Vu la requête, enregistrée au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 11 juillet 1994, présentée pour la Fédération nationale des travaux publics, dont le siège est ..., agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux et pour la Fédération nationale du bâtiment, dont le siège est ..., agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux ; ces fédérations demandent que le Conseil d'Etat annule :
1°) la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le ministre de l'économie sur leur demande, en date du 23 février 1994, tendant au retrait d'une décision du gouvernement du 29 juillet 1993 relative à la prise en compte de critères additionnels relatifs à l'emploi dans l'attribution des marchés publics et d'une circulaire interministérielle du 29 décembre 1993 mettant en oeuvre cette décision ;
2°) la décision du gouvernement susanalysée ;
3°) l'instruction interministérielle susanalysée ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. de Lesquen, Maître des Requêtes,
- les observations de Me Boulloche, avocat de la Fédération nationale des travaux publics et de la Fédération nationale du bâtiment,
- les conclusions de M. Fratacci, Commissaire du gouvernement ;
Sur les conclusions de la requête dirigées contre la "décision" du 29 juillet 1993 :
Considérant que le gouvernement a fait connaître, lors de la réunion du comité interministériel pour la ville le 29 juillet 1993, que pourrait être introduite "dans le cadre des procédures d'appel à la concurrence prévues par le code des marchés publics, une clause liant l'exécution des marchés publics à une action locale de lutte contre le chômage et pour l'insertion professionnelle" ; que cette communication se borne à poser le principe d'une modification des dispositions réglementaires en vigueur, sans procéder par elle-même à une telle modification ; que, par suite, cette communication, de caractère préparatoire, ne fait pas grief et n'est pas susceptible d'être contestée par la voie du recours pour excès de pouvoir ; qu'ainsi les conclusions de la requête dirigées contre cette communication ne sont pas recevables ;
Sur les conclusions de la requête dirigées contre la circulaire du 29 décembre 1993 :
Considérant qu'après avoir rappelé, d'une part, les critères de choix dans l'attribution des marchés publics énoncés aux articles 97 et 300 du code des marchés publics et relatifs au prix des prestations, au coût d'utilisation de celles-ci, à leur valeur technique, aux garanties professionnelles et financières présentées par chacun des candidats et au délai d'exécution, ainsi, d'autre part, qu'en application des dispositions de ces mêmes articles du code des marchés publics, d'autres considérations peuvent entrer en ligne de compte à la condition d'avoir été spécifiées dans l'avis d'appel d'offres et d'être justifiées par l'objet du marché ou ses conditions d'exécution, la circulaire attaquée du 29 décembre 1993 ajoute, dans celles de ces dispositions qu'attaque la requête, qu'un "critère additionnel" relatif à la création d'emplois et à la formation professionnelle peut être inséré dans les appels d'offres et dans les engagements contractés par les entreprises lors de la conclusion de marchés publics ;
Considérant, toutefois que selon les termes mêmes de la circulaire interministérielle attaquée : " ... La qualité de l'offre relative au critère additionnel d'emploi et de formation de demandeurs d'emploi ne peut, en elle-même, compenser des garanties techniques ou financières non satisfaisantes, une offre insuffisamment adaptée aux besoins exprimés par la collectivité publique ou un prix supérieur à celui d'un concurrent - Les propositions qui pourraient être faites à ce titre ne sauraient favoriser un candidat par rapport à d'autres entreprises qui auraient présenté des offres équivalentes, notamment au regard du critère du prix et de la qualité technique de la prestation - Bien évidemment, ce critère additionnel relatif à l'emploi ne doit, en aucun cas, être utilisé comme un moyen de préférence locale ou comme un instrument discriminatoire à l'encontre d'entreprises ressortissant de la communauté européenne ou d'Etats parties au code Gatt des marchés publics ..." ; qu'il ressort de ces termes mêmes que les mentions relatives au "critère additionnel" qui pourraient être insérées dans les appels d'offres et dans les marchés publics, constituent une simple déclaration d'intentions, destinée à marquer l'intérêt porté par les cocontractants aux questions relatives à l'emploi et à la formation professionnelle, sans que cette déclaration d'intentions puisse constituer un critère de choix qui se substituerait aux critères réglementaires des articles 97 et 300 du code des marchés publics, ou même se bornerait à compléter ces critères réglementaires ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la circulaire interministérielle du 29 décembre 1993 est dépourvue de toute valeur réglementaire et ne fait pas grief ; que, par suite, les conclusions de la requête de la Fédération nationale des travaux publics et de la Fédération nationale du bâtiment tendant à l'annulation de cette circulaire ne sont pas recevables ;
Article 1er : La requête de la Fédération nationale des travaux publics et de la Fédération nationale du bâtiment est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la Fédération des travaux publics, à la Fédération nationale du bâtiment, au ministre du travail et des affaires sociales, au ministre de l'intérieur, au ministre de l'économie et des finances, au ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration et au ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce et de l'artisanat.