N° P.19.0127.N
PROCUREUR GÉNÉRAL PRÈS LA COUR D'APPEL DE BRUXELLES,
demandeur en cassation,
contre
R.Z.,
prévenue,
défenderesse en cassation,
Me Koen Hens, avocat au barreau de Bruxelles.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 22 janvier 2019 par la cour d'appel de Bruxelles, chambre correctionnelle.
Le demandeur invoque un moyen dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Erwin Francis a fait rapport.
L'avocat général Luc Decreus a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur le moyen :
Quant à la seconde branche :
1. Le moyen, en cette branche, invoque la violation des articles 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 47bis du Code d'instruction criminelle : l'arrêt considère, à tort, les propos de la défenderesse tenus à la douane comme étant le résultat d'une audition ; le procès-verbal de renseignements dressé par la douane reproduit l'intervention des agents des douanes qui consignent des constatations, éventuellement recueillent des renseignements et en prennent acte ; ceci est fondamentalement différent d'une audition qui suppose une communication formelle entre les services de constatation et la personne suspectée d'avoir commis une infraction et au cours de laquelle des questions orientées sont posées à la personne entendue ; l'intervention des douanes dans le cadre de laquelle des indices d'importation frauduleuse d'argent liquide sont relevés concerne une situation comparable à un flagrant délit, dans le cadre duquel des informations peuvent être recueillies et des questions sommairement posées sans que cela constitue une audition, dès lors qu'il est seulement question d'entretiens informels et exploratoires.
2. Une audition au sens de l'article 47bis du Code d'instruction criminelle est un interrogatoire mené sur des infractions pouvant être mises à charge d'une personne visée audit article par un agent habilité, consigné dans un procès-verbal dans le cadre d'une information ou d'une instruction judiciaire, en vue de la manifestation de la vérité. Par contre, cet article n'est pas applicable aux déclarations ou indications spontanées d'une personne appelée par un agent habilité à rendre compte de son comportement ou de sa situation, et dont l'interpellation vise uniquement à se représenter exactement les faits afin qu'une décision adéquate puisse être adoptée par la suite. La circonstance que les faits constatés puissent révéler l'existence d'une infraction n'est pas déterminante à cet égard.
3. L'arrêt décide que :
- le procès-verbal de renseignements du 22 mai 2016 comporte des informations concernant l'argent retrouvé par les autorités douanières compétentes sur la personne et dans le bagage de la défenderesse ainsi que la déclaration qu'elle a faite ou l'explication qu'elle a fournie à ces autorités à cette occasion ;
- contrairement à l'allégation du ministère public, le « simple fait de recueillir des renseignements pour tenter de se représenter les circonstances et le rôle des personnes impliquées », constitue un contact réellement formel entre les autorités douanières compétentes et la personne suspectée d'avoir commis des faits punissables ;
- les garanties prévues à l'article 47bis du Code d'instruction criminelle sont applicables à l'audition de la défenderesse par les autorités douanières compétentes à l'occasion de la découverte de billets de banque en sa possession ;
- il n'est pas tenu compte, lors de l'examen de l'action publique, de l'audition de la défenderesse consignée dans le procès-verbal visé.
Par ces motifs, l'arrêt n'examine pas si les agents des douanes ont procédé à une audition de la défenderesse au sens de l'article 47bis du Code d'instruction criminelle, mais déduit cet élément du simple fait qu'il y a eu un contact formel non spécifié entre la défenderesse et les agents des douanes. Ainsi, la décision n'est pas légalement justifiée.
Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, est fondé.
Quant à la première branche :
4. Eu égard à la cassation de l'arrêt à prononcer ci-après, il n'y pas lieu de répondre au moyen, en cette branche.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Casse l'arrêt attaqué ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l'arrêt cassé ;
Réserve les frais afin qu'il soit statué sur ceux-ci par le juge de renvoi ;
Renvoi la cause à la cour d'appel d'Anvers.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Filip Van Volsem, conseiller faisant fonction de président, Alain Bloch, Peter Hoet, Erwin Francis et Sidney Berneman, conseillers, et prononcé en audience publique du vingt-huit mai deux mille dix-neuf par le conseiller faisant fonction de président Filip Van Volsem, en présence de l'avocat général Luc Decreus, avec l'assistance du greffier Kristel Vanden Bossche.
Traduction établie sous le contrôle du conseiller Eric de Formanoir et transcrite avec l'assistance du greffier Tatiana Fenaux.