Vu le recours, enregistré au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le 8 avril 1994, présenté par le MINISTRE DU BUDGET, PORTE-PAROLE DU GOUVERNEMENT ; le ministre demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 9 février 1994 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes, annulant le jugement du 23 juin 1992 du tribunal administratif de Caen, a accordé à la S.A. Pinault-Normandie la réduction de la cotisation supplémentaire à l'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 1982 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Bonnot, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Guiguet, Bachellier, Potier de La Varde, avocat de la S.A. Pinault-Normandie,
- les conclusions de M. Courtial, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 38 du code général des impôts, rendu applicable pour la détermination des bénéfices de l'impôt sur les sociétés par l'article 209 du même code : " ...2- Le bénéfice est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt ...L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés" ; qu'aux termes de l'article 39 dudit code : "- Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges" ; qu'il résulte des dispositions de l'article 38 quater de l'annexe III au même code que les inscriptions aux différents postes figurant au bilan, doivent respecter les définitions édictées par le plan comptable général dans la mesure où ces définitions ne sont pas incompatibles avec les règles applicables pour l'assiette de l'impôt ;
Considérant que si le plan comptable général prévoit de comptabiliser l'opération de remise à l'escompte d'un effet de commerce comme la sortie d'un élément d'actif, il n'en demeure pas moins que les intérêts résultant de cette opération, enregistrés dans ses comptes par le remettant, correspondent à un crédit consenti par le banquier escompteur et sont calculés en fonction de la durée restant à courir entre la date de cette remise et celle de l'échéance de l'effet ; que, par suite, ces intérêts constituent pour le remettant une charge déductible de l'exercice au titre duquel ils ont couru ; que, lorsque la date de remise est antérieure à la clôture d'un exercice et la date d'échéance postérieure à cette clôture, les intérêts payés lors de la remise mais non courus au titre de cet exercice doivent être traités comme des charges constatées d'avance, rattachables à l'exercice suivant ;
Considérant que, pour annuler le jugement en date du 23 juin 1992 du tribunal administratif de Caen et décharger la société Pinault-Normandie de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés de 178.106 F à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 1982, la cour administrative d'appel a jugé que "lorsqu'une entreprise remet à l'escompte les effets de commerce qu'elle détient sur sa clientèle, lesquels sortent ainsi de l'actif de l'entreprise, les frais d'escompte qu'elle supporte à cette occasion sont, qu'ils se rapportent à la rémunération du service bancaire ou aux intérêts afférents à la mise à la disposition de la somme d'argent correspondante, des charges déductibles du bénéfice de l'exercice au cours duquel ils ont été exposés" et que "dans l'hypothèse d'effets de commerce non échus remis à l'escompte en fin d'exercice, les frais correspondants exposés lors de la remise, doivent être regardés non comme des charges payées d'avance mais comme des charges de l'exercice au cours duquel ils ont été payés" ; qu'en statuant ainsi, la Cour a commis une erreur de droit ; que son arrêt doit, dès lors, être annulé ;
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, par application de l'article L.821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au fond ;
Considérant, en premier lieu, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, que les intérêts rémunérant le crédit consenti à une entreprise par sa banque au titre de l'escompte d'effets de commerce sont une charge déductible de l'exercice au cours duquel ils ont couru ; que, dès lors, c'est à bon droit que l'administration a refusé d'admettre en déduction du bénéfice réalisé par la société Pinault-Normandie au titre de l'exercice clos le 31 décembre 1982 le montant des intérêts payés lors de la remise d'effets à l'escompte avant la clôture de l'exercice mais correspondant à la période comprise entre la clôture de l'exercice et la date d'échéance de ces effets ;
Considérant, en deuxième lieu, que les dispositions du 5° du 1 de l'article 39 du code général des impôts, relatives à la constitution de provisions ne peuvent utilement être invoquées par la société Pinault-Normandie qui n'a pas constitué de provisions ;
Considérant, en dernier lieu, que le moyen tiré de la rupture d'égalité résultant de la différence de traitement fondée sur la date de remise des effets à l'escompte est, en tout état de cause, inopérant ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Pinault-Normandie n'est pas fondée à demander l'annulation du jugement par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande ;
Article 1er : L'arrêt en date du 9 février 1994 de la cour administrative d'appel de Nantes est annulé.
Article 2 : La requête présentée par la société Pinault-Normandie devant la cour administrative d'appel de Nantes est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et à la société Pinault-Normandie.