Vu la requête, enregistrée le 5 janvier 1993 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Philippe X..., demeurant ... ; M. X... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement en date du 9 juillet 1992 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté en date du 11 juillet 1989 par lequel le ministre de l'intérieur a prononcé sa rétrogradation du grade de brigadier -3ème échelon- à celui de sous-brigadier -10ème échelon- avec effet au 1er août 1989 ;
2°) d'annuler ledit arrêté ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
Vu la loi n° 88-828 du 20 juillet 1988 portant amnistie ;
Vu le décret n° 68-70 du 24 janvier 1968 fixant les dispositions applicables auxfonctionnaires des services actifs de la police nationale ;
Vu le décret n° 84-961 modifié du 25 octobre 1984 relatif à la procédure disciplinaire concernant les fonctionnaires de l'Etat ;
Vu le décret n° 86-592 du 18 mars 1986 portant code de déontologie de la police nationale ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Philippe Boucher, Conseiller d'Etat,
- les observations de Me Cossa, avocat de M. Philippe X...,
- les conclusions de Mme Pécresse, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que, par un arrêté en date du 11 juillet 1989, le ministre de l'intérieur a rétrogradé M. Philippe X... du grade de brigadier, 3ème échelon, au grade de sous-brigadier, 10ème échelon, aux motifs qu'il était "responsable des documents publiés les 16 mai et 6 juin 1988 contenant des écrits constituant des manquements graves à l'obligation de réserve et à la déontologie policière" et contrevenant notamment à l'article 12 du décret du 24 janvier 1988 fixant les dispositions communes applicables aux fonctionnaires des services actifs de police et aux articles 7 et 11 du décret du 18 mars 1986 portant code de déontologie de la police nationale ; que, saisi d'une demande d'annulation de cet arrêté, le tribunal administratif de Paris l'a rejetée par un jugement du 9 juillet 1992 ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, contrairement à ce que soutient le requérant, le procès-verbal de la délibération du conseil de discipline du 7 juin 1989 a bien été produit par l'administration au cours de l'instruction devant le tribunal administratif ; qu'il appartenait à M. X..., en application de l'article R. 141 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, d'en prendre connaissance au greffe ; que, par suite, M. X... ne saurait soutenir que le principe du contradictoire a été méconnu ;
Sur la légalité externe de l'arrêté litigieux :
Considérant qu'en se référant, avec les précisions nécessaires, aux publications litigieuses ayant entraîné la sanction infligée à leur auteur, ainsi qu'aux textes sur la base desquels cette sanction était prise, le ministre de l'intérieur a suffisamment motivé sa décision au regard des exigences de la loi du 11 juillet 1979 ;
Sur la légalité interne :
Considérant, en premier lieu, que les numéros 24, daté du 16 mai 1988, et 25,daté du 6 juin 1988, de la revue "Police et Sécurité" et le numéro de mai 1988 de la publication dénommée "FPIP 93", outre qu'ils sont presque exclusivement consacrés à une critique violente de la politique suivie en différents domaines par le Gouvernement et à la mise en cause en termes injurieux des autorités de l'Etat, comportent des incitations à l'indiscipline collective et sont donc de nature à compromettre le bon fonctionnement du service ; qu'ainsi, tant par leur nature que par la violence de leur expression, ces écrits sont incompatibles avec l'obligation de réserve prévue par les décrets du 24 janvier 1968 et du 18 mars 1986 susvisés, obligation qui s'imposait à M. X..., alors même qu'il était totalement déchargé de service pour exercer un mandat syndical ;
Considérant, en deuxième lieu, que si l'étendue de l'obligation de réserve qui pèse sur les fonctionnaires de police, en vertu de l'article 11 du décret du 18 mars 1986 précité, doit se concilier avec la liberté d'expression liée à l'exercice d'une fonction syndicale, ce n'est que dans la mesure où l'expression dont il s'agit a pour objet la défense des intérêts professionnels, individuels ou collectifs, des adhérents du syndicat ; qu'en l'espèce, les publications incriminées, dont M. X... a revendiqué la responsabilité, excédaient, par leur caractère outrancier et en l'absence de tout lien avec la défense des intérêts professionnels, les limites que les fonctionnaires et leurs organisations syndicales doivent respecter en raison de la réserve à laquelle ils sont tenus à l'égard des autorités publiques ;
Considérant, enfin, que M. X... ayant ainsi gravement manqué à son devoir de réserve, le ministre de l'intérieur était fondé à prendre à son égard une sanction disciplinaire ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en décidant de rétrograder l'intéressé du grade de brigadier -3ème échelon- à celui de sous-brigadier -10ème échelon-, le ministre ait commis une erreur manifeste d'appréciation ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de la loi d'amnistie :
Considérant que les faits reprochés à M. X... sont, pour un fonctionnaire de police tenu, par les dispositions statutaires qui lui sont applicables, à une obligation de loyauté envers les autorités de la République, contraires à l'honneur ; qu'ils sont donc exclus par l'article 14 de la loi du 20 juillet 1988 susvisée du bénéfice de l'amnistie ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté pris le 11 juillet 1989 par le ministre de l'intérieur ;
Article 1er : La requête de M. X... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Philippe X... et au ministre de l'intérieur.