Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 23 mai et 25 septembre 1995 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le Comité national interprofessionnel de l'horticulture florale et ornementale et des pépinières, dont le siège est à Rungis (Val-de-Marne) ; le Comité national interprofessionnel de l'horticulture florale et ornementale et des pépinières (CNIH) demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule l'arrêt n° 93PA00925, 93PA00926, 93PA00927 du 23 mars 1995 de la cour administrative d'appel de Paris en tant qu'il a, d'une part, déchargé M. Raoul X..., Mme Aline Z... et M. René Y... des taxes parafiscales, perçues à son profit, auxquelles ils ont été assujettis au titre, respectivement, de l'année 1986, des années 1978, 1982, 1983 et 1984, et des années 1983 et 1984, d'autre part, condamné le Comité national interprofessionnel de l'horticulture florale et ornementale et des pépinières à payer à chacun d'eux une somme de 500 F au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
2°) condamne M. X..., Mme Z... et M. Y... à lui payer chacun une somme de 5 000 F, au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le traité instituant la Communauté européenne ;
Vu l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 ;
Vu les décrets n° 64-283 du 26 mars 1964, n° 77-695 du 29 juin 1977, n° 83-97 du 11 février 1983, n° 84-366 du 14 mai 1984 et n° 86-430 du 13 mars 1986 ;
Vu le décret n° 80-854 du 30 octobre 1980 ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mlle Mignon, Auditeur,
- les observations de la SCP Defrénois, Lévis, avocat du Comité national interprofessionnel de l'horticulture florale et ornementale et des pépinières et de Me Ryziger, avocat de M. Raoul X..., de Mme Aline Z... et de M. René Y...,
- les conclusions de M. Bachelier, Commissaire du gouvernement ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
Considérant, qu'aux termes du premier alinéa de l'article 95 du traité instituant la Communauté européenne : "Aucun Etat membre ne frappe directement ou indirectement les produits des autres Etats membres d'impositions intérieures, de quelque nature qu'elles soient, supérieures à celles qui frappent directement ou indirectement les produits nationaux similaires" ; qu'une taxe parafiscale, appliquée dans les mêmes conditions de perception aux produits nationaux et aux produits importés, dont les recettes sont affectées au profit des seuls produits nationaux, de sorte que les avantages qui en découlent compensent une partie de la charge supportée par les produits nationaux, constitue une imposition intérieure discriminatoire, interdite par l'article 95 précité ;
Considérant que les décrets des 29 juin 1977, 11 février 1983, 14 mai 1984 et 13 mars 1986 dont il a été fait application en l'espèce, ont établi des taxes parafiscales au profit du Comité national interprofessionnel de l'horticulture florale et ornementale et des pépinières (CNIH), et, notamment, une taxe "ad valorem" ayant pour redevables, d'une part, les producteurs de produits non comestibles de l'horticulture florale et ornementale et des pépinières, à raison du montant hors taxes de leurs ventes de ces produits, d'autre part, les négociants, à raison du montant hors taxes de leurs achats des mêmes produits ; que la cour administrative d'appel de Paris, pour décharger M. X..., Mme Z... et M. Y... des taxes parafiscales auxquelles ils avaient été assujettis en application des décrets précités, s'est fondée sur ce que ceux-ci étaient contraires, dans leur ensemble, aux stipulations précitées de l'article 95 du traité instituant la Communauté européenne, au motif que la taxe "ad valorem" mise à la charge des négociants en produits horticoles, tout en étant perçue indifféremment sur les achats effectués par les intéressés, soit en France, soit dans d'autres pays membres de la Communauté européenne, sert à financer des activités qui profitent spécifiquement aux seuls produits nationaux et compensent une partie de la charge supportée par ces derniers, de sorte qu'elle présente le caractère d'une imposition intérieure discriminatoire ;
Considérant que les redevables d'une taxe parafiscale ne peuvent utilement se prévaloir, à l'appui d'une demande en décharge de cette taxe, de ce que celle-ci aurait le caractère d'une imposition intérieure instituée en méconnaissance de l'article 95, premier alinéa, du traité instituant la Communauté européenne, que si les cotisations contestées ont été établies, en tout ou en partie, à raison d'opérations portant sur des produits d'autres Etats membres de la Communauté européenne ; que, par suite, en fondant sa décision sur la contrariété avec l'article 95, premier alinéa, des dispositions des décrets précités relatives à la taxe parafiscale due par les négociants à raison du montant hors taxes de leurs achats de produits horticoles, sans rechercher si les cotisations contestées par M. X..., Mme Z... et M. Y... avaient ou non été établies, en tout ou en partie, à raison d'achats portant sur des produits d'autres Etats membres de la Communauté européenne, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit ; que le CNIH est donc fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué en tant, d'une part, qu'il accorde à M. X..., à Mme Z... et à M. Y... la décharge qu'ils avaient sollicitée et, d'autre part, qu'il condamne le CNIH à payer à chacune de ces personnes une somme de 500 F, au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de renvoyer l'affaire devant la cour administrative d'appel de Paris ;
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 et de condamner M. X..., Mme Z... et M. Y... à payer au CNIH la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; que les dispositions du même article 75-I font obstacle à ce que le CNIH soit condamné à payer à M. X..., Mme Z... et M. Y... les sommes qu'ils réclament au titre de leurs propres frais, non compris dans les dépens ;
Article 1er : Les articles 2 à 5 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 23 mars 1995 sont annulés.
Article 2 : L'affaire est renvoyée devant la cour administrative d'appel de Paris.
Article 3 : Les conclusions présentées au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 par le Comité national interprofessionnel de l'horticulture florale et ornementale et des pépinières, d'une part, par M. X..., Mme Z... et M. Y..., d'autre part, sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au Comité national interprofessionnel de l'horticulture florale et ornementale et des pépinières, à M. Raoul X..., à Mme Aline Z..., à M. René Y..., au président de la cour administrative d'appel de Paris et au ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation.