Vu la procédure suivante :
M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 21 octobre 2015 par laquelle le directeur de la caisse d'allocations familiales (CAF) du Rhône a confirmé qu'il était redevable d'un indu d'aide personnalisée au logement de 2 072,46 euros au titre de la période comprise entre le 1er janvier 2013 et le 28 février 2014 et de condamner la CAF du Rhône à lui verser une somme de 500 euros en réparation du préjudice subi. Par un jugement n° 1510194 du 30 mai 2017, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ainsi que les conclusions reconventionnelles de la CAF tendant à la condamnation du requérant au remboursement de l'indu.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 8 novembre 2017 et 25 janvier 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il rejette sa requête ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ;
3°) de mettre à la charge de la CAF du Rhône la somme de 3 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 30 juillet 1991.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la construction et de l'habitation ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Florian Roussel, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Cécile Barrois de Sarigny, rapporteur public.
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Delamarre, Jéhannin, avocat de M.B....
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que M. B...a perçu l'aide personnalisée au logement du 1er janvier 2013 au 28 février 2014. Le directeur de la caisse d'allocations familiales (CAF) du Rhône a procédé en 2015 à un nouveau calcul de ses droits au titre de cette période et lui a notifié un indu d'aide personnalisée au logement de 2 072,46 euros. Par une décision du 21 octobre 2015 prise après avis de la commission de recours préalable, le directeur de la CAF du Rhône a confirmé cette décision. M. B...a saisi le tribunal administratif de Lyon d'une demande tendant à l'annulation de la décision et à la condamnation de la CAF du Rhône au versement d'une somme de 500 euros en réparation de son préjudice. La caisse a présenté une demande reconventionnelle tendant à la condamnation de l'intéressé au reversement des sommes dues. Par un jugement du 30 mai 2017, le tribunal a rejeté la requête de M. B...ainsi que la demande de la caisse. M. B...se pourvoit en cassation contre ce jugement en tant qu'il rejette ses conclusions.
Sur la compétence pour défendre dans la présente instance :
2. L'article L. 351-6 du code de la construction et de l'habitation dispose que le fonds national d'aide au logement finance l'aide personnalisée au logement ainsi que les dépenses de gestion qui s'y rapportent. Il résulte de l'article L. 351-8 du même code que l'aide personnalisée au logement est " liquidée et payée pour le compte du fonds national d'aide au logement et selon ses directives par les organismes ou services désignés par décret parmi ceux qui sont chargés de gérer les prestations familiales " et que " pour l'exécution de la mission confiée à ces organismes, des conventions nationales sont conclues par l'Etat représenté par le président du fonds national d'aide au logement avec, d'une part, la caisse nationale des allocations familiales et, d'autre part, la caisse centrale de la mutualité sociale agricole ". Aux termes de l'article L. 351-14 du même code, dans sa rédaction issue de la loi du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové : " Le directeur de l'organisme payeur statue, après avis de la commission de recours amiable qui connaît des réclamations relevant de l'article L. 142-1 du code de la sécurité sociale, sur : / 1° Les demandes de remise de dettes présentées à titre gracieux par les bénéficiaires de l'aide personnalisée au logement en cas de réclamation d'un trop-perçu ; / 2° Les contestations des décisions prises par l'organisme payeur au titre de l'aide personnalisée au logement (...) ". Il résulte enfin des articles R. 351-33 et R. 351-34 du même code que le fonds national d'aide au logement est doté de l'autonomie financière, qu'il est administré par un conseil de gestion assisté d'un secrétariat placé sous l'autorité du ministre chargé de la construction et de l'habitation et qu'il est présidé par l'un des quatre représentants du ministre chargé du logement à son conseil de gestion.
3. Aux termes du premier alinéa de l'article R. 431-10 du code de justice administrative : " L'Etat est représenté en défense par le préfet ou le préfet de région lorsque le litige, quelle que soit sa nature, est né de l'activité des administrations civiles de l'Etat dans le département ou la région (...) ". Aux termes de l'article R. 432-4 du même code : " L'Etat est dispensé du ministère d'avocat au Conseil d'Etat soit en demande, soit en défense, soit en intervention. / Les recours et les mémoires, lorsqu'ils ne sont pas présentés par le ministère d'un avocat au Conseil d'Etat, doivent être signés par le ministre intéressé ou par le fonctionnaire ayant reçu délégation à cet effet ".
4. Il résulte des dispositions du code de la construction et de l'habitation citées au point 2 que les décisions par lesquelles le directeur de l'organisme payeur statue sur les recours préalables en matière d'aide personnalisée au logement sont prises pour le compte de l'Etat. Aucune disposition ne prévoit que les organismes payeurs représentent l'Etat en justice dans les litiges relatifs à ces décisions ni n'habilite le préfet ou le ministre à leur déléguer la compétence qu'ils tiennent des dispositions du code de justice administrative citées au point 3 pour représenter l'Etat, respectivement, devant le tribunal administratif et devant le Conseil d'Etat. Il suit de là, d'une part, que le préfet territorialement compétent a seul qualité pour défendre devant le tribunal administratif sur les demandes tendant à l'annulation des décisions des directeurs des organismes payeurs et, d'autre part, que le ministre chargé du logement, auquel les jugements statuant sur ces demandes doivent être notifiés, a seul qualité pour se pourvoir en cassation contre ces jugements et pour défendre devant le Conseil d'Etat saisi d'un pourvoi. Toutefois, afin de forger sa conviction et d'exercer son office de juge de pleine juridiction, le juge peut recueillir les observations de l'organisme payeur.
5. Le pourvoi de M. B...a été communiqué au ministre de la cohésion des territoires. Si, dans ses observations produites le 9 octobre 2018, celui-ci soutient que seul le directeur de la CAF du Rhône, auquel le pourvoi n'a pas été communiqué, est compétent pour défendre dans la présente instance et qu'il n'entend pas présenter d'observations sur le fond du litige, il résulte de ce qui précède que l'affaire est en état d'être jugée.
Sur le bien-fondé du pourvoi de M. B...:
6. Aux termes de l'article R. 351-5 du code de la construction et de l'habitation : " I- Les ressources prises en considération pour le calcul de l'aide personnalisée sont celles perçues par le bénéficiaire, son conjoint et les personnes vivant habituellement au foyer. (...) / Sont retenues les ressources perçues pendant l'année civile de référence. L'année civile de référence est l'avant-dernière année précédant la période de paiement prévue à l'article R. 351-4. Ces ressources sont appréciées selon les dispositions qui figurent ci-dessous et après application le cas échéant des dispositions des articles R. 351-6, R. 351-7-1, R. 351-7-2 et R. 351-10 à R. 351-14-1, sauf dans les cas prévus à l'article R. 351-7 où sont retenues les ressources évaluées forfaitairement conformément aux dispositions dudit article. / II.-Les ressources prises en considération s'entendent du total des revenus nets catégoriels retenus pour l'établissement de l'impôt sur le revenu (...). / (...) Ne sont pas déduits du décompte des ressources les déficits constatés au cours d'une année antérieure à celle qui est prise en considération et qui font l'objet d'un report, en vertu du I de l'article 156 du code général des impôts (...) ". Aux termes du I de l'article R. 351-7 du même code : " Il est procédé à une évaluation forfaitaire des ressources de la personne et de son conjoint ou concubin lorsque les conditions ci-après sont réunies : 1° D'une part, (...) soit, à l'occasion du renouvellement du droit autre que le premier, lorsqu'au cours de l'année civile de référence ni le bénéficiaire, ni son conjoint, ni son concubin n'a disposé de ressources appréciées selon les dispositions de l'article R. 351-5 ; 2° D'autre part, le bénéficiaire, son conjoint ou son concubin perçoit une rémunération. (... ) La condition relative à l'existence d'une activité professionnelle rémunérée (...) est appréciée au cours du mois civil précédant l'ouverture du droit ou du mois de novembre précédant le renouvellement du droit ".
7. Il résulte de ces dispositions que lorsqu'aucun des membres d'un ménage n'a bénéficié au cours de l'année civile de référence de ressources prises en considération pour le calcul de l'aide personnalisée au logement mais qu'il apparaît, au mois de novembre de l'année suivante, qu'un de ses membres exerce désormais une activité professionnelle rémunérée, la caisse procède à une évaluation forfaitaire des ressources pour déterminer si les conditions d'un renouvellement pour une année civile sont remplies et fixer, le cas échéant, le montant de l'aide qui sera versée à compter du 1er janvier suivant. Une activité professionnelle rémunérée au sens de ces dispositions est une activité qui permet à la personne qui l'exerce de disposer de revenus professionnels réguliers. Ne peuvent être regardés comme des revenus professionnels réguliers des revenus faibles et épisodiques.
8. Pour rejeter les conclusions de M. B...tendant à l'annulation de la décision du directeur de la CAF du Rhône lui confirmant l'existence d'un indu d'aide personnalisée au logement pour la période comprise entre le 1er janvier 2013 et le 28 février 2014, le tribunal a jugé que l'intéressé avait perçu des " revenus nuls " au cours des années 2011 et 2012 mais qu'ayant été inscrit comme travailleur indépendant au registre des métiers jusqu'au 5 février 2014, il exerçait une activité rémunérée, de sorte que la caisse était tenue de procéder à une évaluation forfaitaire de ses ressources pour le calcul de ses droits à compter du 1er janvier 2013. En statuant ainsi, alors qu'il résultait des termes mêmes des dispositions précitées du 2° de l'article R. 351-7 du code de la construction et de l'habitation que la circonstance que l'intéressé n'avait perçu aucune rémunération au titre de l'année 2012 faisait obstacle, alors même qu'il était encore inscrit comme travailleur indépendant, à ce qu'il soit procédé à l'évaluation forfaitaire de ses ressources, le tribunal a commis une erreur de droit. Par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen du pourvoi, son jugement doit être annulé en tant qu'il statue sur les conclusions de M.B....
9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, dans la mesure de la cassation prononcée.
10. Il résulte de l'instruction que M. B...n'a perçu aucun revenu au titre de l'année 2012, ainsi que cela ressort d'ailleurs de son avis d'impôt sur le revenu de l'année 2013. Dans ces conditions, il résulte de ce qui a été dit au point 7 qu'il ne pouvait être procédé à l'évaluation forfaitaire de ses ressources pour le calcul de ses droits à l'APL à compter du 1er janvier 2013. Dès lors, M. B...est fondé à demander l'annulation de la décision du 21 octobre 2015 par laquelle le directeur de la CAF du Rhône lui a confirmé le nouveau calcul du montant de son allocation à compter du 1er janvier 2013 et l'existence d'un indu d'aide personnalisée au logement de 2 072,46 euros.
11. L'annulation prononcée n'appelle aucune mesure particulière d'exécution. Par suite, les conclusions aux fins d'injonction présentées par M. B...devant le tribunal administratif de Lyon ne peuvent qu'être rejetées.
12. M.B..., dont la requête est sur ce point dépourvue de toute précision, ne justifie pas d'un préjudice en lien direct avec la décision du 21 octobre 2015. Ses conclusions indemnitaires, d'ailleurs dirigées à tort contre la CAF du Rhône alors que l'illégalité de la décision du directeur de cet organisme ne peut engager que la responsabilité de l'Etat, doivent, dès lors, être rejetées.
13. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros à M. B...en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement du 30 mai 2017 du tribunal administratif de Lyon est annulé en tant qu'il statue sur les conclusions de M.B....
Article 2 : La décision du 21 octobre 2015 du directeur de la CAF du Rhône est annulée.
Article 3 : L'Etat versera à M. B...une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de M. B...est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. A...B...et à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.
Copie en sera adressée à la caisse d'allocation familiales du Rhône et à la ministre des solidarités et de la santé.