormais requise pour pouvoir bénéficier de l'indemnité de départ ; que, par suite, le pouvoir réglementaire était tenu d'édicter des mesures transitoires au bénéfice des sous-officiers dans la situation de M. X ; qu'en se bornant à prévoir un différé d'un peu plus de trois mois de l'entrée en vigueur des nouvelles dispositions sur la durée minimale de services, qui ne permet pas de remédier à la perte totale par ces militaires de tout droit à une indemnité de départ, le pouvoir réglementaire n'a pas pris les mesures transitoires qu'exigeait le respect du principe de sécurité juridique ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DE LA DEFENSE n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Strasbourg a annulé sa décision en date du 14 octobre 2004 confirmant la décision du directeur des services des rémunérations et pensions du commissariat de l'air en date du 22 avril 2004 refusant à M. X l'attribution de l'indemnité de départ prévue par le décret n° 91-606 du 27 juin 1991, d'autre part, l'a condamné à verser à l'intéressé la somme de 32 601,60 € correspondant à ladite indemnité, assortie des intérêts au taux légal à compter du 21 décembre 2004 et de la capitalisation des intérêts ;
Sur les conclusions au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat à verser à M. X une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : Le recours du MINISTRE DE LA DEFENSE est rejeté.
Article 2 : L'Etat est condamné à verser à M. X une somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au MINISTRE DE LA DEFENSE et à
M. Johann X.
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N°08NC00412