Vu 1°) sous le n° 185589, le recours, enregistré le 14 février 1997, présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES ; le MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 17 décembre 1996 de la cour administrative d'appel de Bordeaux en tant que, par ledit arrêt, la cour a rejeté sa demande d'annulation du jugement du 30 mai 1995 du tribunal administratif de Toulouse accordant à M. Jean-Marie X... la décharge de la cotisation supplémentaire à l'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 1987 dans les rôles de la commune de Genebrières (Tarn-et-Garonne) ;
Vu 2°), sous le n° 185599, la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 17 février et 17 juin 1997, au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Jean-Marie X..., demeurant à Genebrières (82230) ; M. X... demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 17 décembre 1996 de la cour administrative d'appel de Bordeaux en tant que, par ledit arrêt , la Cour a, sur recours du ministre du budget, d'une part, réformé le jugement du 30 mai 1995 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a accordé au requérant la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 1987, 1988 et 1989 dans les rôles de la commune de Genebrières, d'autre part, remis à sa charge les impositions litigieuses sur la base d'un bénéfice agricole imposable de 123 383 F pour 1988 et 117 964 F pour 1989 ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu la loi n° 62-917 du 8 août 1962 ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Vu le décret n° 63-766 du 30 juillet 1963 modifié par le décret n° 97-1177 du 24 décembre 1997 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Maïa, Auditeur,
- les observations de la SCP Vier, Barthélemy, avocat de M. Jean-Marie X...,
- les conclusions de M. Arrighi de Casanova, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 71 du code général des impôts applicable à compter du 1er janvier 1986 : "Pour les groupements agricoles d'exploitation en commun dont tous les associés participent effectivement et régulièrement à l'activité du groupement par leur travail personnel : 1° La moyenne des recettes au-delà de laquelle ces groupements sont soumis à un régime d'imposition d'après le bénéfice réel est égale à 60 % de la limite prévue pour les exploitants individuels multipliée par le nombre d'associés. Toutefois, ... elle est égale à la limite prévue pour les exploitants individuels multipliée par le nombre d'associés lorsque la moyenne des recettes du groupement est inférieure ou égale à 1 500 000 F ..." ; qu'aux termes du I de l'article 69 du même code : "Lorsque les recettes d'un exploitant agricole, pour l'ensemble de ses exploitations, dépassent une moyenne de 500 000 F mesurée sur deux années consécutives, l'intéressé est obligatoirement imposé d'après son bénéfice réel à compter de la première année suivant la période biennale considérée" ; que l'article 69 B premier alinéa dudit code dispose enfin que "les exploitants agricoles imposés, en raison de leurs recettes, d'après un régime de bénéfice réel, au titre de l'année 1984 ou d'une année ultérieure, sont "soumis définitivement à un régime de cette nature" ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis à la cour administrative d'appel de Bordeaux que M. Jean-Marie X..., qui était soumis au régime réel simplifié depuis 1981, a fait apport de son exploitation au GAEC dit du Foissac-Haut le 31 décembre 1985 ; qu'il est constant qu'au titre de chacune des années d'imposition en litige, 1987, 1988 et 1989, le régime fiscal de ce groupement a été, en vertu des dispositions précitées de l'article 71 et 69-I du code général des impôts, celui du forfait ; que l'administration a toutefois estimé que M. Jean-Marie X..., en application des dispositions de ce dernier article et de celles de l'article 69 B restait soumis, pour sa part lui revenant des bénéfices du groupement, à un régime réel d'imposition ; qu'elle a en conséquence assujetti M. X... à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu au titre de l'année 1987 et établi selon ce régime les cotisations mises initialement à sa charge au titre de chacune des années 1988 et 1989 ; que, par un arrêt du 17 décembre 1996, la cour administrative d'appel, infirmant le jugement du tribunal, a admis le bien fondé de ces impositions au regard de la loi, mais, en ce qui concerne les cotisations supplémentaires au titre de l'année 1987, confirmé la décharge prononcée par les premiers juges en reconnaissant le contribuable fondé à se prévaloir, en vertu des dispositions de l'article L. 80-A du livre des procéduresfiscales, de l'interprétation qui ressortirait des termes de l'instruction 5 E-5-85 publiée au bulletin officiel de la direction générale des impôts du 19 mars 1985 ; que, sous le n° 185589, le MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES se pourvoit contre cet arrêt en tant qu'il confirme la décharge des cotisations supplémentaires litigieuses au titre de l'année 1987 ; que, sous le n° 185599, M. X... demande l'annulation du même arrêt en tant qu'il a remis à sa charge les impositions qui lui ont été assignées au titre des années 1988 et 1989 ; qu'il y a lieu de joindre ces deux pourvois pour statuer par une seule décision ;
En ce qui concerne les conclusions du pourvoi du MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES relatives aux cotisations d'impôt sur le revenu de l'année 1987 :
Considérant que l'instruction 5 E-5-85 du 19 mars 1985 ci-dessus mentionnée ne comporte aucune interprétation du premier alinéa de l'article 69 B précité selon laquelle, contrairement à ce qu'implique la généralité de son champ d'application, un exploitant agricole ayant relevé d'un régime de bénéfice réel au titre de l'année 1984 ou d'une année ultérieure pourrait ensuite, du seul fait de l'apport de son exploitation individuelle à un GAEC dont les recettes n'excéderaient pas l'une ou l'autre des limites définies par l'article 71-1°, être imposé selon le régime de l'évaluation forfaitaire défini par l'article 64 ; qu'ainsi le MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES est fondé à demander l'annulation de l'arrêt du 17 décembre 1996 de la cour administrative d'appel de Bordeaux en tant que, par son article 3, il rejette, pour un motif tiré de l'instruction susmentionnée, ses conclusions tendant à ce que soient remises à la charge de M. Jean-Marie X..., les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 1987 ;
Considérant qu'aux termes de l'article 11 de la loi susvisée du 31 décembre 1987 le Conseil d'Etat, s'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort, peut "régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie" ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond ;
Considérant que, par les dispositions précitées de l'article 71 du code général des impôts éclairées par les travaux préparatoires à l'adoption de l'article 81-I de la loi de finances pour 1984, n° 83-1179 du 29 décembre 1983, de l'article 3-I de la loi de finances pour 1985, n° 84-1208 du 29 décembre 1984, et de l'article 4 de la loi de finances rectificative pour 1986, n° 86-824 du 11 juillet 1986, dont elles sont issues, le législateur a entendu abandonner la règle, jusqu'alors applicable en vertu des dispositions combinées du I précité de l'article 69 du code général des impôts et des articles 1er et 7 de la loi n° 62-917 du 8 août 1962, selon laquelle les associés d'un groupement agricole d'exploitation en commun (GAEC) sont personnellement soumis à l'impôt sur le revenu, pour la part des bénéfices du groupement correspondant à leurs droits dans celui-ci, suivant un régime déterminé en comparant, pour chacun d'eux, la part proportionnelle aux mêmes droits, des recettes du groupement à la moyenne de 500 000 F, mesurée sur deux années consécutives, fixée par le I de l'article 69, pour lui substituer la règle selon laquelle, à la condition qu'ils participent tous effectivement et régulièrement, par leur travail personnel, à l'activité du groupement, les associés de ce dernier sont, comme ceux des autres sociétés civiles de personnes de la nature de celles que vise, notamment, l'article 8 du code général des impôts, personnellement soumis à l'impôt sur le revenu à raison de la part qui correspond à leurs droits dans le bénéfice social, déterminé conformément au régime d'imposition qu'induisent la nature de l'activité et, le cas échéant, le montant global des recettes de la société ; que les dispositions ainsi analysées de l'article 71 du code général des impôts n'ont pas entendu toutefois faire obstacle, et ne le font pas à l'application
de celles du premier alinéa de l'article 69 B du même code, issues de l'article 83-II de la loi de finances pour 1984, n° 83-1179 du 29 décembre 1983, qui concernent l'ensemble des exploitants agricoles, et aux termes desquelles ceux de ces exploitants qui ont été "imposées d'après un régime de bénéfice réel au titre de l'année 1984 ou d'une année ultérieure sont définitivement soumis à un régime de cette nature" ; que, par suite, l'associé d'un GAEC qui, avant d'adhérer à ce groupement, a été imposé en tant qu'exploitant individuel, d'après un régime de bénéficeréel au titre de l'année 1984 ou d'une année ultérieure, reste soumis à un tel régime pour l'imposition de la part lui revenant des bénéfices du groupement, alors même qu'au titre de l'année de cette imposition, les dispositions de l'article 71-1° du code général des impôts auraient impliqué, compte tenu du chifrre d'affaires et du nombre d'associés, que l'ensemble des membres du groupement soient assujettis pour leur part respective à l'impôt sur le revenu selon le régime de l'évaluation forfaitaire, prévu par l'article 64 du même code ; que le MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES est par suite fondé à soutenir que c'est à tort que, par jugement du 30 mai 1995, le tribunal administratif de Toulouse a, sur le terrain de la loi, accordé à M. X... la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 1987 ;
Considérant qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel d'examiner les moyens invoqués par M. X..., à l'appui de ses conclusions en décharge des cotisations litigieuses ;
Considérant qu'il suit de ce qui a été dit que M. Jean-Marie X..., d'une part, n'est pas fondé à soutenir que les dispositions de l'article 69 B du code général des impôts ne lui étaient pas applicables après l'apport de son exploitation au GAEC du Froissac-Haut, d'autre part, ne se prévaut pas utilement, des termes de l'instruction 5 E-5-85 du 19 mars 1985, laquelle, ainsi qu'il a été dit, ne comporte aucune interprétation concernant l'application de l'article 69 B à la situation d'un exploitant individuel ayant fait apport de son exploitation à un GAEC ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES est fondé à demander l'annulation du jugement du 30 mai 1995 du tribunal administratif de Toulouse en tant qu'il a déchargé M. Jean-Marie X... des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 1987 et à ce que lesdites cotisations soient remises à la charge du contribuable ;
En ce qui concerne les conclusions du pourvoi de M. Jean-Marie X... relatives aux cotisations d'impôt sur le revenu des années 1988 et 1989 :
Considérant, en premier lieu, qu'en jugeant qu'en application des dispositions précitées de l'article 69 B du code général des impôts M. X... se trouvait définitivement soumis à un régime réel d'imposition sans qu'y fasse obstacle la double circonstance qu'il avait fait apport de son exploitation à un GAEC à compter du 1er janvier 1986 et que ce groupement relevait du régime forfaitaire, la cour administrative d'appel de Bordeaux n'a commis aucune erreur de droit ;
Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 80-A du livre des procédures fiscales : "Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été , à l'époque, formellement admise par l'administration" ; que M. X... n'ayant fait l'objet d'aucun rehaussement d'imposition au titre des années 1988 et 1989, c'est à bon droit que la cour, qui n'a commis aucune dénaturation des faits et pièces soumis à son examen, a jugé que le contribuable n'étaient en tout état de cause pas fondé, sur le fondement de l'article L. 80 A précité, à se prévaloir de la doctrine administrative à l'appui de ses conclusions tendant à ce que soit maintenue la décharge desdites impositions ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt du 17 décembre 1996 de la cour administrative d'appel de Bordeaux en tant qu'il a remis à sa charge les cotisations d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 1988 et 1989 ;
Article 1er : L'article 3 de l'arrêt du 17 décembre 1996 de la cour administrative d'appel de Bordeaux et la partie subsistante du jugement du tribunal administratif de Toulouse du 30 mai 1995 sont annulés.
Article 2 : Les cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles M. Jean-Marie X... a été assujetti au titre de l'année 1987 sont remises à sa charge.
Article 3 : La requête de M. Jean-Marie X... est rejetée.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Jean-Marie X... et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.