Vu 1°) sous le n° 78 538, la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, les 14 mai 1986 et 12 septembre 1986, présentés pour la FEDERATION NATIONALE DES SYNDICATS DE PRODUCTEURS AUTONOMES D'ELECTRICITE E.A.G., dont le siège social est ..., représentée par son président ; la FEDERATION NATIONALE DES SYNDICATS DE PRODUCTEURS AUTONOMES D'ELECTRICITE demande l'annulation pour excès de pouvoir du décret n° 86-404 du 12 mars 1986 portant application de l'article 2 de la loi du 16 octobre 1919 relative à l'utilisation de l'énergie hydraulique ;
Vu 2°) sous le n° 78 441 la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, le 12 mai 1986, présentés pour l'ASSOCIATION DES TRANSPORTEURS FLUVIAUX DU MIDI, dont le siège est ..., représentée par son président en exercice, l'ASSOCIATION "GROUPEMENT DE DEVELOPPEMENT ECONOMIQUE ET DE DEFENSE DE LA MOYENNE GARONNE" dont le siège est ..., représentée par son président en exercice, la COMMMUNE DE BUZET (Lot-et-Garonne), la COMMUNE DE CLERMONT-DESSOUS (Lot-et-Garonne), la COMMUNE d'AIGUILLON (Lot-et-Garonne), la COMMUNE DE SAINTE-BAZEILLE (Lot-et-Garonne), la COMMUNE DE SENESTIS (Lot-et-Garonne), la COMMUNE DE MONTESQUIEU (Lot-et-Garonne), la COMMUNE DE COUTHURES-SUR-GARONNE (Lot-et-Garonne), la COMMUNE DE LAGRUERE (Lot-et-Garonne), la COMMUNE DE GIRONDE (Gironde), la COMMUNE DE LA REOLE (Gironde), la COMMUNE DE BARIE (Gironde), respectivement représentées par leur maire en exercice ; les requérants demandent l'annulation pour excès de pouvoir du décret n° 86-404 du 12 mars 1986 portant application de l'article 2 de la loi du 16 octobre 1919 relative à l'utilisation de l'énergie hydraulique ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code rural ;
Vu le code du domaine public fluvial et de la navigation intérieure ;
Vu la loi du 16 octobre 1919 modifiée par la loi n° 80-531 du 15 juillet 1980 et la loi n° 84-312 du 29 juin 1984 ;
Vu la loi n° 64-1245 du 16 décembre 1964 ;
Vu la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982, ensemble le décret n° 84-365 du 14 mai 1984 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de Mme Même, Conseiller d'Etat,
- les observations de la S.C.P. Lemaitre, Monod, avocat de l'ASSOCIATION DES TRANSPORTEURS FLUVIAUX DU MIDI (A.F.T.M.) et autres et de Me Hennuyer, avocat de la FEDERATION NATIONALE SYNDICATS PRODUCTEURS AUTONOMES D'ELECTRICITE E.A.F.,
- les conclusions de M. Stirn, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que les requêtes n os 78 441 et 78 538 sont dirigées contre un même décret ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée à la requête n° 78 441 :
Sur la légalité externe du décret attaqué :
En ce qui concerne l'autorité ministérielle sur le rapport de laquelle a été pris le décret attaqué :
Considérant que le décret attaqué dont l'objet est de protéger l'environnement en interdisant toute autorisation ou concession pour des entreprises hydrauliques nouvelles sur certains cours d'eau ou sections de cours d'eau pouvait légalement être pris, comme il l'a été, sur le rapport du ministre de l'environnement sans que les autres ministres et secrétaires d'Etat chargés de son exécution aient été associés au rapport présenté par ce ministre ;
Sur les moyens relatifs à la consultation des conseils généraux :
Considérant qu'aux termes de l'article 2 de la loi du 16 octobre 1919 relative à l'utilisation de l'énergie hydraulique, tel qu'il a été modifié par l'article 25 de la loi du 15 juillet 1980 et par l'article 8-III de la loi du 29 juin 1984 : " ... Afin de protéger la nature, la faune et la flore, des dispositions réglementaires définiront les conditions techniques d'aménagement et de fonctionnement des centrales électriques. Sur certains cours d'eaux ou sections des cours d'eaux dont la liste sera fixée par décret en Conseil d'Etat, aucune autorisation ou concession ne sera donnée pour des entreprises hydrauliques nouvelles ..." ; que ni ces dispositions ni aucune autre disposition législative ou réglementaire n'obligeait le gouvernement à consulter les conseils généraux avant d'établir, comme il l'a fait par le décret attaqué, notamment pour le bassin de la Garonne, la liste des cours d'eau ou sections de cours d'eau sur lesquels aucune autorisation ou concession ne serait donnée pour des entreprises hydrauliques nouvelles ; qu'ainsi le moyen tiré de l'absence de consultation des conseils généraux des départements de la Dordogne, du Lot, de l'Aveyron, du Cantal et du Tarn est inopérant ;
Considérant que si le gouvernement a cru devoir consulter les conseils généraux du Lot-et-Garonne et de la Gironde, il était en droit de renoncer à cette consultation, laquelle ainsi qu'il vient d'être dit n'était pas obligatoire, et donc de prendre le décret attaqué au seul vu des avis émis par les bureaux de ces conseils généraux sans attendre que les assemblées départementales se soient prononcées elles-mêmes ; que la circonstance qu'après avoir émis le 17 octobre 1985 un premier avis partiellement défavorable, le bureau du conseil général de la Gironde aurait émis un second avis après l'intervention du décret attaqué, est sans incidence sur la légalité dudit décret ;
Considérant que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 411 du code rural qui impose la consultation des conseils généraux est inopérant dès lors que l'objet du décret attaqué n'est pas de définir, comme le prévoit cet article, la liste des cours d'eau ou parties de cours d'eau devant comporter des dispositifs assurant la circulation des poissons migrateurs mais d'interdire toute autorisation ou concession d'entreprise hydraulique nouvelle ;
Considérant que les dispositions de la circulaire du ministre chargé de l'environnement en date du 15 septembre 1987, relatives à la consultation des conseils généraux, postérieures à l'intervention du décret attaqué, sont, en tout état de cause, sans incidence sur la légalité de celui-ci ;
Sur les moyens tirés du défaut de consultation de certains organismes :
Considérant qu'il ne résulte pas des dispositions des articles 176 à 180 du code du domaine public fluvial et de la navigation intérieure que la consultation de l'office national de la navigation était nécessaire préalablement à l'intervention des mesures faisant l'objet du décret attaqué ; que, de même, aucune disposition de la loi du 30 décembre 1982 ou du décret du 14 mai 1984 n'a prévu la consultation de la Chambre nationale de la batellerie artisanale sur lesdites mesures ; qu'il ressort des pièces du dossier que le conseil supérieur de la pêche a été consulté le 25 octobre 1984 sur les dispositions contenues dans le décret attaqué ; que le moyen tiré du défaut de consultation de la commission de bassin instituée par l'article 417 du code rural ne saurait, en tout état de cause, être retenu dès lors qu'à la date à laquelle est intervenu le décret attaqué, les dispositions réglementaires nécessaires à l'application de l'article 417 susmentionné n'avaient pas encore été prises ; que les dispositions de la loi du 16 décembre 1964 n'imposaient la consultation ni de l'agence financière du bassin Adour Garonne ni du comité de bassin ; qu'enfin, la consultation du syndicat mixte d'étude et de programmation pour l'aménagement de la Garonne n'est prévue par aucune disposition législative ou réglementaire ;
Sur la légalité interne du décret attaqué :
Considérant que le décret attaqué ne méconnaît pas l'article 3 de la loi d'orientation des transports intérieurs du 30 décembre 1982 ;
Considérant qu'il résulte du dossier que les dispositions attaquées ont été prises dans le but d'assurer la protection de la faune aquatique de plusieurs cours d'eau du bassin de la Garonne et spécialement la protection des poissons migrateurs ; que si le gouvernement avait compétence, en application de l'article 411 du code rural, pour rendre obligatoire sur certains cours d'eau ou parties des cours d'eau et canaux, l'installation de dispositifs assurant la circulation des poissons migrateurs, il résulte des dispositions susreproduites de l'article 2 de la loi du 16 octobre 1919 que le gouvernement pouvait également, pour protéger la faune aquatique, interdire, comme il l'a fait par le décret attaqué, notamment en ce qui concerne certains cours d'eau du bassin de la Garonne, l'octroi d'autorisation ou de concession pour les entreprises nouvelles ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que le gouvernement aurait commis un détournement de procédure en se fondant sur l'article 2 de la loi du 16 octobre 1919 pour protéger la faune aquatique ne saurait être accueilli ;
Considérant qu'il ne résulte pas du dossier qu'en prenant les dispositions attaquées le gouvernement ait inexactement apprécié les circonstances de fait qui justifiaient les mesures qu'il a édictées ;
Article 1er : Les requêtes de la fédération nationale des syndicats de producteurs autonomes d'électricité, de l'ASSOCIATION DES TRANSPORTEURS FLUVIAUX DU MIDI, de l'association "Groupement de développement économique et de défense de la moyenne Garonne", de la commune de Buzet (Lot-et-Garonne), de la commune de Clermont-Dessous (Lot-et-Garonne), de la commune d'Aiguillon (Lot-et-Garonne), de la commune de Sainte-Bazeille (Lot-et-Garonne), de la commune de Senestis (Lot-et-Garonne), de la commune de Montesquieu (Lot-et-Garonne), de la commune de Couthures-sur-Garonne (Lot-et-Garonne), de la commune de Lagruère (Lot-et-Garonne), de la commune de Gironde (Gironde), de la commune de La Réole (Gironde) et de la commune de Barie (Gironde) sont rejetées.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la fédération nationale des syndicats de producteurs autonomes d'électricité, à l'ASSOCIATION DES TRANSPORTEURS FLUVIAUX DU MIDI, à l'association "Groupement de développement économique et de défense de la moyenne Garonne", à la commune de Buzet (Lot-et-Garonne), à la commune de Clermont-Dessous (Lot-et-Garonne), à la commune d'Aiguillon (Lot-et-Garonne), à la commune de Sainte-Bazeille (Lot-et-Garonne), à la commune de Senestis (Lot-et-Garonne), à la commune de Montesquieu (Lot-et-Garonne), à la commune de Couthures-sur-Garonne (Lot-et-Garonne), à la commune de Lagruère (Lot-et-Garonne), à la commune de Gironde (Gironde), à la commune de La Réole (Gironde), à la commune de Barie (Gironde), au Premier ministre, au ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé de l'environnement et de la prévention des risques technologiques et naturels majeurs, au ministre de l'agriculture et de la forêt et au ministre de l'intérieur.