Vu la requête et le mémoire complémentaire enregistrés les 14 mars 1986 et 4 juillet 1986 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Michel X..., exploitant la Brasserie "la Concorde", 28 place Carnot à Beaune (21200) ; M. X... demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 14 janvier 1986 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande en décharge du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé pour la période du 1er janvier 1975 au 31 mars 1978 par avis de mise en recouvrement du 13 février 1981, et des suppléments d'impôt sur le revenu mis à sa charge au titre des années 1975, 1976, 1977 et 1978, ainsi que de la majoration exceptionnelle au titre de l'année 1975 ;
2°) prononce la décharge de ces impositions et des pénalités dont elles ont été assorties ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le livre des procédures fiscales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Le Menestrel, Conseiller d'Etat,
- les observations de la S.C.P. Lesourd, Baudin, avocat de M. Michel X...,
- les conclusions de M. Bachelier, Commissaire du gouvernement ;
Sur l'étendue du litige :
Considérant que, par une décision postérieure à l'introduction de la requête, le directeur régional des impôts de Dijon a prononcé le dégrèvement en droits et pénalités du supplément d'impôt sur le revenu s'élevant à 33 819 F auquel M. X... a été assujetti au titre de l'année 1976 ; que les conclusions de la requête de M. X... relatives à cette imposition sont, dans cette mesure, devenues sans objet ;
Sur l'impôt sur le revenu au titre de l'année 1975 et la taxe sur la valeur ajoutée afférente à la période du 1er janvier au 31 décembre 1975 :
Considérant que la vérification de comptabilité de la brasserie exploitée à Beaune par M. X... a fait apparaître, pour l'année 1975, que ladite comptabilité retraçait les recettes globales de la journée sans que les pièces justificatives ou les bandes de caisses enregistreuses aient été conservées, empêchant ainsi de vérifier l'exactitude des recettes encaissées ; que si M. X... a produit des fiches, tenues par chaque serveur et comportant le total des recettes journalières de l'intéressé et le montant des frais de téléphone et de cigarettes, ces fiches ne donnent pas le détail des recettes de bar et de restaurant et ne peuvent ainsi être regardées comme des pièces comptables établissant la recette journalière de l'établissement ; que, si M. X... invoque la tolérance qui admet la comptabilisation globale des recettes inférieures à 200 F lesquelles, selon lui, auraient représenté la totalité des recettes, cette tolérance ne saurait le dispenser de la justification des recettes de la journée ; que les irrégularités constatées étant suffisantes pour priver la comptabilité du requérant de valeur probante, c'est à bon droit que pour l'année 1975, l'administration a rectifié d'office ses résultats ; que dès lors il appartient à M. X... de prouver l'exagération des bases d'imposition retenues ;
Considérant que pour reconstituer les recettes de bar, le vérificateur a regardé comme achats revendus, les achats de l'exercice augmentés du stock d'entrée et diminués du stock de sortie, chiffrant les quantités revendues en divisant le contenu d'un litre par la dose retenue ; que, si M. X..., qui a eu connaissance de la méthode suivie par le service et ne la conteste pas, critique la faible évaluation des doses théoriques admises, celle des pertes de toute nature, la non rectification des erreurs qu'il aurait démontrées ainsi que le caractère "excessif" du coefficient de 5,48 retenu initialement par le vérificateur et ramené en réalité à 4,85 pour tenir compte des observations du contribuable, il n'apporte aucune précision à l'appui de ses allégations et n'établit pas ainsi l'exagération de l'évaluation desdites recettes ;
Considérant en revanche que, les éléments ayant servi à fixer à 3,27 le coefficient applicable aux recettes de restaurant, ramené ensuite à 2,56, n'ont été retrouvés, avant correction, que pour les sandwiches, et non pour l'ensemble de la carte ; que dans ces conditions, le requérant est fondé à soutenir qu'en raison du caractère excessivement sommaire des éléments produits par l'administration, il n'a pas été mis en mesure de contester utilement la reconstitution des recettes de restauration ; que le requérant ne proposant aucune autre méthode, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de fixer à 2 le coefficient à retenir pour reconstituer les recettes provenant de l'activité de brasserie ;
En ce qui concerne l'impôt sur le revenu au titre de 1977 :
Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 168 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l'année 1977, qu'au cas de disproportion marquée entre le train de vie d'un contribuable et les revenus qu'il déclare, la base d'imposition à l'impôt sur le revenu est portée à une somme forfaitaire déterminée en appliquant à certains éléments de ce train de vie un barème déterminé par ce texte ; que toutefois la "disproportion marquée" ainsi visée n'est établie que lorsque la somme forfaitaire qui résulte de l'application du barème excède d'au moins un tiers, pour l'année de l'imposition et l'année précédente, le montant du revenu net global déclaré ;
Considérant que la notification de redressement du 29 octobre 1979 par laquelle le service a porté à la connaissance de M. X... la base d'imposition qui lui était applicable pour l'année 1977 ne comportait pas les éléments de calcul de la somme correspondant au train de vie de l'intéressé pour l'année 1976 ; que dès lors, et sans que l'administration puisse utilement se prévaloir de ce que ces indications auraient figuré dans une notification adressée le même mois des bases d'imposition forfaitaire pour l'année 1976, la procédure d'imposition relative à l'année 1977 doit être regardée comme irrégulière ;
En ce qui concerne l'impôt sur le revenu de 1978 :
Considérant, que pour contester le supplément d'impôt sur le revenu mis à sa charge au titre de l'année 1978 selon la procédure de redressement unifiée, prévue par les dispositions de l'article 1649 quinquies A du code général des impôts alors en vigueur, M. X... se borne à soutenir que la fraction de l'achat en crédit-bail de son véhicule retenue comme charge professionnelle et fixée à 1/6 doit être portée à 50 % ; que la quote-part retenue a été déterminée conformément à l'avis de la commission départementale et qu'il appartient par suite au contribuable d'apporter la preuve de l'insuffisance de cette évaluation ; qu'il ne produit aucune indication ou élément de nature à établir cette preuve ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a refusé de lui accorder la réduction des compléments d'impôt sur le revenu et de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre respectivement de l'année 1975 et de la période correspondant à l'année 1975, et la décharge du supplément d'impôt sur le revenu mis à sa charge au titre de l'année 1977 ;
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. X... relatives au supplément d'impôt sur le revenu mis à sa charge au titre de l'année 1976.
Article 2 : Les bases imposables de M. X... pour l'établissement de la taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période correspondant à l'année 1975 et de l'impôt sur le revenu au titre de cette même année seront calculées en retenant un coefficient de 2 pour la reconstitution des recettes de brasserie.
Article 3 : M. X... est déchargé de la différence entre le complément de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période correspondant à l'année 1975 et la taxe sur la valeur ajoutée calculée selon les bases définies à l'article 2 de la présente décision, ainsi que des pénalités correspondantes.
Article 4 : M. X... est déchargé d'une part de la différence entre le supplément d'impôt sur le revenu et la majoration exceptionnelle mis à sa charge au titre de l'année 1975 d'une part et ceux qui résultent des bases d'imposition calculées dans les conditions fixées à l'article 2 ci-dessus, ainsi que des pénalités correspondantes, d'autre part du supplément d'impôt sur le revenu mis à sa charge au titre de l'année 1977 et des pénalités correspondantes.
Article 5 : Le jugement du tribunal administratif de Dijon en date du 14 janvier 1986 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X... est rejeté.
Article 7 : La présente décision sera notifiée à M. Michel X... et au ministre du budget.