N° P.18.0896.N
L. B.,
prévenu,
demandeur en cassation,
Me Sidney Van Nieuwenhove, avocat au barreau du Limbourg.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un jugement rendu le 28 juin 2018 par le tribunal correctionnel de Louvain, statuant en degré d'appel.
Le demandeur invoque deux moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Alain Bloch a fait rapport.
L'avocat général Luc Decreus a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur le second moyen :
Quant à la troisième branche :
1. Le moyen invoque la violation de l'article 62, alinéa 1er, de la loi du 16 mars 1968 relative à la police de la circulation routière : le jugement attaqué considère, à tort, que le verbalisateur n'est pas personnellement impliqué et accorde, à tort, une valeur probante spéciale aux constatations qu'il a consignées dans le procès-verbal ; le jugement attaqué fait les constatations suivantes : le verbalisateur a, au bout de la voie de décélération, continué à rouler sur la zone d'évitement et ensuite sur la bande d'arrêt d'urgence ; le demandeur aurait ensuite gêné une Golf Volkswagen (dont le verbalisateur n'a pas relevé le numéro de plaque) ; le demandeur aurait gêné les véhicules circulant en sens inverse, obligeant les conducteurs à freiner brusquement ; le demandeur aurait finalement gêné une Mercedes (dont le verbalisateur n'a pas davantage relevé le numéro de plaque) ; le demandeur s'est trouvé confronté au verbalisateur à la station-service ; le verbalisateur n'a révélé sa qualité au demandeur qu'après que ce dernier eu noté le numéro de plaque du véhicule privé du verbalisateur ; le jugement attaqué ne peut déduire de ces constatations que le verbalisateur n'est pas impliqué et que le procès-verbal est doté d'une valeur probante spéciale ; par cette appréciation, le jugement attaqué méconnaît également les éléments de fait du dossier répressif.
2. Le jugement attaqué ne décide pas que le verbalisateur a, au bout de la voie de décélération, continué à rouler sur la zone d'évitement et ensuite sur la bande d'arrêt d'urgence, mais bien : « Le 8 février 2017 aux alentours de 17h45, l'attention du verbalisateur a été attirée sur la E314 en direction de Lummen par le conducteur d'une camionnette immatriculée 1RKU042 au nom du [demandeur]. À hauteur de la sortie 20 (Wilsele), le conducteur a roulé sur la voie de décélération. Au bout de la voie de décélération, il a continué à rouler sur la zone d'évitement et ensuite sur la bande d'arrêt d'urgence. »
Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, se fonde sur une lecture erronée de la décision attaquée et manque en fait.
3. En vertu de l'article 62, alinéa 1er, de la loi du 16 mars 1968, les procès-verbaux dressés par les agents de l'autorité désignés par le Roi pour surveiller l'application de cette loi et des arrêtés pris en exécution de celle-ci font foi jusqu'à jusqu'à preuve du contraire.
4. Cette valeur probante spéciale ne s'applique pas lorsque l'auteur d'un tel procès-verbal est personnellement impliqué dans l'infraction qui en fait l'objet. La seule circonstance que le verbalisateur, auteur du procès-verbal, soit dans la circulation, qu'il constate, à cette occasion, des infractions dont il dresse le procès-verbal et qu'après ces constatations, il soit confronté au contrevenant, ne suffit pas à conclure à l'implication personnelle du verbalisateur.
Dans la mesure, en cette branche, il est déduit d'une autre prémisse juridique, le moyen manque en droit.
5. Il appartient au juge, compte tenu de ce qui précède, de décider si un verbalisateur est personnellement impliqué dans les infractions qu'il a constatées. La Cour se borne à vérifier si le juge ne tire pas des constatations qu'il a faites des conséquences qu'elles ne sauraient justifier.
6. Les juges d'appel ont pu décider, sur le fondement des constatations que comporte le jugement attaqué, que le verbalisateur n'est pas une partie impliquée dans les infractions qu'il a constatées et que, par conséquent, son procès-verbal est doté d'une valeur probante spéciale en ce qui concerne les observations matérielles.
Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, ne peut être accueilli.
7. Pour le surplus, le moyen impose à la Cour un examen des faits pour lequel elle est sans compétence et il est irrecevable.
(...)
Sur le second moyen :
Quant à la première branche :
12. Le moyen invoque la violation de l'article 6, §§ 1 et 3, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que la violation des droits de la défense, en ce compris l'égalité des armes : le jugement attaqué accorde au procès-verbal une valeur probante spéciale alors qu'il a été dressé de telle sorte que le demandeur n'a pas eu l'opportunité de se défendre à suffisance ; le verbalisateur a veillé à ce qu'aucun témoin ne puisse être impliqué en la cause pour nuancer les prétendues constatations, alors que nombre de témoins étaient présents ; il a influencé le juge en déclarant ne pas être une partie impliquée et n'a révélé sa qualité d'inspecteur de police que tardivement.
13. Dans la mesure où il est dirigé contre l'intervention du verbalisateur et contre le procès-verbal qu'il a dressé et donc non contre le jugement attaqué, le moyen est irrecevable.
14. Dans la mesure où, en cette branche, il impose à la Cour un examen des faits pour lequel elle est sans compétence, le moyen est irrecevable.
15. L'implication du verbalisateur ne résulte pas du seul fait qu'il mentionne dans son procès-verbal ne pas être personnellement impliqué. Il appartient au juge de décider si un verbalisateur est effectivement impliqué personnellement.
Dans la mesure où en cette branche, il est déduit d'une autre prémisse juridique, le moyen manque en droit.
16. Dans la mesure où il est déduit de la violation légale invoquée dans le second moyen, en sa troisième branche, le moyen est irrecevable.
17. Il ne résulte pas de la circonstance que le juge décide qu'un verbalisateur n'est pas personnellement impliqué et que les observations matérielles mentionnées dans le procès-verbal sont, par conséquent, dotées d'une valeur probante spéciale, que le contrevenant ne puisse plus se défendre concernant ces constatations.
Dans la mesure où, en cette branche, il est déduit d'une autre prémisse juridique, le moyen manque en droit.
(...)
Le contrôle d'office
20. Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux frais.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Filip Van Volsem, conseiller faisant fonction de président, Alain Bloch, Erwin Francis, Sidney Berneman et Ilse Couwenberg, conseillers, et prononcé en audience publique du onze décembre deux mille dix-huit par le conseiller faisant fonction de président Filip Van Volsem, en présence de l'avocat général Luc Decreus, avec l'assistance du greffier Kristel Vanden Bossche.
Traduction établie sous le contrôle du conseiller Frédéric Lugentz et transcrite avec l'assistance du greffier Fabienne Gobert.