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23/10/1991 | FRANCE | N°64658

France | France, Conseil d'État, 9 / 8 ssr, 23 octobre 1991, 64658


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés le 18 décembre 1984 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société anonyme "GRANDE BRASSERIE DES ENFANTS DE GAYANT", représentée par son président-directeur général demeurant au siège de la société ..., et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 6 juin 1984 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande en décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 19

73 à 1976 et de la majoration exceptionnelle pour 1973 et 1975 ;
2°) lui accord...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés le 18 décembre 1984 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société anonyme "GRANDE BRASSERIE DES ENFANTS DE GAYANT", représentée par son président-directeur général demeurant au siège de la société ..., et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 6 juin 1984 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande en décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1973 à 1976 et de la majoration exceptionnelle pour 1973 et 1975 ;
2°) lui accorde la décharge des impositions contestées ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Vu le III de l'article 81 de la loi n° 86-1317 du 30 décembre 1986 modifié par l'article 93 de la loi n° 87-1060 du 30 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. d' Harcourt, Conseiller d'Etat,
- les observations de Me Roger, avocat de la société anonyme "GRANDE BRASSERIE DES ENFANTS DE GAYANT",
- les conclusions de M. Ph. Martin, Commissaire du gouvernement ;

Sur l'étendue du litige :
Considérant que, par décision en date du 15 novembre 1989, postérieure à l'introduction du pourvoi, le directeur régional des impôts de Lille a accordé à la société anonyme "GRANDE BRASSERIE DES ENFANTS DE GAYANT" des dégrèvements de 23 126 F et 86 413 F résultant de la substitution des intérêts de retard à l'amende fiscale dont avaient été assorties les impositions contestées, respectivement, des années 1973 et 1974 ; que les conclusions de la requête susvisée sont ainsi devenues, sur ce point, sans objet ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que les premiers juges ont suffisamment motivé leur décision en ce qui concerne l'abus de droit ;
Sur la régularité de la décision du directeur :
Considérant que les irrégularités qui peuvent entacher la décision par laquelle le directeur statue sur la réclamation du contribuable sont sans influence sur la régularité ou le bien-fondé des impositions contestées ; qu'ainsi les moyens tirés de l'incompétence de l'autorité signataire de la décision du directeur et de l'insuffisante motivation de cette décision sont inopérants ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
Sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par l'administration :
Considérant, en premier lieu, que les vérifications de comptabilité sont prévues par les articles 55 et 58 du code général des impôts, applicables en matière d'impôt sur les sociétés en vertu du 1 de l'article 209 du même code ; qu'ainsi la société anonyme "GRANDE BRASSERIE DES ENFANTS DE GAYANT" n'est pas fondée à soutenir que la vérification dont sa comptabilité a fait l'objet n'aurait eu aucun fondement légal ;

Considérant, en second lieu, que l'administration a envoyé à la société anonyme "GRANDE BRASSERIE DES ENFANTS DE GAYANT", le 8 juin 1977, un avis de vérification qui mentionnait la faculté qu'avait le contribuable de se faire assister d'un conseil de son choix et qui comportait des indications suffisantes pour avertir celui-ci que le contrôle dont il allait faire l'objet consisterait en une vérification de comptabilité ; que ledit avis précisait en outre que la vérification commencerait le 14 juin 1977 au siège de l'entreprise ; que la société, à qui cet avis a été délivré le 9 juin 1977, a ainsi disposé d'un délai suffisant ;
Considérant, en troisième lieu, que la notification et la confirmation de redressements des 25 octobre 1977 et 30 mai 1978 ont été signées par un inspecteur appartenant à un corps de fonctionnaires de catégorie A et affecté à la direction régionale des impôts de Lille, dans le ressort de laquelle la société requérante avait son siège ; qu'ainsi cet inspecteur était compétent pour fixer les bases d'imposition en vertu de l'article 376 de l'annexe II au code général des impôts, alors applicable ;
Considérant, en quatrième lieu, que le motif par lequel le vérificateur a justifié l'abus de droit dans sa notification de redressements du 25 octobre 1977, alors même qu'il n'aurait pas été juridiquement fondé, était en tout état de cause suffisant eu égard aux dispositions du 2 de l'article 1649 quinquies A du code alors applicables ; que, contrairement à ce que soutient la société, cette notification a indiqué le délai de 30 jours imparti au contribuable pour faire connaître son acceptation ou ses observations ; que l'article 117 du code étant sans application en l'espèce, le moyen pris de la violation de ce texte est inopérant ; que la réponse aux observations du contribuable du 30 mai 1978 a également été suffisante eu égard aux prescriptions de l'article 6 de la loi n° 77-1453 du 29 décembre 1977 ;

Considérant, enfin, que les erreurs ou les insuffisances des avis d'imposition sont sans incidence sur la régularité des impositions ;
Sur le bien-fondé des impositions contestées et sur l'amende fiscale :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. d'X..., président-directeur général, et M. Y..., directeur général adjoint de la société anonyme "GRANDE BRASSERIE DES ENFANTS DE GAYANT", tous deux associés de ladite société, ont consenti à celle-ci, par conventions en date du 29 décembre 1970, des prêts respectivement de 100 000 F et 460 000 F d'une durée d'un an, renouvelables par tacite reconduction pour une nouvelle durée d'un an ; que ces prêts étaient assortis d'une clause d'indexation des sommes mises à la disposition de la société, et remboursables aux prêteurs, en fonction d'une formule faisant intervenir divers paramètres intéressant l'industrie de la brasserie, l'indice étant calculé au 31 décembre de chaque année ; que les prêts ont en outre été assortis d'un intérêt de 3,50 % par avenants du 3 décembre 1971 ; que l'administration a réintégré dans les bénéfices des exercices 1973, 1974, 1975 et 1976, comme ayant été à tort passées en charges déductibles, les sommes versées aux deux dirigeants au titre de l'indexation et de l'intérêt des prêts, lesquels avaient entre-temps été tacitement reconduits et augmentés des produits de l'indexation des années antérieures, pour autant que lesdites sommes avaient excédé, pour chacun des exercices, le taux des avances de la Banque de France majoré de deux points ; que, pour justifier cette réintégration, l'administration ne conteste pas la licéité de la clause d'indexation, mais soutient que le produit de l'indexation aurait été excessif ;

Considérant que pour licite, au regard de la loi fiscale, que puisse être une clause d'indexation portant sur des sommes qui ont été prêtées à une entreprise ou qui ont été laissées à sa disposition en exécution d'un accord assimilable à un prêt, le jeu de cette indexation, s'il se cumule avec l'allocation d'intérêts, ne doit en tous cas pas conduire à une rémunération anormalement élevée du service rendu par le prêteur ; que, pour apprécier cette condition, qui est indépendante de celles mises à la déductibilité des intérêts servis aux associés par le 1 3°) de l'article 39 et par l'article 212 du code général des impôts, il y a lieu de se référer aux circonstances qui prévalaient aux époques où la société emprunteuse a souscrit à la clause d'indexation ou à son renouvellement et aux conditions auxquelles la société aurait pu, à défaut du prêt assorti d'une telle clause, obtenir les crédits bancaires dont elle aurait eu besoin ; que s'il apparaît au terme de cet examen, qui doit être effectué exercice par exercice, que la rémunération a été excessive, le produit de l'indexation doit être assimilé à un intérêt ;
Considérant qu'en se fondant seulement sur ce que le produit de l'indexation ajouté à l'intérêt de 3,50 % a dépassé le taux des avances de la Banque de France majoré de deux points pour chacun des exercices 1973 à 1976, l'administration ne justifie, ni de ce que la société aurait pu obtenir des crédits bancaires à des conditions moins onéreuses que celles résultant du cumul de la clause d'indexation et de la clause d'intérêts susindiquées, ni, au cas où il devrait être donné à cette question une réponse affirmative, de ce que les conséquences anormalement onéreuses pour l'emprunteur du mode d'indexation auraient été prévisibles par lui aux dates des 29 décembre 1970 et 3 décembre 1971 auxquelles cette clause a été souscrite ou complétée par une clause d'intérêts, ou aux dates des 30 novembre 1973, 1974, 1975 et 1976 qui étaient les dates-limites contractuelles assignées aux parties pour refuser la reconduction de cette clause, respectivement, à chacune desdites années ; que, cependant, l'état du dossier ne permet pas au Conseil d'Etat de se prononcer sur ces points, dont l'appréciation dépend notamment de l'évolution de l'index pendant les années antérieures aux exercices d'imposition et des possibilités de crédit bancaire que l'entreprise avait, pendant lesdits exercices, compte tenu de sa situation propre ; qu'il y a lieu, dès lors, d'ordonner un supplément d'instruction ; que l'administration, soutenant que la clause d'indexation a relevé d'un abus de droit ou, à tout le moins, d'un acte de gestion anormale, et n'invoquant aucun élément de la procédure d'imposition de nature à faire supporter au contribuable la charge de la preuve, a la charge de la preuve dans ce supplément d'instruction ;
Article 1er : Il n'y a lieu de statuer sur les conclusionsde la requête susvisée de la société anonyme "GRANDE BRASSERIE DES ENFANTS DE GAYANT" tendant à la décharge d'amendes fiscales de 23 126F et 86 413 F auxquelles elle a été assujettie au titre, respectivement, des années 1973 et 1974, dont il a été accordé dégrèvement.
Article 2 : Il sera, avant de statuer sur les conclusions de la requête susvisée de la société anonyme "GRANDE BRASSERIE DES ENFANTS DE GAYANT" relatives au bien-fondé des impositions contestées et à l'amende fiscale encore en litige, procédé, par les soins du ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et du budget, chargé du budget, contradictoirement avec ladite société, à un supplément d'instruction afin d'examiner les éléments fournis par le ministre en vue de démontrer, conformément aux principes contenus dans les motifs de la présente décision, l'exagération de la rémunération servie pendant les exercices clos en 1973, 1974, 1975 et 1976 à MM. d'X... et Y... pour les prêts consentis le 29 décembre 1970 à la société dont s'agit.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête susvisée dela société anonyme "GRANDE BRASSERIE DES ENFANTS DE GAYANT" est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société anonyme "GRANDE BRASSERIE DES ENFANTS DE GAYANT" et au ministre délégué au budget.


Synthèse
Formation : 9 / 8 ssr
Numéro d'arrêt : 64658
Date de la décision : 23/10/1991
Sens de l'arrêt : Supplément d'instruction
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

- RJ1 CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REVENUS ET BENEFICES IMPOSABLES - REGLES PARTICULIERES - BENEFICES INDUSTRIELS ET COMMERCIAUX - DETERMINATION DU BENEFICE NET - CHARGES FINANCIERES - Charges afférentes à un prêt assorti d'une clause d'indexation (régime antérieur à la loi de finances pour 1983) - Jeu de l'indexation ne devant pas conduire à une rémunération anormalement élevée du service rendu par le prêteur (1).

19-04-02-01-04-081, 19-04-02-01-04-082(1), 19-04-02-01-04-082(2) Pour licite, au regard de la loi fiscale, que puisse être une clause d'indexation portant sur des sommes qui ont été prêtées à une entreprise ou qui ont été laissées à sa disposition en exécution d'un accord assimilable à un prêt, le jeu de cette indexation, s'il se cumule avec l'allocation d'intérêts, ne doit en tous cas pas conduire à une rémunération anormalement élevée du service rendu par le prêteur. Pour apprécier cette condition, qui est indépendante de celles mises à la déductibilité des intérêts servis aux associés par le 1-3°) de l'article 39 et par l'article 212 du C.G.I., il y a lieu de se référer aux circonstances qui prévalaient aux époques où la société emprunteuse a souscrit à la clause d'indexation ou à son renouvellement et aux conditions auxquelles la société aurait pu, à défaut du prêt assorti d'une telle clause, obtenir les crédits bancaires dont elle aurait eu besoin. S'il apparaît au terme de cet examen, qui doit être effectué exercice par exercice, que la rémunération a été excessive, le produit de l'indexation doit être assimilé à un intérêt.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REVENUS ET BENEFICES IMPOSABLES - REGLES PARTICULIERES - BENEFICES INDUSTRIELS ET COMMERCIAUX - DETERMINATION DU BENEFICE NET - ACTE ANORMAL DE GESTION (1) Avantages consentis à des partenaires commerciaux - Règles générales - Prêt assorti d'une clause d'indexation d'indexation (régime antérieur à la loi de finances pour 1983) - Jeu de l'indexation ne devant pas conduire à une rémunération anormalement élevée du service rendu par le prêteur - (2) - RJ1 Charges afférentes à un prêt assorti d'une clause d'indexation (régime antérieur à la loi de finances pour 1983) (1).


Références :

CGI 55, 58, 209 1, 1649 quinquies A, 117, 212, 39
CGIAN2 376
Loi 77-1453 du 29 décembre 1977 art. 6

1.

Cf. Plénière, 1981-05-08, 8294, p. 25


Publications
Proposition de citation : CE, 23 oct. 1991, n° 64658
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Rougevin-Baville
Rapporteur ?: M. d'Harcourt
Rapporteur public ?: M. Ph. Martin

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1991:64658.19911023
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