N° F.00.0109.F
ETAT BELGE, représenté par le ministre des Finances, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Loi, 12, poursuites et diligences du directeur régional des contributions directes à Liège, dont les bureaux sont établis à Liège, rue de Fragnée, 40,
demandeur en cassation,
représenté par Maître François T'Kint, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Charleroi, rue de l'Athénée, 9, où il est fait élection de domicile,
contre
COMPAGNIE PRIVEE D'INVESTISSEMENTS, DE PARTICIPATION ET DE PRET, société anonyme dont le siège social est établi à Liège, place de la République française, 41,
défenderesse en cassation,
représentée par Maître John Kirkpatrick, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, boulevard de l'Empereur, 3.
I. La décision attaquée
Le pourvoi est dirigé contre l'arrêt rendu le 13 septembre 2000 par la cour d'appel de Liège.
II. La procédure devant la Cour
Le président de section Claude Parmentier a fait rapport.
L'avocat général André Henkes a conclu.
III. Le moyen de cassation
Le demandeur présente un moyen libellé dans les termes suivants :
Dispositions légales violées
- article 37, alinéa 2, du Code des impôts sur les revenus 1992 ;
- article 22, ,§ 1er, (b), de la Convention entre le Royaume de Belgique et la République de Corée tendant à éviter la double imposition et à prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu, approuvée par la loi du 20 juillet 1979, dénommée ci-après la Convention.
Décisions et motifs critiqués
Après avoir relevé, d'une part, que " la (défenderesse) soutient qu'il n'y a pas lieu de taxer en dépenses non admises le montant de 8.293.846 francs représentant une quotité forfaitaire d'impôt étranger, ci-après Q.F.I.E., de 20 % relative à des intérêts perçus en Corée, ces intérêts ayant été exonérés de toute retenue à la source ", et, d'autre part, que " l'administration prétend pouvoir procéder au 'brutage' de la Q.F.I.E.
conventionnelle sur la base du principe figurant à l'article 37, alinéa 2, du Code des impôts sur les revenus 1992 qui prévoit que les revenus nets comprennent la quotité forfaitaire d'impôt étranger (cfr.
article 29, ,§ 1er, de la loi du 7 décembre 1988), le législateur ayant, selon elle, établi un nécessaire parallélisme entre toute Q.F.I.E. imputée et ' brutée' ", la cour (d'appel) considère que " si la Convention internationale précitée déroge à la législation belge qu'elle prime, en ce qu'elle permet l'imputation (totale) d'une quotité forfaitaire d'impôt étranger pourtant non effectivement retenu, elle n'affecte toutefois en rien que ce soit directement ou indirectement - les règles internes relatives à l'incorporation d'une quotité forfaitaire d'impôt étranger à la base imposable, lesquelles, si l'on rapproche les articles 29, ,§ 1er et ,§ 3, de la loi du 7 décembre 1988, 37, 285 et 287 du Code des impôts sur les revenus 1992 tels qu'applicables à l'exercice concerné (soit l'exercice 1992), soumettent le 'brutage' dans son principe et son mode de calcul à la condition d'une retenue effective à l'étranger ". Elle décide que, " si l'article 29, ,§ 1er, de la loi du 7 décembre 1988 prévoyant l'intégration de la Q.F.I.E. à la base imposable s'en référait à l'article 187 du Code des impôts sur les revenus (1964) et donc à la quotité imputable, il renvoyait toutefois à un mode de calcul visé au ,§ 3 du même article impliquant la prise en compte de l'impôt réellement retenu, en telle sorte que c'est à juste titre que la (défenderesse) conclut que la Q.F.I.E. à incorporer à la base imposable ne correspond pas nécessairement à la Q.F.I.E. imputable, mais bien au montant résultant de l'application de la fraction prévue par le ,§ 3 ". En conséquence, elle déclare le recours fondé, (au motif que) " la législation interne applicable à l'exercice concerné (est) d'interprétation stricte et qu'il n'est pas possible d'affirmer qu'elle contiendrait le principe d'un parallélisme général et nécessaire entre imputation et ' brutage' ".
Griefs
En vertu de l'article 22, ,§ 1er, (b), de la Convention, lorsqu'un résident de la Belgique recueille des intérêts visés à l'article 11, ,§ 2 ou 7, de ladite convention, la double imposition est évitée, en ce qui concerne la Belgique, en accordant sur son impôt afférent auxdits revenus une réduction égale à 20 % du montant brut des intérêts qui est compris dans la base imposable dudit résident ; la Convention ne règle toutefois pas la base imposable mais fixe les règles à appliquer pour éviter une double imposition ; en conséquence, il convient, pour déterminer la base imposable à l'impôt des sociétés, de se référer à la législation interne et, en l'occurrence à l'article 37, alinéa 2, du Code des impôts sur les revenus 1992, applicable à l'exercice d'imposition 1992, qui énonce que les revenus nets des capitaux et biens mobiliers comprennent notamment la quotité forfaitaire d'impôt étranger, laquelle disposition trouve son origine dans l'article 29 de la loi de réforme du 7 décembre 1988 dont tant les termes de cette disposition que les travaux préparatoires enseignent qu'il s'impose d'établir un lien logique entre le montant imputable et celui qui est incorporé à la base imposable ; il n'a jamais été contesté que la réduction d'impôt prévue par l'article 22 de la Convention est assimilable à la quotité forfaitaire d'impôt étranger prévue pas le droit interne ; si les dispositions de droit interne prévoient donc effectivement le brutage de la Q.F.I.E., les dispositions qui concernent l'imputation de celle-ci (les articles 285 à 289, du Code des impôts sur les revenus 1992), lesquelles sont étrangères à la détermination de la base imposable, ne sont cependant pas applicables en présence d'une Convention internationale qui les prime, et en conséquence, pour respecter la volonté du législateur de 1988, il y a lieu de comprendre dans la base imposable à l'impôt des sociétés le montant de la Q.F.I.E. qui est imputable en vertu de la convention, l'article 37, du Code des impôts sur les revenus 1992, ne contenant, à cet égard, aucune disposition de nature à mettre en échec la volonté du législateur ; partant, en affirmant que c'est à juste titre que la (défenderesse) conclut que la Q.F.I.E. à incorporer à la base imposable ne correspond pas nécessairement à la Q.F.I.E. imputable, mais bien au montant résultant de l'application de la fraction prévue par le ,§ 3 de l'article 29 de la loi du 7 décembre 1988, qui implique la prise en compte de l'impôt réellement retenu, et qu'il ne convient pas de reprendre dans la base imposable le montant imputable de la Q.F.I.E. prévue par l'article 22, ,§ 1er, (b), de la Convention, la cour d'appel viole la portée de l'article 37, alinéa 2, du Code des impôts sur les revenus 1992 et de l'article 22, ,§ 1er, (b), de la convention précitée.
IV. La décision de la Cour
Attendu qu'il ressort de l'arrêt que la défenderesse a perçu des intérêts d'origine coréenne, qui n'ont été soumis à aucune retenue fiscale dans ce pays et que l'administration entend tenir pour une dépense non admise de l'exercice d'imposition 1992 une quotité forfaitaire d'impôt étranger se rapportant à ces intérêts ;
Attendu que l'article 22, ,§ 1er, b, de la Convention du 29 août 1977 entre le Royaume de Belgique et la République de Corée tendant à éviter la double imposition et à prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu dispose que, lorsqu'un résident de la Belgique recueille des intérêts visés à l'article 11, ,§ 2 ou 7, la Belgique accorde sur son impôt afférent à ces revenus une réduction égale à vingt pour cent du montant brut des intérêts, qui est compris dans la base imposable dudit résident ;
Attendu qu'en vertu de l'article 37, alinéa 2, du Code des impôts sur les revenus 1992, les revenus nets de capitaux et biens mobiliers affectés à l'exercice de l'activité professionnelle du bénéficiaire de ces revenus comprennent notamment la quotité forfaitaire d'impôt étranger ;
Attendu que l'article 22 précité de la Convention belgo-coréenne ne concerne que l'imputation d'une quotité de revenus sur l'impôt belge et laisse intact le mode de fixation de l'assiette de cet impôt ; que la quotité forfaitaire visée par l'article 37, alinéa 2, susvisé est uniquement régie par les dispositions de droit interne et doit être déterminée conformément aux articles 286 et 287 du même code ;
Que ces articles impliquent nécessairement que le revenu litigieux ait été effectivement soumis à un impôt étranger, de telle sorte qu'il n'y a pas lieu d'incorporer aux revenus de capitaux et biens mobiliers visés à l'article 37, alinéa 2, précité une quotité forfaitaire d'un impôt étranger inexistant en l'absence de taxation des revenus à l'étranger ;
Attendu que l'arrêt, qui considère que les règles de droit interne relatives à l'incorporation d'une quotité forfaitaire d'impôt étranger à la base imposable, " soumettent le 'brutage' dans son principe et son mode de calcul à la condition d'une retenue effective à l'étranger ", fait une exacte application des dispositions légales visées au moyen ;
Que le moyen ne peut être accueilli ;
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux dépens.
Les dépens taxés à la somme de vingt-trois euros trente-trois centimes payés par le demandeur.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Claude Parmentier, les conseillers Philippe Echement, Didier Batselé, Daniel Plas et Christine Matray, et prononcé en audience publique du neuf janvier deux mille trois par le président de section Claude Parmentier, en présence de l'avocat général Thierry Werquin, avec l'assistance du greffier adjoint Christine Danhiez.