Vu le recours du MINISTRE DU BUDGET enregistré le 26 mai 1995 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat; le MINISTRE DU BUDGET demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 28 mars 1995 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a annulé le jugement du 24 septembre 1992 du tribunal administratif de Paris et a accordé à Mme Sylvia Hoppilliard la décharge de l'obligation de payer la somme de 69 056 F portée dans le commandement décerné à son encontre le 13 octobre 1989 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le livre des procédures fiscales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Froment-Meurice, Conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Arrighi de Casanova, Commissaire du gouvernement ;
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 281 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable en l'espèce : "Les contestations relatives au recouvrement des impôts ... dont la perception incombe aux comptables du Trésor ou de la direction générale des impôts doivent être adressées à l'administration dont dépend le comptable qui exerce les poursuites. Les contestations ne peuvent porter que : 1°) soit sur la régularité en la forme de l'acte : 2°) soit sur l'existence de l'obligation de payer, sur le montant de la dette compte tenu des paiements effectués, sur l'exigibilité de la somme réclamée, ou sur tout autre motif ne remettant pas en cause l'assiette ou le calcul de l'impôt. Les recours contre les décisions prises par l'administration sur ces contestations sont portés, dans le premier cas, devant le tribunal de grande instance, dans le second cas, devant le juge de l'impôt tel qu'il est prévu par l'article L. 199", c'est-à-dire devant le tribunal administratif lorsque la contestation porte sur un impôt direct, une taxe sur le chiffre d'affaires ou une taxe assimilée ; que l'article R. 281-2 du même livre précise que, dans le cas où l'acte de poursuites a été émis en vue du recouvrement d'un tel impôt ou taxe, la demande qu'il incombe au redevable, préalablement à toute saisine du juge compétent, d'adresser à l'administration "doit, sous peine de nullité, être présentée au trésorier payeur général dans un délai de deux mois à partir de la notification de l'acte si le motif invoqué est un vice de forme ou, s'il s'agit de tout autre motif, dans un délai de deux mois après le premier acte qui permet d'invoquer ce motif" ; qu'aux termes, en deuxième lieu, de l'article L. 255 du livre des procédures fiscales : " Lorsque l'impôt n'a pas été payé à la date limite de paiement et à défaut d'une réclamation assortie d'une demande de sursis de paiement ..., le comptable du Trésor chargé du recouvrement doit envoyer au contribuable une lettre de rappel avant la notification du premier acte de poursuites devant donner lieu à des frais" ; qu'en vertu, enfin, de l'article L. 274 du même livre, le délai de quatre ans à compter de la date de mise en recouvrement du rôle, par lequel se prescrit l'action des comptables du Trésor en vue du recouvrement des impôts dont la perception leur incombe, est interrompu "par tous actes interruptifs de prescription" ;
Considérant qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions, d'une part, que la contestation, par un redevable, de l'exigibilité d'un impôt direct ou d'une taxe sur le chiffre d'affaires ou taxe assimilée par le motif que, faute d'avoir été précédées de l'envoi d'une lettre de rappel, les poursuites engagées contre lui n'ont pu avoir pour effet d'interrompre le cours de la prescription édictée par l'article L. 274 du livre des procédures fiscales, doit faire l'objet d'une demande adressée au trésorier payeur général dans les deux mois qui ont suivi la notification ou la signification du premier acte de poursuites permettant d'invoquer ce motif, d'autre part, que le tribunal administratif est compétent pour connaître du recours formé par l'intéressé contre la décision prise par l'administration sur cette contestation ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme Hoppilliard n'a pas contesté le commandement décerné à son encontre le 21 juin 1989 par le trésorier du 5ème arrondissement de Paris -1ère division pour avoir paiement de l'impôt sur le revenu, mis en recouvrement le 31 août 1985, dont elle était redevable au titre de l'année 1983, dans le délai de deux mois à partir de la notification de cet acte de poursuites, qui lui a été fait le 4 août 1989 ; qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que Mme Hoppilliard n'était plusrecevable, à la date du 20 octobre 1989, à laquelle elle a contesté le second commandement qui lui a été adressé le 13 octobre 1989 par le même comptable du Trésor et qui avait le même objet que le premier commandement notifié le 4 août 1985, à invoquer l'irrégularité tenant à ce que celui-ci n'avait pas été précédé de l'envoi d'une lettre de rappel, pour soutenir qu'il n'avait pas valablement interrompu à son égard le délai de prescription de l'action en recouvrement ayant couru depuis la mise en recouvrement du rôle, le 31 août 1985, et que ce délai étant expiré à la date de la notification, le 19 octobre 1989, du second commandement émis à son encontre, elle devait être déchargée de son obligation de payer la somme réclamée ; que, dès lors, en jugeant que, faute par le premier commandement d'avoir été précédé de l'envoi d'une lettre de rappel, la prescription de l'action en recouvrement était acquise à la date de la notification du second commandement, contesté par Mme Hoppilliard, et que celle-ci devait donc être déchargée de son obligation de payer, la cour administrative d'appel de Paris s'est certes prononcée sur un litige relevant de la compétence du juge de l'impôt, en vertu de l'article L-281 du livre des procédures fiscales, et n'a donc pas excédé les limites de sa propre compétence, mais a commis une erreur de droit ; qu'en conséquence, le MINISTRE DU BUDGET est fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;
Considérant que dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, par application de l'article 11 de la loi du 31 décembre 1987, de régler l'affaire au fond ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'impôt sur le revenu dû par Mme Hoppilliard au titre de l'année 1983 a été mis en recouvrement le 31 août 1985 par la voie d'un rôle qui avait été régulièrement rendu exécutoire par le directeur des services fiscaux le 31 juillet précédent ; qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, le recouvrement de cette imposition n'était pas prescrit à la date du 19 octobre 1989, à laquelle le second commandement du 13 octobre 1989 lui a été notifié, le cours du délai de quatre ans prévu par l'article L. 274 du livre des procédures fiscales, qui avait couru depuis le 31 août 1985, ayant été valablement interrompu par le premier commandement notifié à l'intéressée le 4 août 1989 ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme Hoppilliard n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par son jugement du 24 septembre 1992, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande en décharge de l'obligation de payer la somme de 67 045 F due par elle au titre de l'impôt sur le revenu de l'année 1983, majorée de 10 %, pour non paiement à la date requise ;
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 28 mars 1995 est annulé.
Article 2 : La requête présentée par Mme Hoppilliard devant la cour administrative d'appel de Paris est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et à Mme Hoppilliard.