Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 5 mai 1995 et 5 septembre 1995 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société N.R.J. dont le siège est ... (75783) ; la société N.R.J. demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 7 mars 1995 par laquelle le Conseil supérieur de l'audiovisuel a autorisé la Compagnie luxembourgeoise de télédiffusion à augmenter sa participation dans le capital de M 40 et à lui donner le nom de RTL2 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 ;
Vu la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 modifiée ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Thiellay, Auditeur,
- les observations de la SCP Rouvière, Boutet, avocat de la société N.R.J. et de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de la Compagnie luxembourgeoise de télédiffusion,
- les conclusions de Mme Hubac, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que, par la décision attaquée du 7 mars 1995, le Conseil supérieur de l'audiovisuel a autorisé la Compagnie luxembourgeoise de télédiffusion à augmenter sa participation dans le capital de la station M 40 et à donner à cette dernière le nom de "RTL2" ;
Considérant, en premier lieu, que si par une décision en date du 27 avril 1993, le Conseil supérieur de l'audiovisuel a autorisé la Compagnie luxembourgeoise de télédiffusion à détenir 34 % des actions de la société FINVEST à condition qu'elle réduise à 25 % maximum sa participation dans le capital de la radio M 40 afin de respecter les dispositions alors en vigueur de l'article 41 de la loi du 30 septembre 1986, ces dernières ont été modifiées par la loi du 1er février 1994, qui a porté de 15 à 150 millions d'habitants par zone desservie le seuil en-deçà duquel une même personne physique ou morale peut, sur le fondement d'autorisations relatives à l'usage de fréquences dont elle est titulaire pour la diffusion d'un ou plusieurs services de radiodiffusion sonore par voie hertzienne terrestre, ou par le moyen d'un programme qu'elle fournit à d'autres titulaires d'autorisations, disposer en droit ou en fait de plusieurs réseaux ; que, par suite, la société N.R.J. ne saurait, en tout état de cause, utilement soutenir que la décision attaquée méconnaît la décision du Conseil supérieur de l'audiovisuel en date du 27 avril 1993 ;
Considérant, en deuxième lieu, que si, par la décision attaquée, le Conseil supérieur d'audiovisuel a autorisé la Compagnie luxembourgeoise de télédiffusion à porter sa participation dans le capital de M 40 de 35,73 % à 45,9 %, la décision ne méconnaît pas davantage, en tout état de cause, la décision antérieure du Conseil supérieur de l'audiovisuel en date du 5 janvier 1995 qui interdisait seulement à la Compagnie luxembourgeoise de télédiffusion de détenir 100 % du capital de M 40 ;
Considérant, en troisième lieu, que la décision du 18 janvier 1995 par laquelle le Conseil supérieur de l'audiovisuel a mis en demeure M 40 de ne plus utiliser la dénomination "RTL1" est, en tout état de cause, sans incidence sur la légalité de la décision ici contestée en tant qu'elle autorise M 40 à prendre le nom de "RTL2" ;
Considérant, en quatrième lieu, que si, aux termes de l'article 42-3 de la loi du 30 septembre 1986 modifiée : "L'autorisation peut être retirée, sans mise en demeure préalable, en cas de modification substantielle des données au vu desquelles l'autorisation avait été délivrée, notamment des changements intervenus dans la composition du capital social ou des organes de direction et dans les modalités de financement", ces dispositions ne comportent pas, dans le cas qu'elles visent, l'obligation pour le Conseil supérieur de l'audiovisuel de retirer l'autorisation ; qu'il appartient au Conseil, dans le cadre des pouvoirs qu'il tient de la loi pour autoriser l'exploitation d'un service de radiodiffusion sonore, de rechercher si les modifications envisagées par la société titulaire de l'autorisation sont de nature à remettre en cause les choix opérés lors de la délivrance de cette autorisation ; qu'il ressort des pièces du dossier qu'en estimant que la nouvelle répartition du capital de la société exploitant le programme M 40 entre les différents actionnaires, alors même qu'elle s'accompagnait d'une réorganisation de la direction et d'un changement du nom du programme, n'était pas de nature, compte tenu de l'ensemble des caractères du service de radio en cause, et notamment de l'absence de modification substantielle du contenu du programme lui-même et du fait que la participation de la Compagnie luxembourgeoise de télédiffusion dans le capital de la société exploitant le programme M 40 passait seulement de 35,7 % à 45,9 %, à justifier le retrait de l'autorisation et un nouvel appel à candidatures, le Conseil supérieur de l'audiovisuel n'a pas méconnu les dispositions législatives précitées ;
Considérant, en cinquième lieu, que par une décision en date de ce jour, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a rejeté les conclusions de la requête n° 161718 de la société N.R.J. dirigées contre la décision du Conseil supérieur de l'audiovisuel en date du 29 mars 1994 ; que, par suite, la société N.R.J. n'est, en tout état de cause, pas fondée à demander l'annulation de la décision du 7 mars 1995 par voie de conséquence de celle du 29 mars 1994 ;
Considérant, en sixième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision attaquée ait eu pour effet de favoriser une concentration, au sens de l'article 39 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence, qui aurait été de nature à porter atteinte à la concurrence dans le secteur concerné de l'audiovisuel ;
Considérant, enfin, que si la société N.R.J. soutient que la Compagnie luxembourgeoise de télédiffusion aurait méconnu les dispositions de l'article 35 de la loi du 30 septembre 1986 modifiée, aux termes desquelles : "Il est interdit de prêter son nom, de quelque manière que ce soit à toute personne qui se porte candidate à la délivrance d'une autorisation relative à un service de communication audiovisuelle", elle n'apporte aucun élément à l'appui de cette allégation et ne démontre pas le détournement de procédure par elle invoqué ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision du 7 mars 1995 du Conseil supérieur de l'audiovisuel est entachée d'excès de pouvoir ;
Sur les conclusions de la Compagnie luxembourgeoise de télédiffusion tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article 75-I de la loi susvisée du 10 juillet 1991 et de condamner la société N.R.J. à payer à la Compagnie luxembourgeoise de télédiffusion la somme de 10 000 F au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La requête de la société N.R.J. est rejetée.
Article 2 : La société N.R.J. versera à la Compagnie luxembourgeoise de télédiffusion la somme de 10 000 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société N.R.J., à la Compagnie luxembourgeoise de télédiffusion, au Premier ministre et au ministre de la culture et de la communication.