Vu la requête enregistrée le 11 juillet 1994 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la Fédération nationale des travaux publics, dont le siège est ..., et pour la Fédération nationale du bâtiment, dont le siège est ..., agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux ; les fédérations demandent que le Conseil d'Etat :
1°) annule la décision implicite de rejet résultant du silence gardé, pendant plus de quatre mois, par le ministre de l'économie sur sa demande dirigée contre l'arrêté du même ministre en date du 10 décembre 1993 fixant les modèles de garantie à première demande et les conditions, et tendant à la modification du modèle de garantie annexé à cet arrêté ;
2°) annule ledit arrêté ministériel en tant que celui-ci fixe le modèle selon lequel est établie la garantie à première demande ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Constitution du 4 octobre 1958, notamment son article 34 ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. de Lesquen, Maître des Requêtes,
- les observations de Me Boulloche, avocat de la Fédération nationale des travaux publics et de la Fédération nationale du bâtiment,
- les conclusions de M. Fratacci, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que la Fédération nationale des travaux publics et la Fédération nationale du bâtiment demandent l'annulation de l'arrêté du 10 décembre 1993 du ministre de l'économie en tant que cet arrêté, en application des dispositions de l'article 144 du code des marchés publics, fixe le modèle selon lequel est établie la garantie à première demande instituée par l'article 131 de ce même code ;
Considérant qu'en prenant l'arrêté attaqué, qui ne concerne pas les principes fondamentaux des obligations civiles et commerciales, le ministre de l'économie n'a pas méconnu les dispositions de l'article 34 de la Constitution ;
Considérant qu'aux termes de l'article 131 du code des marchés publics, "la retenue de garantie peut être remplacée au gré du titulaire par une garantie à première demande ou, si les deux parties en sont d'accord, par une caution personnelle et solidaire dans les conditions prévues aux articles 144 et 145" ; qu'il ne résulte nullement de ces dispositions que les obligations créées par la garantie à première demande doivent être les mêmes que celles résultant de la caution personnelle et solidaire, alors d'ailleurs que cette dernière implique l'accord des deux parties, tandis que la première résulte de la volonté du titulaire du marché ; que, par suite, les fédérations requérantes ne sont pas fondées à soutenir que l'arrêté attaqué serait illégal en tant qu'il fixe un modèle comportant des caractéristiques différentes pour la garantie à première demande de celles qui sont retenues pour la caution personnelle et solidaire ;
Considérant qu'il résulte de la nature même de la garantie à première demande que celle-ci constitue une obligation autonome, indépendante du marché et qui incombe à un tiers à l'égard du marché, alors que la retenue de garantie instituée par les dispositions de l'article 125 du code des marchés publics est au contraire étroitement liée au marché, notamment à son montant et à ses modalités de règlement ; que, par suite, les obligations que la garantie à première demande impose au garant peuvent légalement être différentes de celles qui incombent au titulaire du marché du fait de la retenue de garantie ; que, dès lors, les fédérations requérantes ne sauraient se prévaloir des différences existant entre ces deux types de garanties pour soutenir que l'arrêté attaqué, en tant qu'il concerne la garantie à première demande, serait illégal, au motif qu'il prévoit pour le garant des obligations excédant, notamment en cas d'évènement de force majeure faisant obstacle à l'exécution du marché, celles incombant au titulaire du marché et résultant de la retenue de garantie ;
Considérant que le modèle fixé par l'arrêté litigieux qui prévoit d'ailleurs que le garant n'est tenu de payer qu'après réception d'un dossier de l'administration, n'a pas pour objet et ne pouvait avoir légalement pour effet de faire obstacle à ce que la mise en oeuvre de la garantie s'effectue sous le contrôle du juge, notamment dans les cas de fraude ou d'abus manifeste ; que, par suite, les fédérations requérantes ne sauraient utilement soutenir que les dispositions contestées de l'arrêté seraient léonines et discrétionnaires ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la Fédération nationale des travaux publics et la Fédération nationale du bâtiment ne sont pas fondées à demander l'annulation de l'arrêté du 10 décembre 1993 en tant que par cet arrêté, le ministre de l'économie a fixé le modèle selon lequel est établie la garantie à première demande ;
Sur l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant que les dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamné à payer à la Fédération nationale des travaux publics et à la Fédération nationale du bâtiment la somme que celles-ci demandent au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La requête de la Fédération nationale des travaux publics et de la Fédération nationale du bâtiment est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la Fédération nationale des travaux publics, à la Fédération nationale du bâtiment et au ministre de l'économie et des finances.