Vu la procédure suivante :
Le syndicat CFDT Interco 67 et la Fédération Interco CFDT ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg, d'une part, d'annuler la décision du 30 janvier 2015 par laquelle le président du centre de gestion de la fonction publique territoriale du Bas-Rhin a fixé le contingent d'heures de décharge d'activité de service à 1 500 heures, ainsi que la décision du 25 mars 2015 qui a rejeté le recours gracieux du 26 février 2015 formé par le syndicat CFDT Interco 67 et, d'autre part, d'enjoindre au centre de gestion de recalculer le contingent d'heures de décharges d'activité de service et, en conséquence, les heures attribuées à chaque syndicat, en prenant en compte les effectifs de plusieurs groupements. Par un jugement n° 1502798 du 9 novembre 2017, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande.
Par un arrêt n° 18NC00072 du 11 juin 2020, la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté l'appel formé par le syndicat CFDT Interco 67 et la Fédération Interco CFDT contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 11 août et 12 novembre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le syndicat CFDT Interco 67 et la Fédération Interco CFDT demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à leur appel ;
3°) de mettre à la charge du centre de gestion de la fonction publique territoriale du Bas-Rhin la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n° 85-397 du 3 avril 1985 ;
- le décret n° 85-643 du 26 juin 1985 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Martin Guesdon, auditeur,
- les conclusions de Mme Marie-Gabrielle Merloz, rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Thouvenin, Coudray, Grevy, avocat du syndicat CFDT Interco 67 et de la Fédération Interco CFDT et à la SARL Didier-Pinet, avocat du centre de gestion de la fonction publique territoriale du Bas-Rhin ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à la suite des élections professionnelles du 4 décembre 2014, le président du centre de gestion de la fonction publique territoriale du Bas-Rhin a, par une décision du 30 janvier 2015, d'une part, fixé à 1 500 heures par mois le contingent de décharges d'activité de service et, d'autre part, réparti ce contingent entre les organisations syndicales. Par une décision du 25 mars 2015, le président du centre de gestion a rejeté le recours gracieux formé par le syndicat CFDT Interco 67 contre cette décision. Par un arrêt du 11 juin 2020, la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté l'appel formé par ce syndicat et la Fédération Interco CFDT contre le jugement du 9 novembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande tendant à l'annulation des décisions du 30 janvier et 25 mars 2015. Le syndicat CFDT Interco 67 et la Fédération Interco CFDT se pourvoient en cassation contre cet arrêt.
2. Aux termes de l'article 100-1 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " I. ' Sous réserve des nécessités du service, les collectivités et établissements accordent un crédit de temps syndical aux responsables des organisations syndicales représentatives. Celui-ci comprend deux contingents : / 1° Un contingent est utilisé sous forme d'autorisations d'absence (...) 2° Un contingent est accordé sous forme de décharges d'activité de service. Il permet aux agents publics d'exercer, pendant leurs heures de service, une activité syndicale au profit de l'organisation syndicale à laquelle ils appartiennent et qui les a désignés en accord avec la collectivité ou l'établissement (...) Les centres de gestion calculent ce contingent de décharges d'activité de service pour les collectivités et établissements obligatoirement affiliés et leur versent les charges salariales de toute nature afférentes à ces décharges d'activité de service concernant l'ensemble des agents de ces collectivités et établissements (...) ".
3. En premier lieu, aux termes de l'article 15 de la loi du 26 janvier 1984, dans sa rédaction alors en vigueur : " Sont obligatoirement affiliés aux centres de gestion les communes et leurs établissements publics qui emploient moins de trois cent cinquante fonctionnaires titulaires et stagiaires à temps complet (...) / L'affiliation est facultative pour les autres collectivités et établissements ". Aux termes de l'article 2 du décret du 26 juin 1985 relatif aux centres de gestion institués par la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relative à la fonction publique territoriale : " Sont affiliés au centre départemental de gestion : / 1° A titre obligatoire : / a) Les communes qui emploient moins de 350 fonctionnaires titulaires ou stagiaires à temps complet ; / b) Les communes qui, n'employant aucun fonctionnaire titulaire ou stagiaire à temps complet, emploient au moins un fonctionnaire à temps non complet ; / c) Les communes qui n'emploient que des agents non titulaires ; / d) Les établissements publics administratifs communaux et intercommunaux qui ont leur siège dans le département et qui répondent aux conditions définies aux a, b et c ci-dessus. / 2° A titre volontaire : / (...) d) Les établissements publics administratifs départementaux ou interdépartementaux, les syndicats mixtes groupant exclusivement des collectivités territoriales et leurs établissements publics administratifs qui ont leur siège dans le département (...) ".
4. La cour n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant qu'il résultait des dispositions du d) du 2° de l'article 2 du décret du 26 juin 1985, pris pour l'application de l'article 15 de la loi du 26 janvier 1984, que les syndicats mixtes regroupant exclusivement des collectivités territoriales et leurs établissements publics administratifs qui ont leur siège dans le département ne peuvent être affiliés au centre de gestion départemental qu'à titre facultatif, y compris lorsqu'ils sont composés exclusivement de communes et de leurs établissements publics administratifs.
5. En deuxième lieu, d'une part, aux termes de l'article 32 de la loi du 26 janvier 1984 : " Un comité technique est créé dans chaque collectivité ou établissement employant au moins cinquante agents, ainsi qu'auprès de chaque centre de gestion pour les collectivités et établissements affiliés employant moins de cinquante agents ". Le II de l'article 23 de cette même loi dispose : " II.- Les centres de gestion assurent pour leurs fonctionnaires, y compris ceux qui sont mentionnés à l'article 97, et pour l'ensemble des fonctionnaires des collectivités territoriales et établissements publics affiliés, les missions suivantes (...) / 11° Le calcul du crédit de temps syndical et le remboursement des charges salariales afférentes à l'utilisation de ce crédit dans les cas prévus au second alinéa des 1° et 2° du I de l'article 100-1 (...) ".
6. D'autre part, aux termes de l'article 12 du décret du 3 avril 1985 relatif à l'exercice du droit syndical dans la fonction publique territoriale : " Le crédit de temps syndical comprend deux contingents : / 1° Un contingent d'autorisations d'absence ; / 2° Un contingent de décharges d'activité de service ". Aux termes de l'article 13 de ce même décret : " Chacun des contingents mentionnés aux 1° et 2° de l'article 12 est réparti entre les organisations syndicales, compte tenu de leur représentativité appréciée de la manière suivante : / 1° La moitié entre les organisations syndicales représentées au comité technique ou aux comités techniques du périmètre retenu pour le calcul du contingent, en fonction du nombre de sièges qu'elles détiennent ; / 2° L'autre moitié entre toutes les organisations syndicales ayant présenté leur candidature à l'élection du comité technique ou des comités techniques du périmètre retenu pour le calcul du contingent, proportionnellement au nombre de voix qu'elles ont obtenues ". L'article 19 du même décret prévoit, d'une part, que le contingent de décharges d'activité de service mentionné au 2° de l'article 12 est calculé par chaque collectivité ou établissement non obligatoirement affilié à un centre de gestion, conformément à un barème dégressif en fonction du nombre d'électeurs inscrits sur la liste électorale du comité technique ou des comités techniques du périmètre retenu, en vertu duquel 1 500 heures par mois sont accordées lorsque le nombre d'électeurs est compris entre 5 001 et 10 000. Cet article 19 prévoit, d'autre part, pour les collectivités et établissements obligatoirement affiliés à un centre de gestion que ce contingent est calculé par le centre de gestion conformément au même barème. Cet article 19 ajoute, enfin, pour les collectivités et établissements obligatoirement affiliés, que les heures de décharge ainsi calculées sont ensuite réparties par le centre de gestion entre les organisations syndicales selon les critères définis à l'article 13 du même décret. Aux termes de l'article 20 de ce décret : " Les organisations syndicales désignent les agents bénéficiaires des décharges d'activité de service parmi leurs représentants en activité dans le périmètre du ou des comités techniques pris en compte pour le calcul du contingent concerné ".
7. Il résulte de l'ensemble des dispositions citées aux points 2, 5 et 6 qu'il appartient au centre de gestion de calculer le contingent de décharges d'activité de service pour les syndicats mixtes qui lui sont affiliés, alors même que cette affiliation n'est pas obligatoire, et dont le comité technique est placé auprès de lui.
8. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le centre de gestion du Bas-Rhin a exclu de son calcul les agents des syndicats mixtes qui étaient néanmoins inscrits sur la liste électorale du comité technique placé auprès de lui. S'il résulte de ce qui vient d'être dit, qu'il a, ce faisant, méconnu les dispositions de la loi du 26 janvier 1984 et du décret du 3 avril 1985, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que cette circonstance est, en l'espèce, dépourvue d'incidence sur le nombre d'heures devant être réparties par le centre de gestion du Bas-Rhin entre les organisations syndicales compte tenu du barème prévu à l'article 19 du décret, qui accorde 1 500 heures par mois lorsque le nombre d'électeurs pris en compte est compris entre 5 001 et 10 000. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que la cour a commis une erreur de qualification juridique des faits en jugeant que les décisions contestées ne pouvaient être regardées comme ayant porté atteinte à la liberté syndicale garantie par le Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 et par l'article 11 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
9. En troisième lieu, pour écarter le moyen tiré de ce que les dispositions du 2° de l'article 2 du décret du 26 juin 1985 relatif aux centres de gestion méconnaissaient les dispositions des sixième et huitième alinéas du Préambule de la Constitution de 1946 et de l'article 11 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la cour a jugé que les dispositions du décret du 26 juin 1985 se bornaient à préciser les conditions d'application des dispositions de l'article 15 de la loi du 26 janvier 1984 et ne portaient, dès lors, pas atteinte à la liberté syndicale. Ce faisant, elle n'a pas commis d'erreur de droit ni insuffisamment motivé son arrêt.
10. Il résulte de tout ce qui précède que le syndicat CFDT Interco 67 et la Fédération Interco CFDT ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'arrêt qu'ils attaquent.
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge du centre de gestion de la fonction publique territoriale du Bas-Rhin qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par le centre de gestion au titre de ces mêmes dispositions.
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi du syndicat CFDT Interco 67 et de la Fédération Interco CFDT est rejeté.
Article 2 : Les conclusions du centre de gestion de la fonction publique territoriale du Bas-Rhin présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au syndicat CFDT Interco 67, à la Fédération Interco CFDT et au centre de gestion de la fonction publique territoriale du Bas-Rhin.
Délibéré à l'issue de la séance du 13 avril 2022 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Guillaume Goulard, M. Pierre Collin, présidents de chambre ; M. Stéphane Verclytte, M. Christian Fournier, M. Mathieu Herondart, M. Hervé Cassagnabère, M. Pierre Boussaroque, conseillers d'Etat et M. Martin Guesdon, auditeur-rapporteur.
Rendu le 12 mai 2022.
Le président :
Signé : M. Jacques-Henri Stahl
Le rapporteur :
Signé : M. Martin Guesdon
La secrétaire :
Signé : Mme Elsa Sarrazin