Vu la requête et le mémoire complémentaire enregistrés les 11 août 1983 et 4 novembre 1983 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le CENTRE HOSPITALIER REGIONAL DE TOULOUSE, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
°1) annule le jugement du 15 juin 1983 par lequel le tribunal administratif de Toulouse l'a déclaré responsable des conséquences dommageables du décès de M. Jean-Pierre X... et l'a condamné à verser les sommes de 215 000 F et 50 000 F à Mme X... et à M. Gérard X... en réparation du préjudice subi par eux ;
°2) condamne les consorts X... à lui verser des intérêts sur les sommes qu'il aurait été conduit à leur verser en exécution de ce jugement ;
°3) et subsidiairement à réduire le montant des sommes qu'il a été condamné à verser ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de Mme Lenoir, Maître des requêtes,
- les observations de Me Odent, avocat du CENTRE HOSPITALIER REGIONAL DE TOULOUSE et de la SCP Le Prado, avocat de Mme Alice X... et de M. Gérard X...,
- les conclusions de M. Stirn, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que M. X... a été adressé d'urgence par son médecin traitant le 9 juillet 1976 au service de rhumatologie du centre hospitalier de Rangueil à Toulouse en raison des "phénomènes douloureux polyarticulaires multiples" qu'il présentait ; que le malade fut examiné le même jour vers 11 heures par le chef dudit service qui procéda à un examen clinique, prescrivit des prélèvements articulaires et des analyses sanguines, et décida enfin, en raison d'une tuméfaction importante de la joue gauche de M. X... son envoi à l'Hôtel-Dieu de Toulouse pour qu'il fasse l'objet d'un examen dans le service de stomatologie de cet établissement ; qu'au cours du transport en ambulance le ramenant au centre hospitalier de Rangueil, M. X... décéda, vers 16h 30, des suites d'une défaillance cardiaque dûe à une septicémie suraigüe avec atteinte du myocarde ;
Considérant que l'état de l'instruction ne permet pas de déterminer avec certitude si le décès de M. X... est la conséquence de fautes qu'auraient commises les praticiens du centre hospitalier de Rangueil ou de l'Hôtel-Dieu de Toulouse ; qu'il y a lieu, avant-dire-droit, d'ordonner une expertise médicale à l'effet d'examiner les circonstances de l'affaire et de dire si constituaient des méconnaissances graves des règles de l'art médical, eu égard à l'état du malade et à son évolution dans la journée du 9 juillet 1976, d'une part la décision prise à l'hôpital de Rangueil d'envoyer M. X... en consultation dans un autre établissement, d'autre part la décision prise à l'Hôtel-Dieu de Toulouse de ne pas conserver sur place le patient ou, du moins, de ne pas s'assurer de son retour d'extrême urgence à l'hopital de Rangueil, en prenant des précautions particulières pour son transport, de dire, enfin, compte tenu notamment des indications des rapports d'autopsie, si au moment où le praticien de l'Hôtel-Dieu de Toulouse a décidé le retour de M. X... à Rangueil, ce dernier conservait encore une chance de survie ;
Article 1er : Il sera, avant-dire-droit, procédé à une expertise. L'expert, désigné par le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat, aura pour mission de dire si, eu égard aux circonstances de l'affaire et notamment à l'état de santé de M. X..., constituaient des méconnaissances de l'art médical, d'une part, la décision prise à l'hôpital de Rangueil d'envoyer le patient en consultation dans un autre établissement, d'autre part, la décision prise à l'Hôtel-Dieu de Toulouse de ne pas conserver sur place le malade, ou du moins, de ne pas s'assurer de son retour d'extrême urgence à Rangueil en prenant des précautions particulières pour son transport, de dire, enfin, compte tenu notamment des indications des rapports d'autopsie, si au moment où le praticien de l'Hôtel-Dieu a décidé le retour au centre hospitalier de Rangueil de M. X..., ce dernier conservait encore une chance de survie.
Article 2 : L'expert prêtera serment par écrit ou devant la secrétaire de la section du contentieux du Conseil d'Etat. Le rapport d'expertise sera déposé au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat dans le délai de deux mois suivant la prestation de serment.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme Alice X..., à M. Gérard X..., au centre hospitalier régional de Toulouse, et au ministre délégué auprès du ministre des affaires sociales et de l'emploi, chargé de la santé et de la famille.