Vu la requête enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 12 décembre 1997 pour la société anonyme SECAP dont le siège social est ... ; la société anonyme SECAP demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt en date du 14 octobre 1997 par lequel la cour administrative de Paris a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation d'un jugement du 12 octobre 1995 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande en réduction du complément d'impôt sur les sociétés auquel elle a été assujettie au titre de l'année 1983 et d'autre part à l'obtention de la décharge des impositions contestées ;
2°) de statuer au fond en prononçant la décharge du supplément d'impôt contesté ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Sauron, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP de Chaisemartin, Courjon, avocat de la société anonyme SECAP,
- les conclusions de M. Arrighi de Casanova, Commissaire du gouvernement ;
Considérant, d'une part, qu'à la suite du vote de l'article 86 de la loi de finances pour 1985 dont les dispositions, ajoutées à l'alinéa premier du 5° de l'article 39 du code général des impôts, ont supprimé avec une portée rétroactive le caractère déductible des provisions constituées par les entreprises en vue de faire face aux charges de versement d'allocations en raison du départ à la retraite des membres de leur personnel, le ministre de l'économie et des finances a, par une instruction du 5 avril 1985, invité les contribuables ayant constitué antérieurement à la publication de la loi des provisions de cette nature à souscrire avant le 1er octobre 1985 une déclaration rectificative, à défaut de laquelle les majorations dues en cas de mauvaise foi seraient appliquées ; que, par une décision du 6 mai 1987, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé cette instruction en tant qu'elle avait incompétemment assujetti les entreprises entrant dans le champ d'application des dispositions de l'article 86 de la loi de finances pour 1985 à une déclaration rectificative de résultats et prescrit l'application, en l'absence de cette déclaration, des sanctions prévues en cas de mauvaise foi du contribuable ;
Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 189 du livre des procédures fiscales : "La prescription est interrompue par la notification d'une proposition de redressement ... de même que par tout acte comportant reconnaissance de la part des contribuables ..." ; que ne peuvent constituer des actes comportant reconnaissance de la part des contribuables au sens de ces dispositions que ceux qui sont accomplis par ceux-ci spontanément ou en réponse à une demande régulière de l'administration ;
Considérant qu'il résulte des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société anonyme SECAP, qui avait inscrit au bilan de clôture de son exercice 1983 une provision pour charges de retraites d'un montant de 583 982 F qu'elle avait déduite de ses résultats, a souscrit le 26 septembre 1985 une déclaration rectificative réintégrant cette provision dans ses bases d'imposition ; qu'en jugeant que cette déclaration rectificative valait reconnaissance par la société de sa dette fiscale, et avait interrompu le délai de reprise de quatre ans courant contre l'administration, alors qu'elle constatait par ailleurs que la société n'avait souscrit cette déclaration rectificative que pour se conformer aux dispositions d'une instruction illégale et éviter ainsi les sanctions qu'elle prévoyait, la cour administrative de Paris a commis une erreur de droit ; que, par suite, sans qu'il soit besoin de statuer sur l'autre moyen de la requête, la société anonyme SECAP est fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué du 14 octobre 1997 ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article 11 de la loi du 31 décembre 1987 et de régler l'affaire au fond ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société requérante est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué en date du 12 octobre 1995, le tribunal administratif de Paris a jugé que la déclaration rectificative du 26 septembre 1985 avait interrompu la prescription ; qu'en l'absence de tout acte ayant régulièrement interrompu celle-ci et ouvert en conséquence à l'administration un nouveau délai de reprise, la cotisation supplémentaire à l'impôt sur les sociétés s'élevant à 291 990 F mise à la charge de la société anonyme SECAP à raison de la réintégration dans ses bases imposables au titre de l'exercice 1983 de la provision pour charges de retraite de 583 982 F était atteinte par la prescription lorsqu'elle a été mise en recouvrement le 30 novembre 1988 sous le n° 51133 des rôles de la commune de Boulogne-Billancourt ; qu'il y a lieu, par suite, d'annuler le jugement du 12 octobre 1995 et de prononcer la décharge de cette imposition ;
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative de Paris du 14 octobre 1997 et le jugement du tribunal administratif de Paris du 12 octobre 1995 sont annulés.
Article 2 : La société SECAP est déchargée à hauteur de 291 990 du supplément d'impôt sur les sociétés auquel elle a été assujettie au titre de l'exercice 1983 dans les rôles de la commune de Boulogne-Billancourt.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société anonyme SECAP et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.