Vu 1°) sous le n° 144007, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés le 4 janvier 1993 et le 4 mai 1993 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société SUCRERIE AGRICOLE DE COLLEVILLE, dont le siège est à Colleville (76400), représentée par son président directeur général en exercice ; la société SUCRERIE AGRICOLE DE COLLEVILLE demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 5 novembre 1992 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 8 janvier 1991 du tribunal administratif de Rouen qui a rejeté sa demande en réduction de la taxe foncière et de la taxe professionnelle mises à sa charge, respectivement, au titre des années 1984 à 1989 et des années 1984, 1985 et 1987 dans les rôles de la commune de Colleville ;
Vu, 2°) sous le n° 155435, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés le 20 janvier 1994 et le 19 mai 1994 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société SUCRERIE AGRICOLE DE COLLEVILLE dont le siège social est à Colleville (76400), représentée par son président directeur général en exercice ; la société SUCRERIE AGRICOLE DE COLLEVILLE demande que le Conseil d'Etat annule l'arrêt du 18 novembre 1993 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 16 juin 1992 du tribunal administratif de Rouen qui a rejeté sademande en réduction de la taxe foncière mise à sa charge au titre de l'année 1990, dans les rôles de la commune de Colleville ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des communes ;
Vu la loi n° 88-13 du 5 janvier 1988 ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Struillou, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Vincent, Ohl , avocat de la société SUCRERIE AGRICOLE DE COLLEVILLE,
- les conclusions de M. Arrighi de Casanova, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que les deux requêtes de la société SUCRERIE AGRICOLE DE COLLEVILLE présentent à juger la même question ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Considérant, d'une part, qu'aux termes des deux premiers alinéas de l'article L. 322-5 du code des communes, alors en vigueur : "Les budgets des services publics à caractère industriel et commercial exploités en régie, affermés ou concédés, doivent être équilibrés en recettes et en dépenses. -Il est interdit aux communes de prendre en charge dans leur budget propre des dépenses au titre de ces services publics" ; que l'article 14-I de la loi n° 88-13 du 5 janvier 1988 a ajouté à ces dispositions les alinéas suivants : "Toutefois, le conseil municipal peut décider une telle prise en charge lorsque celle-ci est justifiée par l'une des raisons suivantes : 1° Lorsque les exigences du service public conduisent la collectivité à imposer des contraintes particulières de fonctionnement ; 2° Lorsque le fonctionnement du service public exige la réalisation d'investissements qui, en raison de leur importance et eu égard au nombre d'usagers, ne peuvent être financés sans augmentation excessive des tarifs ; 3° Lorsque, après la période de réglementation des prix, la suppression de toute prise en charge par le budget de la commune aurait pour conséquence une hausse excessive des tarifs. -La décision du conseilmunicipal fait l'objet, à peine de nullité, d'une délibération motivée. Cette délibération fixe les règles de calcul et les modalités de versement des dépenses du service prises en charge par la commune, ainsi que le ou les exercices auxquels elles se rapportent. En aucun cas, cette prise en charge ne peut se traduire par la compensation pure et simple d'un déficit de fonctionnement" ; que l'article 14-II de la loi précitée du 5 janvier 1988 répute légales les délibérations qui, antérieurement à cette loi, ont prévu la prise en charge par les communes de dépenses répondant aux conditions prévues par les dispositions, ci-dessus reproduites, des alinéas ajoutés par l'article 14-I de la même loi à l'article L. 322-5 du code des communes ; qu'en vertu de l'article L. 372-6 du même code, selon lequel "les réseaux d'assainissement et les installations d'épuration publics sont financièrement gérés comme des services à caractère industriel et commercial", des articles L. 372-7, R. 372-6 et R. 372-7 de ce code, selon lesquels tout service public d'assainissement donne lieu à la perception auprès des usagers de redevances dont l'institution et la fixation des tarifs incombe au conseil municipal ou à l'assemblée délibérante de l'établissement public qui exploite ou concède ce service, et des articles R. 372-16 et R. 37217 du code des communes, selon lesquels le produit des redevances d'assainissement est affecté au financement des charges du service d'assainissement dont le budget doit être équilibré en recettes et en dépenses, les dispositions précitées de l'article L. 322-5 ou de l'article 14-II de la loi du 5 janvier 1988 s'appliquent, notamment, aux services publics d'assainissement et, en particulier, à ceux qui sont exploités, en régie ou par voie d'affermage ou de concession, par des établissements publics tels que les syndicats de communes ;
Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 251-3 du code des communes, alors en vigueur, les recettes du budget d'un syndicat de communes "comprennent : 1° les contributions des communes associées ... 6° le produit des taxes, redevances et contributions correspondant aux services assurés ..." ; que l'article L. 251-4 du même code dispose, en son premier alinéa, que "la contribution des communes associées mentionnée au 1° de l'article précédent est obligatoire pour ces communes pendant la durée du syndicat et dans la limite des nécessités de service telles que les décisions du syndicat l'ont déterminée", et, en ses deuxième et troisième alinéas, que "le comité du syndicat peut décider de remplacer cette contribution par le produit des impôts mentionnés au a-1° de l'article L. 231-5", c'est-à-dire des taxes foncières, de la taxe d'habitation et de la taxe professionnelle, et que "la mise en recouvrement de ces impôts ne peut toutefois être poursuivie que si le conseil municipal, obligatoirement consulté dans un délai de quarante jours, ne s'y est pas opposé en affectant d'autres ressources au paiement de sa quote-part" ; que le IV de l'article 1636 B octiès du code général des impôts précise que, dans ce cas, "le produit fiscal à recouvrer dans chacune des communes membres au produit d'un syndicat de communes est réparti entre les taxes foncières, la taxe d'habitation et la taxe professionnelle, proportionnellement aux recettes que chacune de ces taxes procurerait à la commune si l'on appliquait les taux de l'année précédente aux bases de l'année d'imposition" ;
Considérant qu'il résulte de l'ensemble des dispositions précitées que, lorsqu'un syndicat de communes est exclusivement chargé de l'exploitation, en régie ou par voie d'affermage ou de concession, d'un ou de services publics à caractère industriel ou commercial, tels que le service public de l'assainissement, les communes membres ne peuvent prendre en charge des dépenses de ce service, couvertes, en principe, par le produit des seules redevances perçues auprès des usagers, que pour l'une des raisons limitativement énoncées par les 1°, 2° ou 3° de l'article L. 322-5 du code des communes et à la condition que le conseil municipal ait voté, à cette fin, une délibération répondant aux exigences de forme et de fond définies par le dernier alinéa du même article L. 322-5 ; qu'aussi bien dans le cas où une telle prise en charge est licite au regard des dispositions qui viennent d'être rappelées que dans celui où, les conditions posées par ces dernières n'étant pas remplies, elle est interdite, le syndicat ne peutbénéficier, ni de la contribution des communes associées mentionnée au 1° de l'article L. 251-3, ni, le cas échéant, du produit fiscal de substitution mentionné au deuxième alinéa de l'article L. 251-4, le bénéfice de cette contribution ou de ce produit étant réservé aux syndicats de communes qui n'exploitent pas des services publics à caractère industriel ou commercial ou qui, en exploitant, assurent, en outre, la gestion de services ne présentant pas ce caractère, auquel cas la contribution des communes associées ou le produit fiscal qui la remplace ne peut être perçu que dans la limite des nécessités propres à ces autres services, telle que les décisions du syndicat la déterminent ;
Considérant que, pour rejeter, par ses arrêts des 5 novembre 1992 et 18 novembre 1993, les requêtes de la société SUCRERIE AGRICOLE DE COLLEVILLE tendant à la réduction des taxes foncières et de la taxe professionnelle auxquelles elle a été respectivement assujettie au titre des années 1984 à 1990 et des années 1984, 1985 et 1987, dans les rôles de la commune de Colleville (Seine-Maritime), à concurrence du montant y inclus du produit fiscal de remplacement perçu au profit du syndicat intercommunal chargé, sur le territoire de cette commune, du service public de l'assainissement, la cour administrative d'appel de Nantes s'est bornée à relever que le conseil municipal de Colleville ne s'était pas opposé à la délibération du comité du syndicat ayant décidé de percevoir ce produit aux lieu et place de la contribution de la commune associée de Colleville, sans rechercher, comme elle devait le faire, si le syndicat était exclusivement chargé de l'exploitation du service de l'assainissement ou assurait, en outre, d'autres services ne présentant pas un caractère industriel ou commercial ; que la société SUCRERIE AGRICOLE DE COLLEVILLE est, par suite, fondée à soutenir que les arrêts précités sont entachés d'erreur de droit et, pour ce motif, à en demander l'annulation ;
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de renvoyer les affaires devant la cour administrative d'appel de Nantes ;
Article 1er : Les arrêts de la cour administrative d'appel de Nantes du 5 novembre 1992 et du 18 novembre 1993 sont annulés.
Article 2 : Les affaires sont renvoyées devant la cour administrative d'appel de Nantes.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société SUCRERIE AGRICOLE DE COLLEVILLE, au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et au président de la cour administrative d'appel de Nantes.