Vu la procédure suivante :
Mme B... D... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Rennes d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision du 17 septembre 2021 par laquelle le directeur général du groupe hospitalier Bretagne Sud l'a suspendue de ses fonctions et d'enjoindre à l'administration d'examiner à nouveau sa demande et de lui verser les traitements dûs, sous astreinte de 100 euros par jour de retard. Par une ordonnance n° 2105099 du 28 octobre 2021, le juge des référés a fait droit à sa demande.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 12 et 29 novembre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le groupe hospitalier Bretagne Sud demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) statuant en référé, de rejeter la demande de Mme D... ;
3°) de mettre à la charge de Mme D... la somme de 600 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la santé publique ;
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
- la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Ségolène Cavaliere, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de Mme Cécile Barrois de Sarigny, rapporteure publique.
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Thouvenin, Coudray, Grevy, avocat du centre hospitalier de Bretagne Sud et à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de Mme D....
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".
2. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif de Rennes que, par une décision du 17 septembre 2021 entrant en vigueur le jour même, le directeur général du groupe hospitalier Bretagne Sud a suspendu Mme B... D..., infirmière titulaire en fonction au sein de cet établissement de santé, jusqu'à ce qu'elle satisfasse à l'obligation de vaccination contre la covid-19 prévue par l'article 12 de la loi du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire. Le groupe hospitalier Bretagne Sud se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 28 octobre 2021 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Rennes a ordonné la suspension de l'exécution de cette décision, sur le fondement des dispositions, citées ci-dessus, de l'article L. 521-1 du code de justice administrative.
3. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière : " Le fonctionnaire en activité à droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. Le bénéfice de ces dispositions est subordonné à la transmission par le fonctionnaire, à son administration, de l'avis d'arrêt de travail justifiant du bien-fondé du congé de maladie, dans un délai et selon les sanctions prévues en application de l'article 42 ".
4. D'autre part, aux termes du I de l'article 12 de la loi du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire : " Doivent être vaccinés, sauf contre-indication médicale reconnue, contre la covid-19 : / 1° Les personnes exerçant leur activité dans : / a) Les établissements de santé mentionnés à l'article L. 6111-1 du code de la santé publique (...) ". Et aux termes du III de l'article 14 de la même loi : " Lorsque l'employeur constate qu'un agent public ne peut plus exercer son activité en application du I, il l'informe sans délai des conséquences qu'emporte cette interdiction d'exercer sur son emploi ainsi que des moyens de régulariser sa situation. L'agent public qui fait l'objet d'une interdiction d'exercer peut utiliser, avec l'accord de son employeur, des jours de congés payés. A défaut, il est suspendu de ses fonctions ou de son contrat de travail. La suspension mentionnée au premier alinéa du présent III, qui s'accompagne de l'interruption du versement de la rémunération, prend fin dès que l'agent public remplit les conditions nécessaires à l'exercice de son activité prévues au I. Elle ne peut être assimilée à une période de travail effectif pour la détermination de la durée des congés payés ainsi que pour les droits acquis par l'agent public au titre de son ancienneté. Pendant cette suspension, l'agent public conserve le bénéfice des garanties de protection sociale complémentaire auxquelles il a souscrit (...) ".
5. Il résulte de ces dispositions que si le directeur d'un établissement de santé public peut légalement prendre une mesure de suspension à l'égard d'un agent qui ne satisfait pas à l'obligation vaccinale contre la covid-19 alors que cet agent est déjà en congé de maladie, cette mesure et la suspension de traitement qui lui est associée ne peuvent toutefois entrer en vigueur qu'à compter de la date à laquelle prend fin le congé de maladie de l'agent en question. Par suite, en jugeant, pour suspendre l'exécution de la décision de suspension du 17 septembre 2021 qui visait Mme D..., que le moyen tiré de ce que cette décision ne pouvait être d'effet immédiat alors que l'intéressée était en congé de maladie depuis le 3 septembre précédent et devait voir son entrée en vigueur différée au terme du congé maladie était de nature à faire naître un doute sérieux quant à sa légalité, le juge des référés du tribunal administratif de Rennes n'a pas commis d'erreur de droit.
6. En second lieu, en estimant, pour juger que la condition d'urgence prévue par l'article L. 521-1 du code de justice administrative était remplie, que la décision de suspension contestée portait à la situation financière de Mme D... une atteinte suffisamment grave et immédiate et qu'aucun intérêt public tenant à la protection de la santé publique ne s'attachait au maintien de son exécution, le juge des référés a porté sur les pièces du dossier qui lui était soumis une appréciation souveraine exempte de dénaturation et n'a pas commis d'erreur de droit.
7. Il résulte de tout ce qui précède que le groupe hospitalier Bretagne Sud n'est pas fondé à demander l'annulation de l'ordonnance qu'il attaque.
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de Mme D... qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du groupe hospitalier Bretagne Sud la somme de 1 200 euros à verser à Mme D..., au titre de ces mêmes dispositions.
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi du groupe hospitalier Bretagne Sud est rejeté.
Article 2 : Le groupe hospitalier Bretagne Sud versera à Mme D... une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au groupe hospitalier Bretagne Sud et à Mme B... D....
Copie en sera adressée au ministre des solidarités et de la santé.
Délibéré à l'issue de la séance du 14 février 2022 où siégeaient : Mme Christine Maugüé, présidente adjointe de la section du contentieux, présidant ; M. A... H..., M. Fabien Raynaud, présidents de chambre ; M. M... C..., Mme F... L..., Mme J... N..., M. E... K..., M. Cyril Roger-Lacan, conseillers d'Etat et Mme Ségolène Cavaliere, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteure.
Rendu le 2 mars 2022.
La présidente :
Signé : Mme Christine Maugüé
La rapporteure :
Signé : Mme Ségolène Cavaliere
La secrétaire :
Signé : Mme I... G...