Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 9 mars et 9 juillet 1998 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE A.T.G. GIGADISC, dont le siège social est ... ; la SOCIETE A.T.G. GIGADISC demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule l'arrêt en date du 30 décembre 1997 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a, d'une part, annulé le jugement du tribunal administratif de Paris du 27 février 1997 condamnant l'Etat à verser à la SOCIETE A.T.G. GIGADISC les intérêts moratoires sur une somme de 4 262 239 F, dans la limite de 730 270 F et capitalisés au 13 octobre 1989, et, d'autre part, rejeté la requête de la SOCIETE A.T.G. GIGADISC ;
2°) condamne l'Etat à lui verser la somme de 14 000 F sur le fondement de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Vu le décret n° 63-766 du 30 juillet 1963 modifié par le décret n° 97-1177 du 24 décembre 1997 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Mahé, Auditeur,
- les observations de la SCP Vier, Barthélemy, avocat de la SOCIETE A.T.G. GIGADISC et de Me X...,
- les conclusions de M. Courtial, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une demande en date du 22 octobre 1987, renouvelée le 21 octobre 1988, la société immobilière de Bosso Campo, devenue à compter du 28 avril 1992, la SOCIETE A.T.G. GIGADISC a demandé à l'administration, dans le cadre de la procédure prévue aux articles 242 O A et suivants de l'annexe II au code général des impôts, le remboursement intégral du crédit de taxe sur la valeur ajoutée dont elle disposait au 30 septembre 1987, pour un montant de 8 091 946 F ; que cette demande a fait, pour un montant de 4 262 239 F, l'objet d'une décision d'admission partielle notifiée à la société le 5 juin 1989, cette somme lui étant versée le 27 juin 1989 ; que la société, se fondant sur les dispositions de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales, a demandé que la somme de 4 262 239 F donne lieu au paiement d'intérêts moratoires et, dans la mesure où l'administration ne s'était pas acquittée de sa dette d'intérêts dus au jour du paiement du principal, au paiement d'intérêts moratoires sur cette dette d'intérêts ; que, sur refus de l'administration de déférer à cette demande, le litige a été porté devant le tribunal administratif de Paris qui a fait droit à la demande de la société par un jugement du 27 février 1997 ; que la SOCIETE A.T.G. GIGADISC se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 30 décembre 1997 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a annulé le jugement du tribunal administratif de Paris et rejeté sa demande de paiement d'intérêts moratoires sur la somme de 4 262 239 F ;
Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales : "Les réclamations relatives aux impôts, contributions, droits, taxes, redevances, soultes et pénalités de toute nature, établis ou recouvrés par les agents de l'administration, relèvent de la juridiction contentieuse lorsqu'elles tendent à obtenir soit la réparation d'erreurs commises dans l'assiette ou le calcul des impositions, soit le bénéfice d'un droit résultant d'une disposition législative ou réglementaire ..." et qu'aux termes de l'article L. 199 du même code : "En matière d'impôts directs et de taxe sur le chiffre d'affaire ou de taxes assimilées, les décisions rendues par l'administration sur les réclamations contentieuses et qui ne donnent pas entière satisfaction aux intéressés peuvent être portées devant le tribunal administratif ..." ; que, d'autre part, aux termes de l'article R. 198-10 du livre des procédures fiscales : "L'administration des impôts ou l'administration des douanes et droits indirects, selon le cas, statue sur les réclamations dans le délai de six mois suivant la date de leur présentation ..." et qu'aux termes de l'article R. 199-1 du même code : "L'action doit être introduite devant le tribunal compétent dans le délai de deux mois à partir du jour de la réception de l'avis par lequel l'administration notifie au contribuable la décision prise sur la réclamation, que cette notification soit faite avant ou après l'expiration du délai de six mois prévue à l'article R. 198-10. Toutefois, le contribuable qui n'a pas reçu de décision de l'administration dans le délai de six mois mentionné au premier alinéa peut saisir le tribunal dès l'expiration de ce délai ..." ;
Considérant que les demandes de remboursement de crédits de taxe sur la valeur ajoutée présentées sur le fondement de l'article 271-3 du code général des impôts aux termes duquel : "La taxe déductible dont l'imputation n'a pu être opérée peut faire l'objet d'un remboursement dans les conditions, selon les modalités et dans les limites fixées par décret en Conseil d'Etat", constituent, au sens des dispositions précitées de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales, des réclamations contentieuses qui sont soumises à des conditions et délais particuliers fixés par les articles 242-O A et suivants de l'annexe II au code général des impôts ; que la décision que prend le service sur une réclamation de cette nature, lorsqu'elle ne donne pas entièrement satisfaction au redevable et même si elle est précédée d'opérations de contrôle, n'a pas le caractère d'une procédure de reprise ou de redressement ; qu'il résulte de la combinaison des articles R. *198-10 et R. * 199-1 du livre des procédures fiscales précités que lorsque l'administration n'a pas statué sur cette réclamation dans le délai de six mois qui lui est imparti, elle est considérée comme ayant rejeté implicitement la réclamation dont elle était saisie, ce qui permet au demandeur de saisir le tribunal administratif ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales : "Quand l'Etat est condamné à un dégrèvement d'impôt par un tribunal ou quand un dégrèvement est prononcé par l'administration des impôts à la suite d'une réclamation tendant à la réparation d'une erreur commise dans l'assiette ou le calcul de l'imposition, les sommes déjà perçues sont remboursées au contribuable et donnent lieu au paiement d'intérêts moratoires dont le taux est celui de l'intérêt légal. Les intérêts courent du jour du paiement ..." ; que les remboursements de taxe sur la valeur ajoutée obtenus par la SOCIETE A.T.G. GIGADISC sont intervenus postérieurement au rejet par l'administration d'une réclamation ; qu'ils ont eu, à la suite de ce rejet, le caractère d'un dégrèvement contentieux de la même nature que celui prononcé par un tribunal au sens des dispositions précitées de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales ; que, par suite, la circonstance que le droit à remboursement ne procéderait pas, à l'origine, d'une erreur commise par l'administration dans l'assiette ou le calcul d'une imposition, est sans incidence ; qu'ils doivent dès lors donner lieu au paiement d'intérêts moratoires sur la somme de 4 262 239 F ; que ces intérêts moratoires doivent courir, s'agissant de la procédure de remboursement de crédits de taxe sur la valeur ajoutée pour laquelle il n'y a pas de paiement antérieur de la part du redevable, à compter de la date de la réclamation qui fait apparaître le crédit remboursable ; que la SOCIETE A.T.G. GIGADISC est donc fondée à soutenir que c'est à tort que la cour administrative d'appel de Paris a annulé le jugement du tribunal administratif de Paris et a rejeté sa demande d'intérêts moratoires ; que, par suite, l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris en date du 30 décembre 1997 doit être annulé ;
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, par application de l'article 11, deuxième alinéa, de la loi du 31 décembre 1987 susvisée, de statuer sur l'appel formé par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ;
Considérant, ainsi qu'il a été dit ci-dessus que le remboursement de taxe sur la valeur ajoutée obtenu par la SOCIETE A.T.G. GIGADISC doit donner lieu au paiement d'intérêts moratoires sur la somme de 4 262 239 F et que ces intérêts moratoires doivent courir à compter de la date de la réclamation ; qu'en outre, la dette d'intérêts constituée à la date de la restitution du principal de la taxe, porte elle-même intérêts à compter du jour de réception de la demande de paiement d'intérêts moratoires ; que, par suite, l'appel du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie du 1er juillet 1997 dirigé contre le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 27 février 1997, doit être rejeté ;
Sur les conclusions de la SOCIETE A.T.G. GIGADISC tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 et de condamner l'Etat à payer à la SOCIETE A.T.G. GIGADISC la somme de 30 000 F au titre des frais exposés par elle en cassation et en appel et non compris dans les dépens ;
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris en date du 30 décembre 1997 est annulé.
Article 2 : L'appel du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie est rejeté.
Article 3 : L'Etat versera à la SOCIETE A.T.G. GIGADISC une somme de 30 000 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE A.T.G. GIGADISC et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.