ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)
31 janvier 2020 ( *1 )
« Manquement d’État – Article 259 TFUE – Compétence de la Cour –Détermination de la frontière commune entre deux États membres – Différend frontalier entre la République de Croatie et la République de Slovénie – Convention d’arbitrage – Procédure d’arbitrage – Notification par la République de Croatie de sa décision de mettre fin à la convention en raison d’une irrégularité qu’elle reproche à un membre du tribunal arbitral d’avoir commise – Sentence arbitrale rendue par le tribunal arbitral –
Prétendue méconnaissance par la République de Croatie de la convention d’arbitrage et de la frontière fixée par la sentence arbitrale – Principe de coopération loyale – Demande de retrait d’un document du dossier – Protection des avis juridiques »
Dans l’affaire C‑457/18,
ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 259 TFUE, introduit le 13 juillet 2018,
République de Slovénie, représentée par Mme M. Menard, en qualité d’agent, assistée de Me J.-M. Thouvenin, avocat,
partie requérante,
contre
République de Croatie, représentée par Mme G. Vidović Mesarek, en qualité d’agent, assistée de Mme J. Stratford, QC,
partie défenderesse,
LA COUR (grande chambre),
composée de M. K. Lenaerts, président, Mme R. Silva de Lapuerta, vice‑présidente, MM. J.‑C. Bonichot, A. Arabadjiev, Mme A. Prechal, M. S. Rodin, Mme L. S. Rossi et M. I. Jarukaitis, présidents de chambre, MM. M. Ilešič, J. Malenovský, D. Šváby, C. Vajda (rapporteur) et F. Biltgen, juges,
avocat général : M. P. Pikamäe,
greffier : M. M. Aleksejev, chef d’unité,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 8 juillet 2019,
ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 11 décembre 2019,
rend le présent
Arrêt
1 Par sa requête, la République de Slovénie demande à la Cour de constater que la République de Croatie a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu :
– de l’article 4, paragraphe 3, TUE, en ce qu’elle a mis en péril la réalisation des objectifs de l’Union européenne, notamment de consolidation de la paix et d’union sans cesse plus étroite entre les peuples de l’Europe, et a empêché la République de Slovénie de se conformer à son obligation de pleine mise en œuvre du droit de l’Union sur tout son territoire ;
– du principe du respect de l’État de droit, inscrit à l’article 2 TUE, lequel constitue une condition essentielle d’appartenance à l’Union et oblige la République de Croatie à respecter le territoire de la République de Slovénie déterminé par la sentence finale rendue le 29 juin 2017 par le tribunal constitué dans la procédure d’arbitrage relative au différend territorial et maritime entre ces deux États (Cour permanente d’arbitrage, affaire no 2012-04, ci-après la « sentence arbitrale »),
conformément au droit international ;
– de l’article 5, paragraphe 2, du règlement (UE) no 1380/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 11 décembre 2013, relatif à la politique commune de la pêche, modifiant les règlements (CE) no 1954/2003 et (CE) no 1224/2009 du Conseil et abrogeant les règlements (CE) no 2371/2002 et (CE) no 639/2004 du Conseil et la décision 2004/585/CE du Conseil (JO 2013, L 354, p. 22), ainsi que de l’annexe I de celui-ci, en ce que la République de Croatie a refusé de mettre en œuvre le régime d’accès
réciproque prévu par le règlement no 1380/2013, n’a pas reconnu l’effet de la législation que la République de Slovénie a adoptée pour mettre en œuvre ce régime d’accès réciproque, a refusé aux ressortissants slovènes le droit de pêcher dans la mer territoriale slovène, et a empêché la République de Slovénie de jouir de droits, tels que l’adoption de mesures de conservation et de gestion des stocks halieutiques, prévus par ce même règlement ;
– du système de contrôle, de l’inspection et de la mise en œuvre des règles prévues par le règlement (CE) no 1224/2009 du Conseil, du 20 novembre 2009, instituant un régime communautaire de contrôle afin d’assurer le respect des règles de la politique commune de la pêche, modifiant les règlements (CE) no 847/96, (CE) no 2371/2002, (CE) no 811/2004, (CE) no 768/2005, (CE) no 2115/2005, (CE) no 2166/2005, (CE) no 388/2006, (CE) no 509/2007, (CE) no 676/2007, (CE) no 1098/2007, (CE) no 1300/2008,
(CE) no 1342/2008 et abrogeant les règlements (CEE) no 2847/93, (CE) no 1627/94 et (CE) no 1966/2006 (JO 2009, L 343, p. 1), et par le règlement d’exécution (UE) no 404/2011 de la Commission, du 8 avril 2011, portant modalités d’application du règlement (CE) no 1224/2009 du Conseil instituant un régime communautaire de contrôle afin d’assurer le respect des règles de la politique commune de la pêche (JO 2011, L 112, p. 1), en ce que la République de Croatie a empêché la République de Slovénie
d’accomplir la mission qui lui incombe en vertu de ce système, ainsi que la surveillance, le contrôle et les inspections des navires de pêche de même que, lorsque les inspections découvrent d’éventuelles violations des règles de la politique commune de la pêche, les procédures et les mesures d’exécution à l’encontre des responsables de la violation, et en ce qu’elle a exercé elle-même les droits que ces règlements accordent à la République de Slovénie en tant qu’État côtier ;
– des articles 4 et 17, lus conjointement avec l’article 13, du règlement (UE) 2016/399 du Parlement européen et du Conseil, du 9 mars 2016, concernant un code de l’Union relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen) (JO 2016, L 77, p. 1, ci-après le « code frontières Schengen »), ainsi que
– de l’article 2, paragraphe 4, et de l’article 11, paragraphe 1, de la directive 2014/89/UE du Parlement européen et du Conseil, du 23 juillet 2014, établissant un cadre pour la planification de l’espace maritime (JO 2014, L 257, p. 135), en ce qu’elle a adopté et mis en œuvre la « [s]tratégie d’aménagement du territoire de la République de Croatie ».
Le cadre juridique
Le droit international
La convention de Vienne
2 L’article 60 de la convention de Vienne sur le droit des traités, du 23 mai 1969 (Recueil des traités des Nations unies, vol. 1155, p. 331, ci-après la « convention de Vienne »), intitulé « Extinction d’un traité ou suspension de son application comme conséquence de sa violation », prévoit, à ses paragraphes 1 et 3 :
« 1. Une violation substantielle d’un traité bilatéral par l’une des parties autorise l’autre partie à invoquer la violation comme motif pour mettre fin au traité ou suspendre son application en totalité ou en partie.
[...]
3. Aux fins du présent article, une violation substantielle d’un traité est constituée par :
[...]
b) La violation d’une disposition essentielle pour la réalisation de l’objet ou du but du traité.
[...] »
3 L’article 65 de la convention de Vienne, intitulé « Procédure à suivre concernant la nullité d’un traité, son extinction, le retrait d’une partie ou la suspension de l’application du traité », énonce, à ses paragraphes 1 et 3 :
« 1. La partie qui, sur la base des dispositions de la présente [c]onvention, invoque soit un vice de son consentement à être liée par un traité, soit un motif de contester la validité d’un traité, d’y mettre fin, de s’en retirer ou d’en suspendre l’application, doit notifier sa prétention aux autres parties. La notification doit indiquer la mesure envisagée à l’égard du traité et les raisons de celle-ci.
[...]
3. Si toutefois une objection a été soulevée par une autre partie, les parties devront rechercher une solution par les moyens indiqués à l’[a]rticle 33 de la [c]harte des Nations [u]nies [signée à San Francisco le 26 juin 1945]. »
La convention d’arbitrage
4 Une convention d’arbitrage entre la République de Slovénie et la République de Croatie a été signée à Stockholm le 4 novembre 2009 (ci-après la « convention d’arbitrage »).
5 L’article 1er de la convention d’arbitrage institue un tribunal arbitral.
6 L’article 2 de cette convention prévoit la composition du tribunal arbitral, notamment les modalités de désignation de ses membres ainsi que de remplacement de ceux-ci.
7 L’article 3 de ladite convention, intitulé « Mission du tribunal arbitral », dispose, à son paragraphe 1, que le tribunal arbitral détermine a) le tracé de la frontière maritime et terrestre entre la Croatie et la Slovénie, b) la jonction de la Slovénie à la haute mer et c) le régime aux fins de l’utilisation des espaces maritimes pertinents. Ce même article 3, à son paragraphe 2, énonce les modalités de détermination de l’objet précis du litige, à son paragraphe 3, prévoit l’adoption par le
tribunal arbitral d’une sentence sur le différend et, à son paragraphe 4, attribue à ce tribunal compétence pour interpréter la convention d’arbitrage.
8 Selon l’article 4, sous a), de la convention d’arbitrage, le tribunal arbitral applique, aux fins des décisions visées à l’article 3, paragraphe 1, sous a), de cette convention, les règles et les principes du droit international. Aux termes de l’article 4, sous b), de ladite convention, le tribunal arbitral applique, aux fins des décisions visées à l’article 3, paragraphe 1, sous b) et c), de celle-ci, le droit international, l’équité et le principe des relations de bon voisinage afin d’obtenir un
résultat juste et équitable tenant compte de toutes les circonstances pertinentes.
9 L’article 6, paragraphe 2, de la convention d’arbitrage stipule que, sauf dispositions contraires, le tribunal arbitral conduit la procédure conformément au règlement facultatif de la Cour permanente d’arbitrage pour l’arbitrage des différends entre deux États. L’article 6, paragraphe 4, de cette convention prévoit que le tribunal arbitral décide dans les meilleurs délais, après consultation des parties, sur toute question de procédure, à la majorité de ses membres.
10 L’article 7, paragraphe 1, de la convention d’arbitrage précise notamment que le tribunal arbitral, après avoir dûment considéré tous les faits pertinents de l’affaire, rend sa sentence dans les meilleurs délais. L’article 7, paragraphe 2, de cette convention énonce que la sentence arbitrale lie les parties et constitue un règlement définitif du différend. Selon l’article 7, paragraphe 3, de ladite convention, les parties prennent toutes les mesures nécessaires afin de mettre en œuvre la
sentence, y compris, en tant que de besoin, la modification de la législation nationale dans les six mois suivant l’adoption de la sentence.
11 En vertu de l’article 9, paragraphe 1, de la convention d’arbitrage, la République de Slovénie lève ses réserves relatives à l’ouverture et à la fermeture des chapitres des négociations relatives à l’adhésion de la République de Croatie à l’Union européenne lorsque l’obstacle porte sur le différend.
12 Conformément à l’article 11, paragraphe 3, de la convention d’arbitrage, tous les délais de procédure fixés dans cette convention s’appliquent à partir de la date de la signature du traité entre le Royaume de Belgique, la République de Bulgarie, la République tchèque, le Royaume de Danemark, la République fédérale d’Allemagne, la République d’Estonie, l’Irlande, la République hellénique, le Royaume d’Espagne, la République française, la République italienne, la République de Chypre, la République
de Lettonie, la République de Lituanie, le Grand-Duché de Luxembourg, la République de Hongrie, la République de Malte, le Royaume des Pays-Bas, la République d’Autriche, la République de Pologne, la République portugaise, la Roumanie, la République de Slovénie, la République slovaque, la République de Finlande, le Royaume de Suède et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord (États membres de l’Union européenne) et la République de Croatie relatif à l’adhésion de la République de
Croatie à l’Union européenne (JO 2012, L 112, p. 10, ci-après le « traité d’adhésion de la Croatie à l’Union »). Cette signature est intervenue le 9 décembre 2011.
Le droit de l’Union
Le droit primaire
13 L’article 15 de l’acte relatif aux conditions d’adhésion à l’Union européenne de la République de Croatie et aux adaptations du traité sur l’Union européenne, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et du traité instituant la Communauté européenne de l’énergie atomique (JO 2012, L 112, p. 21, ci-après l’« acte d’adhésion »), annexé au traité d’adhésion de la Croatie à l’Union, dispose :
« Les actes énumérés dans la liste figurant à l’annexe III font l’objet des adaptations définies dans ladite annexe. »
14 Le point 5 de l’annexe III de l’acte d’adhésion, intitulé « Pêche », a procédé à l’adaptation du règlement (CE) no 2371/2002 du Conseil, du 20 décembre 2002, relatif à la conservation et à l’exploitation durable des ressources halieutiques dans le cadre de la politique commune de la pêche (JO 2002, L 358, p. 59), en ajoutant à l’annexe I de ce règlement des points 11 et 12, respectivement intitulés « Bande côtière de la Croatie » et « Bande côtière de la Slovénie ». Les notes en bas de page
auxquelles renvoient ces derniers points énoncent, en des termes identiques, que « [l]e régime [d’accès aux bandes côtières de la Croatie et de la Slovénie au titre des relations de voisinage] s’appliquera à partir du moment où la sentence arbitrale découlant de la [convention d’arbitrage] aura été pleinement mise en œuvre ». Ces points et notes en bas de page ont été repris, en substance, dans le règlement no 1380/2013, qui a abrogé le règlement no 2371/2002.
Le droit dérivé
– Le règlement (CE) no 1049/2001
15 Aux termes de l’article 4, paragraphe 2, du règlement (CE) no 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO 2001, L 145, p. 43) :
« Les institutions refusent l’accès à un document dans le cas où sa divulgation porterait atteinte à la protection :
[...]
– des procédures juridictionnelles et des avis juridiques,
[...]
à moins qu’un intérêt public supérieur ne justifie la divulgation du document visé. »
– Le règlement no 1224/2009 et le règlement d’exécution no 404/2011
16 Aux termes de son article 1er, le règlement no 1224/2009 établit un régime communautaire de contrôle, d’inspection et d’exécution afin d’assurer le respect des règles de la politique commune de la pêche.
17 Le règlement d’exécution no 404/2011 fixe les modalités d’application de ce régime de contrôle.
– Le règlement no 1380/2013
18 L’article 5, paragraphes 1 et 2, du règlement no 1380/2013 énonce :
« 1. Les navires de pêche de l’Union jouissent d’une égalité d’accès aux eaux et aux ressources dans toutes les eaux de l’Union autres que celles visées aux paragraphes 2 et 3, sous réserve des mesures adoptées en vertu de la partie III.
2. Dans les eaux situées à moins de 12 milles marins des lignes de base relevant de leur souveraineté ou de leur juridiction, les États membres sont autorisés, jusqu’au 31 décembre 2022, à limiter la pêche aux navires de pêche opérant traditionnellement dans ces eaux à partir des ports de la côte adjacente, sans préjudice de régimes applicables aux navires de pêche de l’Union battant pavillon d’autres États membres au titre des relations de voisinage existant entre États membres et des
modalités prévues à l’annexe I, qui fixe, pour chacun des États membres, les zones géographiques des bandes côtières des autres États membres où ces activités sont exercées ainsi que les espèces sur lesquelles elles portent. Les États membres informent la Commission des limitations mises en place en vertu du présent paragraphe. »
19 L’annexe I de ce règlement, intitulée « Accès aux bandes côtières au sens de l’article 5, paragraphe 2 », prévoit, à ses points 8 et 10, des régimes d’accès concernant respectivement la « [b]ande côtière de la Croatie » et la « [b]ande côtière de la Slovénie ». Les notes en bas de page auxquelles renvoient ces points précisent, en des termes identiques, que « [l]e régime [d’accès aux bandes côtières de la Croatie et de la Slovénie au titre des relations de voisinage] ne s’applique qu’à partir du
moment où la sentence arbitrale découlant de la [convention d’arbitrage] aura été pleinement mise en œuvre ».
– La directive 2014/89
20 Conformément à son article 1er, paragraphe 1, la directive 2014/89 établit un cadre pour la planification de l’espace maritime dans le but de promouvoir la croissance durable des économies maritimes, le développement durable des espaces maritimes et l’utilisation durable des ressources marines.
21 L’article 2 de cette directive, intitulé « Champ d’application », prévoit, à son paragraphe 4 :
« La présente directive ne porte pas atteinte aux droits souverains et à la juridiction des États membres sur les eaux marines qui découlent du droit international en la matière, notamment la [convention des Nations unies sur le droit de la mer (CNUDM), signée à Montego Bay le 10 décembre 1982 et entrée en vigueur le 16 novembre 1994 (Recueil des traités des Nations unies, vol. 1833, 1834 et 1835, p. 3)]. En particulier, l’application de la présente directive n’influe pas sur le tracé et la
délimitation des frontières maritimes par les États membres conformément aux dispositions pertinentes de la CNUDM. »
22 L’article 11 de ladite directive, intitulé « Coopération entre États membres », dispose, à son paragraphe 1 :
« Dans le cadre du processus de planification et de gestion, les États membres riverains d’eaux marines coopèrent en vue de s’assurer que les plans issus de la planification de l’espace maritime sont cohérents et coordonnés au sein de la région marine concernée. Cette coopération prend notamment en considération les questions de nature transnationale. »
– Le code frontières Schengen
23 L’article 4 du code frontières Schengen, intitulé « Droits fondamentaux », énonce :
« Lorsqu’ils appliquent le présent règlement, les États membres agissent dans le plein respect des dispositions pertinentes du droit de l’Union, y compris de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne [...], du droit international applicable, dont la convention relative au statut des réfugiés, signée à Genève le 28 juillet 1951 [Recueil des traités des Nations Unies, vol. 189, p. 150, no 2545 (1954)], des obligations liées à l’accès à la protection internationale, en particulier le
principe de non-refoulement, et des droits fondamentaux. [...] »
24 L’article 13, paragraphes 1 et 2, de ce code prévoit :
« 1. La surveillance des frontières a pour objet principal d’empêcher le franchissement non autorisé de la frontière, de lutter contre la criminalité transfrontalière et de prendre des mesures à l’encontre des personnes ayant franchi illégalement la frontière. Une personne qui a franchi illégalement une frontière et qui n’a pas le droit de séjourner sur le territoire de l’État membre concerné est appréhendée et fait l’objet de procédures respectant la directive 2008/115/CE [du Parlement
européen et du Conseil, du 16 décembre 2008, relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier (JO 2008, L 348, p. 98)].
2. Les gardes-frontières agissent en unités fixes ou mobiles pour procéder à la surveillance des frontières extérieures.
Cette surveillance est effectuée de manière à empêcher et à dissuader les personnes de se soustraire aux vérifications aux points de passage frontaliers. »
25 L’article 17 dudit code, intitulé « Coopération entre les États membres », dispose, à ses paragraphes 1 à 3 :
« 1. Les États membres se prêtent assistance et assurent entre eux une coopération étroite et permanente pour que le contrôle aux frontières soit mis en œuvre de manière efficace, conformément aux articles 7 à 16. Ils échangent toutes informations utiles.
2. La coopération opérationnelle entre États membres en matière de gestion des frontières extérieures est coordonnée par l’[Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des États membres de l’Union européenne].
3. Sans préjudice des compétences de l’Agence, les États membres peuvent poursuivre la coopération opérationnelle avec d’autres États membres et/ou pays tiers aux frontières extérieures, y compris l’échange d’officiers de liaison, lorsque cette coopération complète l’action de l’Agence.
Les États membres s’abstiennent de toute activité susceptible de compromettre le fonctionnement de l’Agence ou la réalisation de ses objectifs.
Les États membres informent l’Agence en ce qui concerne la coopération opérationnelle visée au premier alinéa. »
Les antécédents du litige
26 Le 25 juin 1991, la République de Croatie et la République de Slovénie ont proclamé leur indépendance à l’égard de la République socialiste fédérative de Yougoslavie. Au cours des années 1992 à 2001, ces deux États ont tenté de résoudre la question de la fixation de leurs frontières terrestre et maritime communes grâce à des négociations bilatérales. Ces négociations sont demeurées sans succès pour certains segments de ces frontières.
27 La République de Slovénie est devenue membre de l’Union le 1er mai 2004.
28 Le 4 novembre 2009, la République de Croatie et la République de Slovénie ont signé la convention d’arbitrage, destinée à résoudre le différend frontalier qui les opposait. En vertu de cette convention, qui est entrée en vigueur le 29 novembre 2010, elles s’engageaient à soumettre ce différend au tribunal arbitral institué par celle-ci et dont la sentence les lierait.
29 Après ratification du traité d’adhésion de la Croatie à l’Union par tous les États contractants, conformément aux règles constitutionnelles respectives de ces derniers, celui-ci est entré en vigueur le 1er juillet 2013. La République de Croatie est devenue membre de l’Union à cette même date.
30 Il ressort du dossier de la présente affaire que, dans le cadre de la procédure d’arbitrage devant le tribunal arbitral, un incident de procédure est survenu en raison de communications officieuses entre l’arbitre nommé par la République de Slovénie et l’agent de cet État devant le tribunal arbitral au cours des délibérations de celui-ci. À la suite de la publication de certains articles de presse reflétant la teneur de ces communications, l’arbitre et l’agent concernés ont démissionné de leurs
fonctions respectives.
31 Par lettre du 24 juillet 2015, la République de Croatie a transmis des extraits desdites communications au tribunal arbitral et, eu égard à la rupture fondamentale de confiance occasionnée, selon elle, par celles-ci, a demandé à ce tribunal la suspension de la procédure d’arbitrage.
32 Par note verbale du 30 juillet 2015, la République de Croatie a informé la République de Slovénie qu’elle considérait que cette dernière s’était rendue responsable d’une ou de plusieurs violations substantielles de la convention d’arbitrage, au sens de l’article 60, paragraphes 1 et 3, de la convention de Vienne, et que, en conséquence, elle était en droit de mettre fin à la convention d’arbitrage. Elle a précisé que cette note constituait une notification, conformément à l’article 65,
paragraphe 1, de la convention de Vienne, par laquelle elle proposait de mettre immédiatement fin à la convention d’arbitrage. La République de Croatie a expliqué qu’elle considérait que, par les communications officieuses visées au point 30 du présent arrêt, l’impartialité et l’intégrité de la procédure d’arbitrage avaient été irrévocablement entachées, entraînant une violation manifeste de ses droits.
33 À la même date, le membre du tribunal arbitral nommé par la République de Croatie a démissionné de ses fonctions.
34 Par lettre du 31 juillet 2015, la République de Croatie a informé le tribunal arbitral de sa décision de mettre fin à la convention d’arbitrage et lui en a communiqué les motifs.
35 Le 13 août 2015, la République de Slovénie a informé le tribunal arbitral qu’elle avait soulevé une objection à la notification par la République de Croatie de sa décision de mettre fin à la convention d’arbitrage et a considéré que le tribunal arbitral avait le pouvoir et l’obligation de continuer la procédure.
36 Le 25 septembre 2015, le président du tribunal arbitral a nommé deux nouveaux arbitres aux deux postes vacants, conformément à la procédure de remplacement d’un arbitre prévue à l’article 2 de la convention d’arbitrage.
37 Le tribunal arbitral a, par lettre du 1er décembre 2015, invité les deux parties à soumettre des mémoires écrits « concernant les implications juridiques des points soulevés par la [République de] Croatie dans ses lettres des 24 et 31 juillet 2015 », et a tenu une audience à ce sujet le 17 mars 2016. Seule la République de Slovénie a répondu à l’invitation du tribunal arbitral et a participé à cette audience.
38 Le 30 juin 2016, le tribunal arbitral a statué sur l’incident de procédure par une sentence partielle. Il a considéré, notamment, que, en établissant des contacts officieux avec l’arbitre qu’elle avait initialement nommé, la République de Slovénie avait agi en violation des dispositions de la convention d’arbitrage. Le tribunal arbitral a néanmoins estimé que, compte tenu des mesures correctives ultérieurement prises, ces violations n’avaient pas affecté sa capacité, dans sa composition modifiée,
à rendre une sentence finale de manière indépendante et impartiale au sujet du différend entre les parties, conformément aux règles applicables, de telle sorte que lesdites violations n’avaient privé la convention d’arbitrage ni de son objet ni de son but. Le tribunal arbitral a conclu que la République de Croatie n’était pas en droit de mettre fin à la convention d’arbitrage au titre de l’article 60, paragraphe 1, de la convention de Vienne et que la convention d’arbitrage restait dès lors en
vigueur.
39 Le 29 juin 2017, le tribunal arbitral a rendu la sentence arbitrale, par laquelle il a déterminé la délimitation des frontières maritime et terrestre entre la République de Croatie et la République de Slovénie.
La procédure précontentieuse
40 Par lettre du 29 décembre 2017, la République de Slovénie a attiré l’attention de la Commission sur le rejet par la République de Croatie de la sentence arbitrale et souligné que le refus de cet État membre de mettre en œuvre cette sentence avait pour effet de rendre impossible l’exercice par la République de Slovénie de sa souveraineté sur les zones maritimes et terrestres faisant, conformément au droit international, partie de son territoire. Dans ces circonstances, la République de Slovénie a
indiqué qu’elle se trouvait dans l’impossibilité de respecter tant l’obligation lui incombant en vertu du droit international de mettre en œuvre la sentence arbitrale que celle lui incombant en vertu des traités de mettre en œuvre le droit de l’Union sur son territoire. Compte tenu de la menace que cette situation présentait pour les valeurs de l’Union et le respect du droit de celle-ci, la République de Slovénie a invité la Commission à agir sans délai afin de faire cesser la violation par la
République de Croatie de la convention d’arbitrage et de la sentence arbitrale, cette violation devant s’analyser comme une méconnaissance par ce dernier État membre des obligations auxquelles il était tenu en vertu des traités.
41 À la suite de plusieurs incidents maritimes dans les eaux attribuées à la République de Slovénie par la sentence arbitrale, cet État membre a, par lettre du 16 mars 2018, engagé une procédure en constatation de manquement contre la République de Croatie en saisissant la Commission, conformément à l’article 259, deuxième alinéa, TFUE.
42 Le 17 avril 2018, la République de Croatie a présenté des observations écrites à la Commission. Les deux parties ont participé à une audience devant la Commission.
43 La Commission n’a pas émis d’avis motivé dans le délai de trois mois prévu à l’article 259, quatrième alinéa, TFUE.
La procédure devant la Cour
44 Par acte déposé au greffe de la Cour le 13 juillet 2018, la République de Slovénie a introduit le présent recours.
45 Par acte séparé du 21 décembre 2018, la République de Croatie a soulevé une exception d’irrecevabilité du présent recours, en vertu de l’article 151, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour.
46 La République de Slovénie a répondu à cette exception le 12 février 2019.
47 Par décision du 21 mai 2019, la Cour a renvoyé l’affaire devant la grande chambre aux fins qu’il soit statué sur l’exception d’irrecevabilité.
48 Par acte séparé déposé au greffe de la Cour le 31 mai 2019, la République de Croatie a, en vertu de l’article 151 du règlement de procédure, demandé le retrait du document de travail interne de la Commission relatif à l’avis de son service juridique, figurant aux pages 38 à 45 de l’annexe C.2 de la réponse de la République de Slovénie à l’exception d’irrecevabilité (ci-après le « document litigieux »).
49 Par lettres du greffe de la Cour du 3 et du 12 juin 2019, les parties ont été invitées, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 62, paragraphe 1, du règlement de procédure, à répondre à une question lors de l’audience à venir et à produire certains documents. Les parties ont dûment produit ces documents.
50 Par lettre du greffe de la Cour du 7 juin 2019, la Cour a invité la Commission, au titre de l’article 24, second alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, à répondre par écrit ou, le cas échéant, lors de l’audience à des questions relatives aux dispositions du règlement no 1380/2013.
51 Le 11 juin 2019, la République de Slovénie a présenté ses observations sur la demande de la République de Croatie de retrait du document litigieux du dossier.
52 Par lettre du greffe de la Cour du 20 juin 2019, la Cour a invité la Commission à soumettre ses observations sur cette même demande.
53 Le 28 juin 2019, la Commission a déposé ses observations à cet égard. Dans une lettre séparée du même jour, elle a répondu aux questions qui lui avaient été posées par la Cour dans la lettre du 7 juin 2019.
54 Une audience de plaidoiries s’est tenue le 8 juillet 2019, en présence de la République de Croatie et de la République de Slovénie, au sujet de l’exception d’irrecevabilité.
Sur la demande de retrait du document litigieux du dossier
Argumentation des parties
55 La République de Croatie demande à la Cour de retirer du dossier de la présente affaire le document litigieux.
56 Au soutien de sa demande, la République de Croatie fait valoir que le document litigieux est un avis interne du service juridique de la Commission, émis au cours de la phase précontentieuse de la présente procédure en manquement et qui n’a jamais été rendu public par la Commission. Le maintien de ce document dans le dossier de l’affaire aurait non seulement des répercussions négatives sur le bon fonctionnement de la Commission, mais se heurterait également aux exigences d’un procès équitable.
57 La République de Slovénie conclut au rejet de la demande de la République de Croatie.
58 Premièrement, la République de Slovénie fait valoir qu’elle a eu accès au document litigieux au moyen d’un lien hypertexte figurant dans un article publié sur le site Internet d’un hebdomadaire allemand et souligne que tant cet article que l’avis du service juridique de la Commission sont toujours accessibles en ligne. Ainsi, le fait qu’elle a eu accès audit document n’est pas contraire au règlement no 1049/2001 dès lors que ce document est public.
59 Deuxièmement, la République de Slovénie soutient que la République de Croatie, qui n’est pas l’auteur du document litigieux, n’est pas en droit d’agir à la place de la Commission pour défendre les intérêts de celle-ci en demandant que ce document soit retiré du dossier.
60 Troisièmement, la République de Slovénie soutient qu’aucun enseignement ne peut être tiré en l’espèce de l’arrêt du 1er juillet 2008, Suède et Turco/Conseil (C‑39/05 P et C‑52/05 P, EU:C:2008:374), et de l’ordonnance du 14 mai 2019, Hongrie/Parlement (C‑650/18, non publiée, EU:C:2019:438), étant donné que les affaires ayant donné lieu à cet arrêt et à cette ordonnance mettaient en cause l’utilisation non autorisée de documents dans des litiges impliquant l’institution auteur de ceux-ci. La
présente procédure relèverait d’un cas de figure différent dès lors que la Commission, qui est l’auteur du document litigieux, ne participe pas à celle-ci en qualité de partie défenderesse.
61 En tout état de cause, la République de Slovénie souligne que la production du document litigieux n’est pas de nature à porter atteinte aux intérêts protégés par l’article 4 du règlement no 1049/2001 et que la République de Croatie n’a pas indiqué dans quelle mesure le maintien de ce document dans le dossier de l’affaire y porterait atteinte.
62 Quatrièmement, la République de Slovénie soutient que, à supposer que la Commission intervienne dans la présente affaire ou que la Cour l’invite à présenter ses observations, la divulgation du document litigieux n’aurait aucune incidence au fond sur les observations que celle-ci présenterait à la Cour. En effet, il serait prévisible que, dans un tel cas, la Commission suive, en principe, l’appréciation de son service juridique.
63 La Commission considère, quant à elle, que le document litigieux, qui est un document de travail interne relatif à un avis de son service juridique, devrait être écarté du dossier de l’affaire. Cette institution relève que ledit document n’était pas destiné au public et qu’elle ne l’a pas divulgué à celui-ci ni n’en a autorisé la production dans le cadre d’un litige devant la Cour. Elle ajoute que la Cour n’en a pas non plus ordonné la production.
Appréciation de la Cour
64 Il y a lieu de constater que le document litigieux est une note interne établie par le service juridique de la Commission et adressée au chef de cabinet du président de cette institution, relative à la procédure précontentieuse engagée par la République de Slovénie en application de l’article 259 TFUE, et dans laquelle figure une appréciation juridique des questions de droit pertinentes. Partant, ce document comporte indéniablement un avis juridique.
65 Il est constant, premièrement, que la République de Slovénie n’a pas sollicité de la Commission l’autorisation de produire ledit document devant la Cour, deuxièmement, que cette dernière n’en a pas ordonné la production dans le cadre du présent recours et, troisièmement, que la Commission n’a pas divulgué celui-ci dans le cadre d’une demande d’accès du public aux documents des institutions, conformément aux dispositions du règlement no 1049/2001.
66 Or, selon une jurisprudence constante, il serait contraire à l’intérêt public qui veut que les institutions puissent bénéficier des avis de leur service juridique, donnés en toute indépendance, d’admettre que la production de tels documents internes puisse avoir lieu dans le cadre d’un litige devant la Cour sans que ladite production ait été autorisée par l’institution concernée ou ordonnée par cette juridiction (ordonnance du 14 mai 2019, Hongrie/Parlement, C‑650/18, non publiée, EU:C:2019:438,
point 8 et jurisprudence citée).
67 Cet intérêt se trouve reflété à l’article 4 du règlement no 1049/2001, qui prévoit, à son paragraphe 2, que « [l]es institutions refusent l’accès à un document dans le cas où sa divulgation porterait atteinte à la protection [...] des procédures juridictionnelles et des avis juridiques, [...] à moins qu’un intérêt public supérieur ne justifie la divulgation du document visé ». Même si cette disposition n’est pas applicable dans la présente procédure dans la mesure où la République de Slovénie a
joint le document litigieux à sa réponse à l’exception d’irrecevabilité sans l’autorisation de la Commission, il n’en demeure pas moins qu’il revêt une certaine valeur indicative en vue de la pondération des intérêts requise pour statuer sur la demande de retrait dudit document (voir, en ce sens, ordonnance du 14 mai 2019, Hongrie/Parlement, C‑650/18, non publiée, EU:C:2019:438, points 9, 12 et 13).
68 À cet égard, il y a lieu de relever que, en invoquant et en produisant, dans le cadre du présent recours en manquement au titre de l’article 259 TFUE, un avis juridique émanant du service juridique de la Commission, établi après la saisine de celle-ci et qui comporte une appréciation juridique des questions de droit pertinentes, la République de Slovénie entend confronter la République de Croatie et, le cas échéant, également la Commission à cet avis dans la présente procédure. Autoriser le
maintien de ce dernier dans le dossier de l’affaire, alors que sa divulgation n’a pas été autorisée par la Commission, reviendrait à permettre à la République de Slovénie de contourner la procédure de demande d’accès à un tel document, mise en place par le règlement no 1049/2001 (voir, en ce sens, ordonnance du 14 mai 2019, Hongrie/Parlement, C‑650/18, non publiée, EU:C:2019:438, point 14 et jurisprudence citée).
69 Or, la seule circonstance que la République de Slovénie invoque le document litigieux dans un litige devant la Cour contre une partie autre que l’institution dont émane l’avis qu’il contient est sans incidence sur l’intérêt public des institutions de pouvoir bénéficier des avis de leur service juridique, donnés en toute indépendance, et ne rend dès lors pas superflue la pondération des intérêts requise en vue de statuer sur la demande de retrait de ce document du dossier de l’affaire (voir, par
analogie, ordonnance du 23 octobre 2002, Autriche/Conseil, C‑445/00, EU:C:2002:607, point 12).
70 En l’occurrence, il existe un risque prévisible, loin d’être hypothétique, que la Commission, qui n’a ni émis d’avis motivé, en vertu de l’article 259, troisième alinéa, TFUE, sur les griefs de la République de Slovénie ni fait connaître sa position sur ces griefs en intervenant devant la Cour au soutien des conclusions de l’une ou de l’autre des parties, s’estime, du fait de la production non autorisée du document litigieux dans la présente procédure, contrainte de prendre publiquement position
à propos d’un avis qui était destiné, de toute évidence, à un usage interne. Or, une telle perspective entraînerait inévitablement des répercussions négatives quant à l’intérêt de la Commission à demander des avis juridiques et à recevoir des avis francs, objectifs et complets (voir, par analogie, arrêt du 1er juillet 2008, Suède et Turco/Conseil, C‑39/05 P et C‑52/05 P, EU:C:2008:374, point 42, ainsi que ordonnance du 14 mai 2019, Hongrie/Parlement, C‑650/18, non publiée, EU:C:2019:438,
point 16).
71 En ce qui concerne l’existence d’un intérêt public supérieur justifiant le maintien du document litigieux dans le dossier de la présente affaire, outre le fait que l’avis juridique que contient ce document n’est pas relatif à une procédure législative pour laquelle s’impose une transparence accrue (voir, en ce sens, arrêt du 1er juillet 2008, Suède et Turco/Conseil, C‑39/05 P et C‑52/05 P, EU:C:2008:374, points 46, 47, 67 et 68), il y a lieu de relever que, pour la République de Slovénie,
l’intérêt de ce maintien consiste à être en mesure de se prévaloir de cet avis juridique à l’appui de sa réponse à l’exception d’irrecevabilité soulevée par la République de Croatie. Dans ces conditions, la production dudit avis juridique apparaît guidée par les propres intérêts de la République de Slovénie à étayer son argumentation dans sa réponse à l’exception d’irrecevabilité et non par un quelconque intérêt public supérieur (voir, en ce sens, ordonnance du 14 mai 2019, Hongrie/Parlement,
C‑650/18, non publiée, EU:C:2019:438, point 18).
72 La circonstance que, ainsi que le fait valoir la République de Slovénie, celle-ci ait eu accès au document litigieux par l’entremise du site Internet d’un hebdomadaire dans lequel est paru un article renvoyant, au moyen d’un hyperlien, audit avis, puisqu’il s’agit d’une publication non autorisée de cet avis, ne saurait remettre en cause les considérations qui précèdent (voir, par analogie, ordonnance du 14 mai 2019, Hongrie/Parlement, C‑650/18, non publiée, EU:C:2019:438, point 17).
73 Dans ces conditions, il y a lieu d’accueillir la demande de la République de Croatie tendant au retrait du document litigieux du dossier de l’affaire.
Sur la compétence de la Cour
Argumentation des parties
74 La République de Croatie demande à la Cour de rejeter le présent recours dans son intégralité comme étant irrecevable. Elle invoque notamment, à ce titre, trois griefs d’incompétence.
75 En premier lieu, la République de Croatie fait valoir que les allégations de la République de Slovénie selon lesquelles elle aurait méconnu des obligations lui incombant en vertu du droit de l’Union sont accessoires au règlement du différend concernant la validité et les effets juridiques de la convention d’arbitrage et de la sentence arbitrale. Or, ainsi qu’il aurait été jugé dans l’arrêt du 30 septembre 2010, Commission/Belgique (C‑132/09, EU:C:2010:562), la Cour ne serait pas compétente pour
se prononcer sur la méconnaissance d’obligations découlant du droit de l’Union si ces obligations sont accessoires au règlement préalable d’un autre différend qui ne relève pas de la compétence de la Cour.
76 En deuxième lieu, la République de Croatie soutient que l’objet réel du litige entre les deux États porte, d’une part, sur la validité et les effets juridiques de la convention d’arbitrage, laquelle ne fait pas partie intégrante du droit de l’Union, et, d’autre part, sur la validité et les conséquences juridiques éventuelles de la sentence arbitrale, laquelle n’est toujours pas mise en œuvre. Un tel litige devrait donc être résolu en application des règles du droit international et sa solution ne
dépendrait pas de l’application du droit de l’Union.
77 En troisième lieu, la République de Croatie estime que la Cour n’est compétente, au titre de l’article 259 TFUE, pour se prononcer sur la validité et les effets ni de la convention d’arbitrage, qui est un accord international ne faisant pas partie intégrante du droit de l’Union, ni de la sentence arbitrale rendue sur la base de cette convention. Or, la convention d’arbitrage constituerait le fondement même des violations du droit de l’Union invoquées par la République de Slovénie.
78 La République de Slovénie conclut au rejet de l’exception d’irrecevabilité soulevée par la République de Croatie, en tant que cette dernière conclut à l’incompétence de la Cour pour se prononcer sur le présent recours.
79 En premier lieu, la République de Slovénie estime que, par cette argumentation, la République de Croatie tente de dénaturer unilatéralement l’objet du recours.
80 À cet égard, premièrement, la République de Slovénie souligne qu’elle se borne, dans sa requête, à invoquer une violation du droit primaire et du droit dérivé de l’Union.
81 Deuxièmement, la République de Slovénie considère que la compétence de la Cour au titre de l’article 259 TFUE n’est pas exclue lorsque les faits sur lesquels reposent les allégations de violation du droit de l’Union relèvent tant du droit de l’Union que du droit international. Seul importerait, à cet égard, que ces faits portent sur une violation d’obligations imposées par le droit de l’Union. Cela n’empêcherait toutefois pas que la Cour tienne compte des règles matérielles du droit international
que le droit de l’Union a intégrées ou avait l’intention d’intégrer dans son système juridique.
82 Troisièmement, la République de Slovénie fait valoir, en se fondant sur l’arrêt du 12 septembre 2006, Espagne/Royaume-Uni (C‑145/04, EU:C:2006:543), que l’existence d’un litige bilatéral concernant l’interprétation d’un acte de droit international applicable entre les parties à une procédure en manquement n’exclut pas la compétence de la Cour pour se prononcer dans le cadre de celle-ci.
83 Quatrièmement, aux fins de statuer sur la compétence de la Cour au titre de l’article 259 TFUE, seul importerait le point de savoir si le fondement des conclusions de la requête concerne des « obligations en vertu des traités ».
84 La République de Slovénie considère que sa requête remplit les conditions nécessaires à un examen au titre de l’article 259 TFUE. Il découlerait, en effet, des conclusions de cette dernière et des motifs avancés au soutien de celle-ci que les griefs qu’elle soulève sont tirés du droit primaire de l’Union ainsi que d’un ensemble d’actes de droit dérivé. La République de Slovénie précise que, dans les conclusions de la requête, elle ne demande pas à la Cour de constater un manquement à des
obligations incombant à la République de Croatie en vertu du droit international. La référence qui est faite dans la requête à la sentence arbitrale le serait seulement en tant qu’élément factuel pertinent pour l’interprétation du droit de l’Union, aux fins de décrire le territoire sur lequel les États membres doivent se conformer aux obligations leur incombant en vertu de ce droit.
85 En second lieu, la République de Slovénie se penche sur les griefs d’incompétence soulevés par la République de Croatie.
86 S’agissant, plus particulièrement, du grief d’incompétence tiré du caractère accessoire des violations alléguées du droit de l’Union, la République de Slovénie fait valoir que, étant donné que les territoires respectifs de la République de Croatie et de la République de Slovénie sont déterminés par la frontière fixée conformément au droit international, en l’occurrence par la sentence arbitrale, il n’est demandé à la Cour ni de constater une violation du droit international ni de se prononcer sur
un litige international. La République de Slovénie souligne que la frontière entre les deux États, telle que tracée par la sentence arbitrale, est une donnée de fait dont la Cour peut et doit tenir compte et non une question juridique sur laquelle la Cour pourrait se prononcer. En tout état de cause, la Cour devrait respecter et appliquer le droit international, dans la mesure nécessaire pour interpréter ou appliquer le droit de l’Union.
87 S’agissant des griefs d’incompétence tirés, d’une part, de ce que l’objet réel du litige est constitué par l’interprétation et par l’application du droit international et, d’autre part, de ce que la Cour est incompétente pour se prononcer sur la validité et les effets d’un accord international qui ne fait partie du droit de l’Union, la République de Slovénie souligne que la question de la validité de la convention d’arbitrage ainsi que de la validité et des effets juridiques de la sentence
arbitrale ne fait pas l’objet du litige devant la Cour, ne relève pas de la compétence de celle-ci et, en tout état de cause, a été résolue par la sentence partielle du 30 juin 2016. La circonstance que la République de Croatie est en désaccord avec la sentence arbitrale ne saurait signifier qu’il existe un différend frontalier non résolu ou que la Cour devrait se prononcer sur cette question déjà tranchée.
88 Enfin, la République de Slovénie fait valoir que l’argument de la République de Croatie selon lequel la sentence arbitrale n’est pas directement applicable relève non pas de l’examen de la compétence, mais de l’examen au fond. En tout état de cause, cet argument serait erroné, étant donné que cette sentence serait contraignante conformément au droit international et fixerait ainsi de manière définitive la frontière entre les deux États membres.
Appréciation de la Cour
89 Il y a lieu de rappeler que, en vertu de l’article 259, premier alinéa, TFUE, « [c]hacun des États membres peut saisir la Cour de justice de l’Union européenne s’il estime qu’un autre État membre a manqué à une des obligations qui lui incombent en vertu des traités ».
90 En l’occurrence, il ressort du libellé des conclusions de la requête que la République de Slovénie fonde son recours en manquement sur la prétendue méconnaissance, par la République de Croatie, des obligations qui lui incombent en vertu, premièrement, de l’article 4, paragraphe 3, TUE, deuxièmement, de l’article 2 TUE, troisièmement, de l’article 5, paragraphe 2, du règlement no 1380/2013, lu conjointement avec l’annexe I de ce règlement, quatrièmement, du système de contrôle, d’inspection et de
mise en œuvre des règles prévu par le règlement no 1224/2009 et par le règlement d’exécution no 404/2011, cinquièmement, des articles 4 et 17 du code frontières Schengen, lus conjointement avec l’article 13 de ce code, ainsi que, sixièmement, de l’article 2, paragraphe 4, et de l’article 11, paragraphe 1, de la directive 2014/89.
91 Il convient également de rappeler que la Cour, dans le cadre d’un recours en manquement, a déjà jugé qu’elle est incompétente pour se prononcer sur l’interprétation d’un accord international conclu par des États membres et dont l’objet échappe aux domaines de compétence de l’Union, ainsi que sur les obligations qui en découlent pour ceux-ci (voir, en ce sens, arrêt du 30 septembre 2010, Commission/Belgique, C‑132/09, EU:C:2010:562, point 44).
92 Il ressort de cette jurisprudence que la Cour n’est pas compétente pour se prononcer sur un recours en manquement, qu’il soit formé au titre de l’article 258 TFUE ou de l’article 259 TFUE, lorsque la violation des dispositions du droit de l’Union invoquée à son soutien présente un caractère accessoire par rapport à la prétendue méconnaissance d’obligations issues d’un tel accord.
93 Partant, afin d’appréhender exactement la nature et la portée des manquements allégués, les conclusions de la requête doivent être lues à la lumière des griefs de la République de Slovénie tels qu’ils figurent dans les motifs de la requête.
94 Or, il découle de ces motifs que, par son premier grief, tiré de la violation de l’article 2 TUE, la République de Slovénie vise à faire constater que, en manquant unilatéralement à l’engagement pris pendant le processus d’adhésion à l’Union de respecter la sentence arbitrale à venir, la frontière déterminée par la sentence arbitrale ainsi que les autres obligations découlant de cette sentence, la République de Croatie refuse de respecter l’État de droit consacré à cette disposition et enfreint,
à ce titre, les principes de coopération loyale et de res judicata.
95 Par le deuxième grief, tiré de la violation du principe de coopération loyale consacré à l’article 4, paragraphe 3, TUE, la République de Slovénie fait valoir que la République de Croatie, en refusant de reconnaître et de respecter la frontière déterminée par la sentence arbitrale, met en péril la réalisation des objectifs de l’Union et empêche la mise en œuvre, sur la totalité du territoire slovène, du droit de l’Union, dont l’application dépend de la détermination des territoires des États
membres.
96 Par ses troisième et quatrième griefs, la République de Slovénie soutient que, en ne respectant pas le territoire slovène ni ses frontières, telles qu’établies par la sentence arbitrale, la République de Croatie enfreint le droit de l’Union dans le domaine de la politique commune de la pêche.
97 En particulier, s’agissant du troisième grief, la République de Slovénie avance que, en contestant la frontière telle que déterminée par la sentence arbitrale ainsi qu’en s’opposant à sa démarcation et à la mise en œuvre de cette frontière, la République de Croatie viole les droits exclusifs de la République de Slovénie sur ses eaux territoriales, l’empêche de se conformer aux obligations qui lui incombent en vertu du règlement no 1380/2013 et fait obstacle, par un comportement unilatéral
constituant une violation manifeste de la convention d’arbitrage, à l’application du régime d’accès aux bandes côtières de la Croatie et de la Slovénie au titre des relations de voisinage mis en place par ce règlement, lequel s’applique à ces deux États membres depuis le 30 décembre 2017, soit depuis le lendemain de la date d’expiration du délai de six mois prévu à l’article 7, paragraphe 3, de la convention d’arbitrage pour la mise en œuvre de la sentence arbitrale.
98 Quant au quatrième grief, la République de Slovénie prétend par celui-ci que la République de Croatie enfreint le régime communautaire de contrôle établi afin d’assurer le respect des règles de la politique commune de la pêche, institué par le règlement no 1224/2009 et par le règlement d’exécution no 404/2011, dès lors que ce dernier État membre, du fait de la méconnaissance de leur frontière maritime commune telle que déterminée par la sentence arbitrale, d’une part, empêche la République de
Slovénie de se conformer aux obligations qui lui incombent dans le cadre dudit régime de contrôle et, d’autre part, exerce illégalement, dans les eaux slovènes, des droits qui appartiennent à la République de Slovénie en tant qu’État côtier.
99 Par son cinquième grief, la République de Slovénie soutient que, dès lors que la frontière entre la République de Croatie et la République de Slovénie, telle que déterminée par la sentence arbitrale, demeure une frontière extérieure à laquelle les dispositions du code frontières Schengen relatives aux frontières extérieures s’appliquent, la République de Croatie viole tant les obligations de contrôle de cette frontière que l’obligation de surveillance de celle-ci imposées par ce code. En outre,
elle manquerait à l’obligation d’agir dans le plein respect des dispositions pertinentes du droit international applicable prévues audit code en ce qu’elle refuserait de reconnaître la sentence arbitrale.
100 Par son sixième grief, la République de Slovénie allègue que la République de Croatie, en refusant de reconnaître la sentence arbitrale qui a fixé la délimitation des eaux territoriales entre ces deux États membres et, en particulier, en incluant les eaux territoriales slovènes dans sa planification de l’espace maritime, viole la directive 2014/89. Ce faisant, la République de Croatie rendrait également impossible toute coopération prévue par cette directive.
101 Il découle de ce qui précède que les violations alléguées du droit primaire de l’Union telles que visées par les premier et deuxième griefs résultent, d’après la République de Slovénie elle-même, de la prétendue méconnaissance par la République de Croatie des obligations découlant de la convention d’arbitrage et de la sentence arbitrale rendue sur le fondement de celle-ci, notamment de l’obligation de respecter la frontière fixée dans cette sentence. De même, s’agissant des violations alléguées
du droit dérivé de l’Union telles que visées par les troisième à sixième griefs, celles-ci reposent sur la prémisse selon laquelle la frontière terrestre et maritime entre la République de Croatie et la République de Slovénie a été déterminée conformément au droit international, à savoir par la sentence arbitrale. Le refus, par ce premier État membre, d’exécuter cette sentence empêcherait par conséquent le second État membre de mettre en œuvre, sur la totalité de son territoire, les dispositions
du droit dérivé de l’Union en cause ainsi que de jouir des droits qui lui sont conférés par ces dispositions et ferait obstacle, dans les zones maritimes faisant l’objet du différend, à l’application des dispositions du droit dérivé de l’Union qui font référence à la pleine mise en œuvre de la sentence arbitrale découlant de la convention d’arbitrage.
102 À cet égard, il y a lieu de constater que la sentence arbitrale a été rendue par un tribunal international constitué en vertu d’une convention d’arbitrage bilatérale régie par le droit international, dont l’objet n’entre pas dans les domaines de compétences de l’Union visés aux articles 3 à 6 TFUE et à laquelle l’Union n’est pas partie. Certes, l’Union a offert ses bons offices aux deux parties au différend frontalier en vue de la résolution de celui-ci et la présidence du Conseil a signé la
convention d’arbitrage au nom de l’Union, en tant que témoin. En outre, des liens de connexité existent entre, d’une part, la conclusion de cette convention ainsi que la procédure d’arbitrage menée sur son fondement et, d’autre part, le processus de négociation et d’adhésion de la République de Croatie à l’Union. De telles circonstances ne suffisent toutefois pas pour considérer que la convention d’arbitrage et la sentence arbitrale font partie intégrante du droit de l’Union.
103 En particulier, la circonstance que le point 5 de l’annexe III de l’acte d’adhésion a ajouté à l’annexe I du règlement no 2371/2002 les points 11 et 12 et que les notes en bas de page auxquelles renvoient ces points se réfèrent, en des termes neutres, à la sentence arbitrale rendue sur la base de la convention d’arbitrage, afin de définir la date d’applicabilité du régime d’accès aux bandes côtières de la Croatie et de la Slovénie au titre des relations de voisinage, ne saurait être interprétée
en ce sens que cet acte d’adhésion a incorporé dans le droit de l’Union les engagements internationaux pris dans le cadre de cette convention par la République de Croatie et par la République de Slovénie, notamment l’obligation de respecter la frontière fixée dans cette sentence.
104 Il s’ensuit que les violations alléguées du droit de l’Union présentent un caractère accessoire par rapport à la prétendue méconnaissance par la République de Croatie des obligations issues d’un accord international bilatéral auquel l’Union n’est pas partie et dont l’objet échappe aux domaines de compétences de celle-ci. Un recours en manquement introduit au titre de l’article 259 TFUE ne pouvant avoir pour objet que le non-respect d’obligations découlant du droit de l’Union, la Cour n’est donc,
conformément à ce qui a été rappelé aux points 91 et 92 du présent arrêt, pas compétente pour se prononcer dans le cadre du présent recours sur une méconnaissance alléguée des obligations issues de la convention d’arbitrage et de la sentence arbitrale dont découlent les griefs de la République de Slovénie tirés de prétendues violations du droit de l’Union.
105 Il y a encore lieu de préciser à cet égard que, en l’absence, dans les traités, de définition plus précise des territoires qui relèvent de la souveraineté des États membres, il appartient à chacun d’entre eux de déterminer l’étendue et les limites de son propre territoire, en conformité avec les règles du droit international public (voir, en ce sens, arrêt du 29 mars 2007, Aktiebolaget NN, C‑111/05, EU:C:2007:195, point 54). En effet, c’est par référence aux territoires nationaux que le champ
d’application territorial des traités est établi, au sens de l’article 52 TUE et de l’article 355 TFUE. Du reste, l’article 77, paragraphe 4, TFUE rappelle que les États membres sont compétents concernant la délimitation géographique de leurs frontières, conformément au droit international.
106 En l’occurrence, l’article 7, paragraphe 3, de la convention d’arbitrage prévoit que les parties prendront toutes les mesures nécessaires afin de mettre en œuvre la sentence arbitrale, y compris, en tant que de besoin, en modifiant la législation nationale dans les six mois suivant l’adoption de cette sentence. D’ailleurs, les notes en bas de page relatives aux points 8 et 10 de l’annexe I du règlement no 1380/2013 précisent que, s’agissant de la République de Croatie et de la République de
Slovénie, le régime d’accès aux bandes côtières de ces États membres au titre des relations de voisinage, établi à l’annexe I de ce règlement, « ne s’applique qu’à partir du moment où la [sentence arbitrale] aura été pleinement mise en œuvre ». Or, il est constant, ainsi que M. l’avocat général l’a également relevé en substance au point 164 de ses conclusions, que la sentence arbitrale n’a pas été exécutée.
107 Dans ces conditions, il n’appartient pas à la Cour, sauf à outrepasser les compétences qui lui sont conférées par les traités et empiéter sur les compétences réservées aux États membres en matière de détermination géographique de leurs frontières, d’examiner, dans le cadre du présent recours formé au titre de l’article 259 TFUE, la question de l’étendue et des limites des territoires respectifs de la République de Croatie et de la République de Slovénie, en appliquant directement la frontière
déterminée par la sentence arbitrale afin de vérifier la matérialité des violations du droit de l’Union en cause.
108 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de constater que la Cour est incompétente pour statuer sur le présent recours en manquement.
109 Cette conclusion est sans préjudice de toute obligation découlant, pour chacun des deux États membres concernés, dans leurs relations réciproques mais également envers l’Union et les autres États membres, de l’article 4, paragraphe 3, TUE pour œuvrer loyalement à la mise en place d’une solution juridique définitive conforme au droit international, telle que préconisée dans l’acte d’adhésion, qui assure l’application effective et sans entrave du droit de l’Union dans les zones concernées et pour
mettre fin à leur différend en empruntant l’une ou l’autre voie de règlement de celui-ci, y inclus, le cas échéant, en soumettant ce différend à la Cour en vertu d’un compromis au titre de l’article 273 TFUE.
Sur les dépens
110 Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.
111 La République de Croatie ayant conclu à la condamnation de la République de Slovénie et cette dernière ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.
Par ces motifs, la Cour (grande chambre) déclare et arrête :
1) Le document de travail interne de la Commission européenne relatif à l’avis de son service juridique, figurant aux pages 38 à 45 de l’annexe C.2 de la réponse de la République de Slovénie à l’exception d’irrecevabilité, est retiré du dossier de l’affaire C-457/18.
2) La Cour de justice de l’Union européenne est incompétente pour statuer sur le recours de la République de Slovénie, introduit sur le fondement de l’article 259 TFUE, dans l’affaire C‑457/18.
3) La République de Slovénie est condamnée aux dépens.
Signatures
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( *1 ) Langue de procédure : le croate.