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26/10/2010 | BELGIQUE | N°P.09.1662.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 26 octobre 2010, P.09.1662.N


N° P.09.1662.N
N. W.,
inculpée,
demanderesse,
Me Dries Pattyn, avocat au barreau de Bruges.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 10 novembre 2009 par la cour d'appel de Gand, chambre des mises en accusation.
La demanderesse présente cinq moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Paul Maffei a fait rapport.
L'avocat général Marc Timperman a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR :
Sur le troisième moyen :
Quant à la seconde branche :
1. Le mo

yen, en cette branche, invoque la violation des articles 149 de la Constitution, 3 de la loi du 17 avr...

N° P.09.1662.N
N. W.,
inculpée,
demanderesse,
Me Dries Pattyn, avocat au barreau de Bruges.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 10 novembre 2009 par la cour d'appel de Gand, chambre des mises en accusation.
La demanderesse présente cinq moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Paul Maffei a fait rapport.
L'avocat général Marc Timperman a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR :
Sur le troisième moyen :
Quant à la seconde branche :
1. Le moyen, en cette branche, invoque la violation des articles 149 de la Constitution, 3 de la loi du 17 avril 1878 contenant le Titre préliminaire du Code de procédure pénale, 63 du Code d'instruction criminelle, 193, 196, 197, 213 et 214 du Code pénal : l'arrêt considère à tort que la constitution de partie civile est recevable ; des conclusions déposées devant le juge ne constituent pas un écrit protégé qui s'impose à la confiance publique et qui peut faire preuve ; dès lors, la dissimulation de la réalité qu'elles contiennent ne peut constituer un faux punissable.
2. En vertu de l'article 63 du Code d'instruction criminelle, toute personne qui se prétendra lésée par un crime ou un délit pourra en rendre plainte et se constituer partie civile devant le juge d'instruction.
Cela implique que la constitution de partie civile devant le juge d'instruction et l'action publique qu'elle engage sont uniquement recevables lorsque les faits incriminés, dont il est admissible qu'ils ont porté préjudice à la partie civile, correspondent à une infraction qualifiée crime ou délit par la loi.
3. L'infraction de faux en écritures visée aux articles 193, 196, 213 et 214 du Code pénal consiste en ce que, avec une intention frauduleuse ou à dessein de nuire, la vérité est dissimulée d'une manière déterminée par la loi dans un écrit protégé par la loi, alors qu'il peut en résulter un préjudice.
Un écrit protégé par la loi est un écrit pouvant faire preuve dans une certaine mesure, c'est-à-dire qui s'impose à la confiance publique, de sorte que l'autorité ou les particuliers qui en prennent connaissance ou auxquels il est présenté, peuvent se convaincre de la véracité de l'acte ou du fait juridique constaté par cet écrit ou sont en droit d'y accorder foi.
Par contre, un écrit dont le contenu n'est admis que sous réserve de contrôle, ne bénéficie pas de la confiance publique et ne relève donc pas de l'application des articles 193 et suivants du Code pénal.
4. L'arrêt déclare la constitution de partie civile recevable dans la mesure où elle est fondée sur les préventions B (faux en écritures) et C (usage de faux visé à la prévention B). La prévention B qualifie de faux les conclusions déposées dans le cadre d'une procédure de divorce, dans lesquelles la demanderesse réclame, à tort, une pension alimentaire sur la base de la fausse allégation qu'elle ne dispose pas de moyens financiers.
De telles conclusions ne constituent pas un écrit protégé par la loi au sens des dispositions légales précitées. En effet, cet écrit ne s'impose pas à la confiance publique mais, au contraire, est soumis à la contradiction des parties qui peuvent en contrôler et en contester les indications.
5. L'arrêt considère que, dans la mesure où elle est fondée sur les préventions B et C, la constitution de partie civile répond aux dispositions de l'article 63 du Code d'instruction criminelle. Ainsi, la décision n'est pas légalement justifiée.
Le moyen, en cette branche, est fondé.
Sur le quatrième moyen :
Quant à la première branche :
6. Le moyen, en cette branche, invoque la violation des articles 149 de la Constitution, 21, 23 et 26 de la loi du 17 avril 1878 contenant le Titre préliminaire du Code de procédure pénale : l'arrêt considère, à tort, que l'action publique n'est pas prescrite ; l'arrêt ne répond pas aux conclusions de la demanderesse et ne permet pas d'examiner si l'action publique est ou non prescrite.
7. Lorsque différentes infractions procèdent d'une seule et même intention criminelle, la prescription de l'action publique prend cours à partir du dernier fait punissable à la condition que, sauf interruption ou suspension de la prescription, aucun des faits antérieurs n'est séparé du fait subséquent par un délai supérieur au délai de prescription.
8. Il ressort des pièces auxquelles la Cour peut avoir égard, à savoir les réquisitions de non-lieu du 24 juin 2009, que l'action publique a été introduite du chef de :
- la prévention A : faux serment lors de l'inventaire établi le 4 décembre 1995 ;
- la prévention B : faux en écritures pour avoir, au cours de la procédure de divorce, déposé des conclusions le 8 juillet 2004 dans lesquelles la demanderesse réclame, à tort, une pension alimentaire sur la base de la déclaration fausse qu'elle ne dispose pas de moyens financiers ;
- la prévention C : usage du faux dont il est fait état à la prévention B pour avoir, du 8 juillet 2004 jusqu'à ce jour, déposé lesdites conclusions dans la cause pendante devant le juge de paix du troisième canton de Bruges.
9. Dans ses conclusions déposées à l'audience de la cour d'appel du 10 novembre 2009, la demanderesse a invoqué que : « La prévention A concerne les prétendus faits qui dateraient du 4 décembre 1995. La prescription est, dès lors, intervenue, à défaut d'acte interruptif, le 3 décembre 2000 à 0H00. Monsieur D.W. s'est constitué partie civile contre la demanderesse le 2 avril 2008, à savoir près de 8 ans (!) après l'intervention de la prescription. L'action publique et l'action civile étaient, dès lors, déjà prescrites. La constitution de partie civile était, dès le départ, inadmissible et irrecevable ».
10. L'arrêt attaqué considère qu'en raison de la connexité des faits lors de la constitution de partie civile, il n'était pas question de prescription d'un ou de plusieurs faits et que la constitution de partie civile était recevable.
Ainsi, l'arrêt ne constate pas que chacun des faits n'était pas séparé par un délai supérieur au délai de prescription.
11. Il ne ressort pas des pièces auxquelles la Cour peut avoir égard, quel acte accompli entre le 4 décembre 1995 et le 8 décembre 2004, ayant interrompu la prescription de l'action publique du chef de la prévention A ou qui aurait d'une quelconque façon suspendu cette prescription, est pris en considération par l'arrêt pour décider qu'en raison de la connexité des faits lors de la constitution de partie civile, il n'était pas question de prescription d'un ou de plusieurs faits et que la constitution de partie civile, fondée sur la prévention A, était recevable.
Le moyen, en cette branche, est fondé.
Sur le surplus des griefs :
12. Les autres griefs ne sauraient entraîner une cassation plus étendue ni une cassation sans renvoi. Il n'y a pas lieu d'y répondre.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Casse l'arrêt attaqué ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l'arrêt partiellement cassé ;
Laisse les frais à charge de l'Etat ;
Renvoie la cause à la cour d'appel de Gand, chambre des mises en accusation, autrement composée.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Edward Forrier, président, le président de section Etienne Goethals et les conseillers Paul Maffei, Luc Van hoogenbemt et Filip Van Volsem, et prononcé en audience publique du vingt-six octobre deux mille dix par le président de section Edward Forrier, en présence de l'avocat général Marc Timperman, avec l'assistance du greffier Kristel Vanden Bossche.
Traduction établie sous le contrôle du conseiller Paul Maffei et transcrite avec l'assistance du greffier Fabienne Gobert.
Le greffier, Le conseiller,


Synthèse
Formation : Chambre 2n - tweede kamer
Numéro d'arrêt : P.09.1662.N
Date de la décision : 26/10/2010
Type d'affaire : Autres - Droit pénal

Analyses

La constitution de partie civile devant le juge d'instruction et l'action publique qu'elle engage sont uniquement recevables lorsque les faits incriminés, en admettant qu'ils ont porté préjudice à la partie civile, correspondent à l'une des infractions légalement qualifiées de crime ou de délit (1). (1) Voir Cass., 21 septembre 1999, RG P.99.0743.N, Pas., 1999, n° 475; Cass., 22 mai 2001, RG P.99.1655.N, Pas., 2001, n° 303.

ACTION CIVILE - Constitution de partie civile devant le juge d'instruction - Recevabilité - Conditions - JUGE D'INSTRUCTION [notice1]

L'infraction de faux en écritures consiste en ce que, avec une intention frauduleuse ou à dessein de nuire, la réalité est dissimulée, d'une manière déterminée par la loi, dans un écrit protégé par la loi, alors qu'il peut en résulter un préjudice (1). (1) J. VANHALEWIJN et L. DUPONT, Valsheid in geschriften dans A.P.R., Gand-Louvain, Story-Scientia, 1975, n° 4-5.

FAUX ET USAGE DE FAUX - Infraction de faux en écritures - Eléments constitutifs [notice3]

Un écrit protégé par la loi est un écrit pouvant faire preuve dans une certaine mesure, c'est-à-dire qui s'impose à la confiance publique, de sorte que l'autorité ou les particuliers qui en prennent connaissance ou auxquels il est présenté peuvent se convaincre de la réalité de l'acte ou du fait juridique constaté par cet écrit ou sont en droit de lui accorder foi; un écrit dont le contenu n'est admis que sous réserve de contrôle ne bénéficie pas de la confiance publique et ne relève donc pas de l'application des articles 193 et suivants du Code pénal (1). (1) Voir Cass., 18 juin 1985, RG 9287, Pas., 1985, n° 633; Cass., 18 avril 2006, RG P.06.0010.N, Pas., 2006, n° 216.

FAUX ET USAGE DE FAUX - Faux en écritures - Ecrit - Notion - Application [notice4]

Les conclusions déposées dans le cadre d'une procédure de divorce, dans lesquelles la demanderesse réclame, à tort, une pension alimentaire sur la base de la fausse allégation qu'elle ne dispose pas de moyens financiers, ne constitue pas un écrit protégé par la loi au sens des articles 193 et suivants du Code pénal; cet écrit ne s'impose en effet pas à la confiance publique mais, au contraire, est soumis à la contradiction des parties, qui peuvent en contrôler et en contester les indications.

FAUX ET USAGE DE FAUX - Faux en écritures - Ecrit - Conclusions déposées dans une procédure de divorce - Conclusions comportant une demande de pension alimentaire fondée sur de fausses allégations - Nature [notice5]


Références :

[notice1]

Code d'instruction criminelle - 17-11-1808 - Art. 63 - 30 / No pub 1808111701

[notice3]

Code pénal - 08-06-1867 - Art. 193, 196, 213, et 214 - 01 / No pub 1867060850

[notice4]

Code pénal - 08-06-1867 - Art. 193, 196, 213, et 214 - 01 / No pub 1867060850

[notice5]

Code pénal - 08-06-1867 - Art. 193, 196, 213, et 214 - 01 / No pub 1867060850


Composition du Tribunal
Président : FORRIER EDWARD
Greffier : ADRIAENSEN FRANK
Ministère public : TIMPERMAN MARC
Assesseurs : VAN VOLSEM FILIP, MAFFEI PAUL, GOETHALS ETIENNE, VAN HOOGENBEMT LUC, FRERE JEAN-PIERRE, MESTDAGH KOEN, JOCQUE GEERT

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2010-10-26;p.09.1662.n ?

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