Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 24 août et 24 décembre 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la COMMUNE DE LA GRANDE MOTTE, représentée par son maire en exercice ; la COMMUNE DE LA GRANDE MOTTE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 25 juin 2001 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a, d'une part, annulé le jugement du 13 février 1997 du tribunal administratif de Montpellier en tant que ce jugement rejette les conclusions aux fins d'indemnité présentées par M. A et la société Trans-Côte et, d'autre part, l'a condamnée à verser à M. A la somme de 1 500 000 F en réparation du préjudice subi par lui du fait de la résiliation de la convention l'autorisant à exploiter un petit train touristique sur le territoire de la commune ;
2°) de condamner M. A à lui verser la somme de 30 000 F en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Bouchez, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de la COMMUNE DE LA GRANDE MOTTE et de la SCP Thouin-Palat, Urtin-Petit, avocat de M. A et de la société Trans-Côte,
- les conclusions de M. Piveteau, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que, par une décision du 29 octobre 1993, le maire de la COMMUNE DE LA GRANDE MOTTE a résilié la convention de concession passée le 13 août 1986 entre cette commune et M. A en vue de l'exploitation par celui-ci d'un petit train routier destiné aux touristes, et lui a enjoint en conséquence de cesser son activité ; que, par un jugement du 13 février 1997, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté les demandes de M. A tendant, d'une part, à l'annulation de cette décision, et, d'autre part, à l'indemnisation des préjudices en résultant ; que la COMMUNE DE LA GRANDE MOTTE se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 25 juin 2001 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille, infirmant ce jugement, a condamné la commune à verser à M. A la somme de 1 500 000 F en réparation du préjudice résultant de l'interruption de son activité commerciale ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'en enjoignant à M. A de cesser l'exploitation de son petit train, le maire de La Grande Motte a entendu tirer les conséquences de la résiliation de la convention du 13 août 1986, et non faire usage de ses pouvoirs de police ; que la lettre du 29 octobre 1993 ne contient ainsi qu'une décision, qui tend à mettre fin à l'activité commerciale de M. A, et dont celui-ci invoquait l'illégalité au soutien de ses conclusions à fin d'indemnisation ; que, par suite, en estimant, contrairement à ce qu'avait jugé le tribunal administratif, que la responsabilité de la COMMUNE DE LA GRANDE MOTTE pouvait être engagée à raison des conséquences dommageables de cette décision, la cour administrative d'appel de Marseille n'a pas statué sur une demande nouvelle en appel ni commis d'erreur de droit ;
Considérant, toutefois, qu'en se bornant à relever dans son arrêt que le comportement de la commune avait causé à M. A un préjudice financier résultant, d'une part, de l'interruption de son activité avant le terme normal de la convention, et, d'autre part, de la perte d'une chance sérieuse de poursuivre cette activité au-delà de ce terme, et à fixer à 1 500 000 F la réparation de ce préjudice, sans préciser sur quels éléments de droit et de fait elle fondait son appréciation sur l'existence d'une perte de chance sérieuse de poursuite de l'exploitation et sur l'évaluation d'un tel préjudice, la cour administrative d'appel de Marseille n'a pas suffisamment motivé son arrêt ; que, par suite, il y a lieu d'annuler l'arrêt attaqué en tant qu'il fixe à 1 500 000 F le montant de l'indemnité accordée à M. A au titre de l'interruption de son activité commerciale ;
Considérant qu'en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en ce qui concerne l'indemnisation due à M. A au titre de l'interruption de son activité commerciale ;
Considérant que quels qu'aient pu être le fondement et la portée juridiques de la convention de concession signée le 14 août 1986, M. A a pu croire que la décision du 29 octobre 1993 et l'injonction corrélative de cesser toute promenade lui interdisaient désormais de mettre en circulation le petit train routier dont il assurait l'exploitation ; qu'ainsi, dans les circonstances de l'espèce, et eu égard aux revenus annuels tirés de l'exploitation de ce petit train routier, il sera fait une juste appréciation du préjudice subi par M. A en l'évaluant à 20 000 euros ; qu'il y a lieu de condamner la COMMUNE DE LA GRANDE MOTTE à payer cette somme, assortie des intérêts de droit à compter du 28 décembre 1993, date de la première demande présentée par M. A à la commune ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de condamner M. A à payer à la COMMUNE DE LA GRANDE MOTTE la somme que celle-ci demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que ces mêmes dispositions font obstacle à ce que la COMMUNE DE LA GRANDE MOTTE, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamnée à payer à M. A la somme que celui-ci demande au même titre ;
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'article 2 de l'arrêt du 25 juin 2001 de la cour administrative d'appel de Marseille est annulé.
Article 2 : La COMMUNE DE LA GRANDE MOTTE est condamnée à payer à M. A la somme de 20 000 euros. Cette somme portera intérêt au taux légal à compter du 28 décembre 1993.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la COMMUNE DE LA GRANDE MOTTE est rejeté.
Article 4 : Les conclusions de M. A tendant à la condamnation de la COMMUNE DE LA GRANDE MOTTE en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que le surplus de ses conclusions présentées devant la cour administrative d'appel de Marseille sont rejetés.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la COMMUNE DE LA GRANDE MOTTE, à M. Jean A, à la société Trans-Côte et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.