Vu la requête, enregistrée le 30 avril 1992 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la commune de Saint-François, représentée par son maire en exercice, et tendant à ce que le Conseil d'Etat annule le jugement du 24 janvier 1992 par lequel le tribunal administratif de Basse-Terre a annulé la décision du maire de Saint-François en date du 31 août 1989 licenciant Mme Emilie X..., agent contractuel à la cantine scolaire de la commune ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
Vu la loi n° 80-539 du 16 juillet 1980 ;
Vu la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984, modifiée notamment par la loi n° 87-529 du 13 juillet 1987 ;
Vu le décret n° 65-29 du 11 janvier 1965 ;
Vu le décret n° 88-145 du 15 février 1988 ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme de Guillenchmidt, Conseiller d'Etat,
- les observations de Me Guinard, avocat de la commune de Saint-François,
- les conclusions de M. Fratacci, Commissaire du gouvernement ;
En ce qui concerne l'appel principal de la commune de Saint-François :
Considérant que Mme X... était employée comme serveuse à la cantine scolaire de la commune de Saint-François ; que la nature de cet emploi la faisait participer à l'exécution d'un service public ; que, dès lors, la juridiction administrative est, contrairement à ce que soutient la commune, compétente pour connaître du litige né de la décision du maire de Saint-François en date du 31 août 1989 mettant fin aux fonctions de l'intéressée ;
Considérant qu'aux termes de l'article R. 104 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Les délais de recours contre une décision déférée au tribunal ne sont opposables qu'à condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision" ; que, la notification de son licenciement adressée à Mme X... ne comportant pas les mentions précitées, elle n'avait pas fait courir le délai de recours contentieux ; qu'ainsi la demande présentée par l'intéressée devant le tribunal administratif n'était pas tardive ;
Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi susvisée du 11 juillet 1979 : "les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions ... qui retirent ou abrogent une décision créatrice de droits" ; qu'aux termes au surplus de l'article 42 du décret du 15 février 1988 susvisé pris en application de l'article 136 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif aux agents non titulaires de la fonction publique territoriale : "Le licenciement est notifié à l'intéressé par lettre recommandée (...) La lettre précise le ou les motifs du licenciement (...)" ; que la décision attaquée, qui se borne à indiquer, sans autre précision, que le licenciement fait suite à la réorganisation de l'administration de la commune et qu'il est effectué dans l'intérêt du service, a méconnu les dispositions précitées ; qu'elle est, par suite, entachée d'illégalité ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la commune de Saint-François n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, letribunal administratif de Basse-Terre a annulé la décision du 31 août 1989 licenciant Mme X... ;
En ce qui concerne les conclusions présentées en appel par Mme X... :
Sur les conclusions tendant au versement d'une indemnité :
Considérant que les conclusions formulées par Mme X... et tendant à la condamnation de la commune de Saint-François au versement de différentes indemnités au titre des préjudices causés par son licenciement sont présentées pour la première fois en appel ; que, par suite, elles sont irrecevables ; que celles tendant au versement d'indemnités au titre du préjudice résultant du refus du maire d'exécuter le jugement attaqué n'ont pas été précédées d'une demande préalable à la ville, laquelle n'a pas présenté d'observations au fond sur ces conclusions ; qu'ainsi le contentieux n'est pas lié en ce qui concerne ces conclusions, qui sont, par suite et en tout état de cause, irrecevables ;
Sur les conclusions tendant à l'exécution du jugement du tribunal administratif :
Considérant qu'aux termes de l'article 6-1 de la loi du 16 juillet 1980 relative aux astreintes prononcées en matière administrative et à l'exécution des jugements par les personnes morales de droit public, "Lorsqu'il règle un litige au fond par une décision qui implique nécessairement une mesure d'exécution dans un sens déterminé, le Conseil d'Etat, saisi de conclusions en ce sens, prescrit cette mesure et peut asssortir sa décision d'une astreinte à compter d'une date qu'il détermine" ;
Considérant que sur le fondement de ces dispositions Mme X... présente des conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint sous astreinte à la commune de Saint-François de la réintégrer dans ses fonctions ; que l'exécution du jugement du tribunal administratif de Basse-Terre du 24 janvier 1992, confirmé par la présente décision du Conseil d'Etat statuant au contentieux implique nécessairement une telle mesure de réintégration ; qu'il ressort des pièces du dossier que la commune de Saint-François n'y a pas procédé ; qu'il y a lieu, par suite, de prescrire cette réintégration et, compte tenu de toutes les circonstances de l'affaire, de prononcer contre la commune, à défaut pour elle de justifier de l'exécution du jugement attaqué et de la présente décision dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision, une astreinte de 300 F par jour jusqu'à la date à laquelle le jugement précité et la présente décision auront reçu exécution ;
Sur les conclusions de Mme X... tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article 75-I de la loi susvisée du 10 juillet 1991 et de condamner la commune de Saint-François à payer à Mme X... la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La requête susvisée de la commune de Saint-François est rejetée.
Article 2 : Il est enjoint à la commune de Saint-François de réintégrer Mme X... dans ses services.
Article 3 : Une astreinte est prononcée à l'encontre de la commune de Saint-François, si elle ne justifie pas avoir, dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision, exécuté le jugement du tribunal administratif de Basse-Terre en date du 24 janvier 1992 ensemble la présente décision et jusqu'à la date de cette exécution. Le taux de cette astreinte est fixé à 300 F par jour, à compter de l'expiration du délai de deux mois suivant la notification de la présente décision.
Article 4 : La commune de Saint-François communiquera au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat copie des actes justifiant des mesures prises pour exécuter le jugement susvisé du tribunal administratif de Basse-Terre en date du 24 janvier 1992.
Article 5 : Le surplus des conclusions de Mme X... est rejeté.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à la commune de Saint-François, à Mme X... et au ministre de l'intérieur.