Vu la requête enregistrée le 28 janvier 1991 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la SOCIETE "NORD ECLAIR", société anonyme, dont le siège social est ..., représentée par son président directeur général en exercice ; la SOCIETE "NORD ECLAIR" demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt en date du 2 octobre 1990 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Lille en date du 29 août 1988, rejetant sa demande en décharge du supplément d'impôt sur les sociétés auquel elle a été assujettie au titre des exercices ... ;
2°) de prononcer la décharge de cette imposition ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le livre des procédures fiscales;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Le Roy, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP de Chaisemartin, Courjon, avocat de la SOCIETE "NORD ECLAIR",
- les conclusions de M. Bachelier, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'il résulte des pièces du dossier soumis au juge du fond que la SOCIETE "NORD ECLAIR", éditeur et imprimeur de journaux, et la société "Presse Nord", dont le capital était, comme celui de la société requérante, détenu, au cours des années d'imposition, pour sa quasi totalité par la société "Soc-Presse", ont conclu un accord aux termes duquel la SOCIETE "NORD ECLAIR" facturait au prix de revient l'impression des journaux parisiens du groupe à la société "Presse Nord", celle-ci refacturant cette prestation aux sociétés éditrices intéressées après application d'une marge bénéficiaire de 45 % ; qu'à la suite d'une vérification de comptabilité, l'administration a estimé que la facturation au prix de revient des frais d'impression était étrangère à l'intérêt de la SOCIETE "NORD ECLAIR" et constituait de ce fait un acte de gestion anormal ; qu'elle a, en conséquence, réintégré dans les résultats de ladite société, au titre de l'exercice 1981, la somme de 2 034 316 F correspondant aux bénéfices qui, selon elle, auraient été ainsi transférés de la SOCIETE "NORD ECLAIR" à la société PresseNord ;
Considérant que si l'appréciation du caractère anormal d'un acte de gestion pose une question de droit, il appartient, en règle générale, à l'administration d'établir les faits sur lesquels elle se fonde pour invoquer ce caractère anormal ; que ce principe ne peut, toutefois, recevoir application que dans le respect des dispositions législatives et réglementaires qui, dans le contentieux fiscal, gouvernent la charge de la preuve ;
Considérant que le différend né du refus par la SOCIETE "NORD ECLAIR" du redressement qui lui a été notifié a été soumis à l'examen de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ; que cette commission n'a pas admis le bien fondé de l'appréciation des faits à laquelle s'était livrée l'administration ; qu'il suit de là qu'en énonçant qu'il appartenait à la société requérante de rapporter la preuve d'une contre partie à l'avantage consenti par elle à la société Presse-Nord alors que l'administration, qui n'avait pas suivi l'avis de la commission départementale, avait la charge d'établir les faits d'où résulterait l'acte anormal de gestion qu'elle invoquait, la cour administrative d'appel de Nancy a méconnu les règles qui déterminent l'attribution de la charge de la preuve et entaché ainsi sa décision d'une erreur de droit ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SOCIETE "NORD ECLAIR" est fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy en date du 2 octobre 1990 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée devant la cour administrative d'appel de Nancy.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE "NORDECLAIR" et au ministre du budget.