Vu 1° la requête enregistrée le 2 mai 1983 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat sous le n° 50 291, présentée pour M. Bruno X..., demeurant ... à Paris 75018 , et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1° annule le jugement en date du 19 janvier 1983 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande dirigée contre la décision, en date du 22 septembre 1980 par laquelle la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires a fixé à 45 000 F le montant des bénéfices qu'il a réalisés en 1974, 1975 et 1976 ;
2° annule pour excès de pouvoir cette décision ;
Vu 2° la requête enregistrée le 2 juillet 1984 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat sous le n° 60 420, présentée pour M. Bruno X..., et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1° réforme le jugement en date du 3 mai 1984 par lequel le tribunal administratif de Paris ne lui a accordé qu'une décharge partielle, d'une part, des compléments d'impôts sur le revenu et de majoration exceptionnelle auxquels il a été assujetti respectivement au titre des années 1973 à 1976 et des années 1973 et 1975, d'autre part, des cotisations supplémentaires à la taxe sur la valeur ajoutée auxquelles il a été assujetti pour la période du 1er janvier 1974 au 31 décembre 1977 dans les rôles de la ville de Paris ;
2° lui accorde la décharge totale des impositions contestées ;
3° condamne l'Etat à lui verser une somme de 2 000 F à raison des frais qu'il a engagés et au paiement des frais d'inscription hypothécaire et de mainlevée ;
4° condamne l'Etat à lui verser des dommages et intérêts ainsi que les intérêts moratoires sur les sommes bloquées à titre de garantie ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le livre des procédures fiscales du nouveau code des impôts ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Tiberghien, Maître des requêtes,
- les observations de SCP Lyon-Caen, Fabiani, Liard, avocat de M. Bruno X...,
- les conclusions de M. Fouquet, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que les requêtes n° 50 291 et 60 420 sont relatives à la situation du même contribuable et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'une seule décision ;
Sur la requête n° 50 291 :
Considérant que M. X... n'est pas recevable à demander l'annulation du jugement du tribunal administratif de Paris, en date du 19 janvier 1983, dès lors qu'il n'en conteste pas le dispositif, mais se borne à en critiquer certains motifs ;
Sur la requête n° 60 420 :
En ce qui concerne les revenus fonciers :
Considérant que, dans le dernier état de ces conclusions, M. X... demande que du montant de ses revenus fonciers pour 1974, évaluéspar l'administrationà 1 374 F après déduction d'un montant de charges de 1 026 F, soit déduite une somme de 1 552,80 F correspondant à des charges qu'il a acquittées au cours de l'année 1974 et que le déficit résultant de cette déduction supplémentaire de charges soit imputé sur son revenu global ; que l'administration soutient qu'une fraction, égale à 701,28 F, de la somme de 1 552,80 F, correspond à des arriérés de charges dus au titre de l'année 1973 et qu'elle ne peut, dès lors, être admise en déduction des revenus fonciers perçus en 1974 ;
Considérant, en premier lieu, que les charges dont l'article 31 du code général des impôts autorise la déduction pour la détermination du revenu net sont celles qui ont été effectivement supportées au cours de l'année dont les résultats servent de base à l'imposition ; qu'il est constant que l'arriéré de charges dû par M. X... au titre de 1973 a été réglé par lui au cours du quatrième trimestre de 1974 ; qu'il devait, dès lors, être pris en compte au titre de l'année 1974 et venir en déduction du revenu imposable de ladite année ;
Considérant, en second lieu, qu'il appartient à M. X..., qui entend déduire de son revenu brut des dépenses qui constituaient, selon lui, des charges au sens de l'article 31 précité, de justifier de la réalité et de la consistance et, par suite, du caractère déductible de ces charges ; que l'attestation du syndicat des copropriétaires, produite par M. X... fait état d'un montant de charges de 475,33 F au titre de l'année 1974, auquel doit s'ajouter l'arriéré de charges susmentionné de 701,28 F ; qu'ainsi M. X... ne justifie avoir réglé des charges que pour une somme de 1 176,61 F en 1974 ; que l'administration n'ayant admis la déduction de charges qu'à concurrence de 1 026 F, il y a lieu, pour le Conseil d'Etat, de réduire de 150 F les bases d'imposition assignées à M. X... au titre de l'année 1974 ;
En ce qui concerne les bénéfices industriels et commerciaux :
Au titre de l'année 1974 :
Considérant que par deux décisions des 10 janvier et 28 octobre 1983, postérieures à l'enregistrement de la demande de M. X... au greffe du tribunal administratif de Paris, le directeur des services fiscaux de Paris-Nord-Est a dégrevé l'intéressé de droits et pénalités d'un montant de 436 F au titre des revenus fonciers et d'un montant de 14 932 F correspondant à un rehaussement de 21 600 F apporté à ses revenus imposables dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux au titre de l'année 1974 ; qu'en l'absence de toute demande de compensation de la part de l'administration, le tribunal administratif ne pouvait pas d'office maintenir, dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux au titre de l'année 1974, une base imposable de 1 026 F correspondant à la réduction des bases d'imposition de 1 026 F dans la catégorie des revenus fonciers ayant donné lieu à la décision de dégrèvement susmentionnée portant sur 436 F ; qu'ainsi c'est à tort que le tribunal administratif de Paris a jugé que les bases imposables de M. X... au titre de l'année 1974 devaient être fixées à 1 026 F ; que le requérant est, dès lors, fondé à demander l'annulation du jugement attaqué sur ce point et la réduction de ses bases d'imposition à concurrence de ladite somme de 1 026 F ;
Au titre des années 1975 et 1976 :
Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'après avoir remis à M. X..., le 22 septembre 1978, un avis de vérification de sa situation fiscale d'ensemble, puis lui avoir adressé le 18 mai 1978, un avis de passage indiquant qu'il se présenterait sur son lieu de travail, le 24 mai 1978, le vérificateur lui a envoyé, le 22 mai 1978, un avis établi sur l'imprimé utilisé en cas de vérifiction de comptabilité, qui, tout en modifiant à la demande du contribuable la date prévue pour le passage du vérificateur, mentionnait que l'intéressé devrait tenir à la disposition du vérificateur les documents comptables qu'il aurait à consulter, mais ne précisait pas les années soumises à vérification, comme l'article 1649 septies du code général des impôts alors en vigueur l'exigeait en cas de vérification de comptabilité, que, bien que M. X... n'ait pas été en mesure de présenter de documents comptables concernant son activité imposable dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, le vérificateur a effectué, sur le lieu d'exercice de cette activité et contradictoirement avec le contribuable, des contrôles matériels, auxquels celui-ci ne pouvait s'opposer dans le cadre d'une vérification de comptabilité, alors qu'il n'aurait pas été tenu de s'y prêter dans le cadre d'une vérification appronfondie de sa situation fiscale d'ensemble ; que, dans les conditions où elles se sont déroulées, les opérations auxquelles le vérificateur a procédé ont constitué une vérification de comptabilité qui, faute d'avoir été précédée d'un avis précisant les années sur lesquelles elle porterait, est entachée d'irrégularité ; que, dès lors, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, M. X... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté ses conclusions à fin de décharge des impositions supplémentaires auxquelles il a été assujetti, à la suite de cette vérification irrégulière, à raison du rehausement de 45 000 F a porté à ses revenus imposables, dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, au titre de chacune des années 1975 et 1976 ;
En ce qui concerne les traitements et salaires :
Considérant que M. X... ne justifie pas que, comme il le soutient, les revenus nets imposés dans la catégorie des traitements et salaires, fixés à 7 942 F pour 1975 et 1 360 F pour 1976, ont été inclus dans ses bénéfices non commerciaux et déjà imposés à ce titre ;
En ce qui concerne les dommages-intérêts :
Considérant qu'aux termes de l'article L.207 du livre des procédures fiscales : "Lorsqu'une réclamation contentieuse est admise en totalité ou en partie, le contribuable ne peut prétendre à des dommages-intérêts ou à des indemnités quelconques, à l'exception des intérêts moratoires prévus à l'article L.208" ; que ces dispositions font obstacle à ce que, en dehors du cas où la responsabilité de l'Etat est engagée à raison d'une faute lourde commise par les services fiscaux dans l'assiette de l'impôt, le contribuable puisse obtenir des dommages-intérêts lorsque à la suite d'une réclamation contentieuse, il a obtenu la décharge d'impositions auxquelles il avait été assujetti ; qu'il suit de là que M. X..., qui n'invoque aucune faute lourde des services fiscaux, n'est pas fondé à demander la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 2 000 F à titre de dommages-intérêts ;
En ce qui concerne les d'intérêts moratoires :
Considérant que les intérêts moratoires, prévus par l'article L.208 du livre des procédures fiscales, sont, en vertu des dispositions de l'article R.208-2 du même code, "payés d'office en même temps que les sommes remboursées par le comptable chargé du recouvrement des impôts" ; qu'il n'existe aucun litige né et actuel entre le comptable et M. X... au sujet desdits intérêts ; que, dès lors, les conclusions de la requête qui tendent au versement par l'Etat d'intérêts moratoires ne sont pas recevables ;
En ce qui concerne les frais de garantie et d'hypothèque :
Considérant qu'aux termes de l'article L.208 du livre des procédures fiscales : "... Si le contribuable a constitué des garanties autres qu'un versement en espèces, les frais qu'il a exposés lui sont remboursés dans les limites et conditions fixées par décret", et qu'aux termes de l'article R.208-3 du même livre : "Pour obtenir le remboursement prévu par l'article L.208 des frais qu'il a exposés pour constituer les garanties, le contribuable doit adresser une demande : a. Au trésorier-payeur général, s'il s'agit d'impôts directs recouvrés par les comptables du Trésor... La demande, appuyée de toutes justifications utiles, doit être formulée dans le délai d'un an à compter de la notification de la décision soit du directeur ou du trésorier-payeur général soit du tribunal saisi" ;
Considérant que M. X... ne justifie pas avoir formé une demande de remboursement auprès du service chargé du recouvrement des impositions contestées ; que sa demande n'était, dès lors, pas recevable, ainsi que l'a jugé, à bon droit, le tribunal administratif de Paris ;
Article 1er : Les bases d'imposition de M. X... à l'impôt sur le revenu sont réduites de 1 176 F au titre de l'année 1974, et de 45 000 F au titre de chacune des années 1975 et 1976.
Article 2 : Il est accordé décharge à M. X... de la différence entre le montant des impositions supplémentaires qui lui ont été assignées au titre des années 1974, 1975 et 1976 et celles qui résultent de l'article 1er ci-dessus.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Paris du 3 mai 1984 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 4 : La requête n° 50 291 de M. X... et le surplus des conclusions de sa requête n° 60 420 sont rejetés.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. X... et au ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la privatisation, chargé du budget.