Vu la requête, enregistrée le 2 août 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Jean-Louis A, demeurant ... ; M. A demande au juge des référés du Conseil d'Etat, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :
1°) de suspendre l'exécution du décret du Président de la République en date du 25 juillet 2006 en tant qu'il nomme M. Bertrand B substitut du procureur général près la cour d'appel de Montpellier pour exercer les fonctions de procureur de la République près le tribunal de grande instance de Narbonne ;
2°) d'enjoindre au garde des sceaux de réexaminer, dans les meilleurs délais et, au plus tard, avant l'expiration d'un délai d'un mois, les candidatures des magistrats souhaitant exercer les fonctions susmentionnées, y compris sa propre candidature, notamment au regard des dispositions de l'article 29 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature ;
il soutient que la condition d'urgence est remplie, dès lors que l'exécution du décret attaqué, lequel fait obstacle à ce qu'il puisse occuper avant plusieurs années un emploi du premier grade au tribunal de grande instance de Narbonne, porterait une atteinte grave et immédiate à sa situation personnelle ; qu'en effet, exerçant depuis 2002 les fonctions de vice-procureur de la République près le tribunal de grande instance de Perpignan, il réside à Narbonne avec sa compagne et se trouve contraint d'effectuer des trajets quotidiens entre les deux villes ; que cette situation affecte ses conditions de vie familiale ; que l'annulation de la nomination de M. B, qui sera installé dans ses fonctions au début du mois de septembre prochain, préjudicierait gravement à divers intérêts publics ; que, par ailleurs, les moyens invoqués par le requérant à l'appui de son recours en annulation sont propres à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité du décret attaqué ; qu'en particulier, la nomination de M. B a été prononcée en méconnaissance du principe d'égalité entre les agents publics ; qu'elle procède également d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 29 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 ;
Vu le décret dont la suspension est demandée ;
Vu la copie de la requête de M. A tendant à l'annulation du décret dont la suspension est demandée ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 18 août 2006, présenté par le garde des sceaux, ministre de la justice, qui conclut au rejet de la requête ;
il soutient que la condition d'urgence n'est pas remplie, dès lors que, M. A ne fournissant pas de précisions sur ses conditions de vie familiale et les villes de Narbonne et de Perpignan étant relativement proches l'une de l'autre, l'exécution du décret attaqué ne porterait pas une atteinte grave et immédiate à la situation personnelle ; que, par ailleurs, aucun des moyens invoqués par le requérant ne sont propres à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité du décret attaché qui ne méconnaît pas le principe d'égalité et n'est entaché ni d'erreur de droit, ni d'erreur manifeste d'appréciation ;
Vu le mémoire, enregistré le 21 août 2006, présenté par M. A qui s'en remet à la sagesse du Conseil quant au bien-fondé de la requête ;
il expose que la condition d'urgence ne lui paraît plus remplie, dès lors qu'il sera, vers le 10 septembre prochain, définitivement séparé de sa compagne ;
Vu le mémoire en réplique, enregistré le 22 août 2006, présenté par M. A qui conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens, tout en précisant que les observations du garde des sceaux, ministre de la justice, qui se prévaut d'une ordonnance en date du 26 août 2004 du juge des référés du Conseil d'Etat, ne sont pas de nature à établir que la condition d'urgence ne serait pas remplie en l'espèce ;
Vu le nouveau mémoire, enregistré le 23 août 2006, présenté par M. A qui conclut aux mêmes fins que son précédent mémoire, enregistré le 21 août 2006 ;
Vu le nouveau mémoire en réplique, enregistré le 23 août 2006, présenté par M. A qui conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1978 modifiée portant loi organique relative au statut de la magistrature ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, M. A et, d'autre part, le garde des sceaux, ministre de la justice et M. Bertrand B ;
Vu le procès-verbal de l'audience publique du 24 août 2006 à 11 heures au cours de laquelle ont été entendus les représentants du garde des sceaux, ministre de la justice ;
Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la possibilité pour le juge des référés d'ordonner la suspension de l'exécution d'une décision administrative est subordonnée, notamment, à la condition que l'urgence le justifie ; que l'urgence, qui s'apprécie objectivement et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, est établie lorsque l'exécution de la décision porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre ;
Considérant que, si, pour demander, dans son mémoire introductif d'instance enregistré le 2 août 2006, la suspension du décret du Président de la République en date du 25 juillet 2006 nommant M. B aux fonctions de procureur de la République près le tribunal de grande instance de Narbonne, M. A, qui occupe l'emploi de vice-procureur de la République près le tribunal de grande instance de Perpignan, mais qui réside à Narbonne avec sa compagne, fait valoir que l'exécution de ce décret le prive de la possibilité d'être lui-même affecté au tribunal de Narbonne avant plusieurs années et affecte, ainsi, gravement ses conditions de vie familiale, ces circonstances ne sont pas de nature à caractériser une situation d'urgence, alors que, d'une part, les villes de Narbonne et de Perpignan n'étant distantes que de 65 kms, l'intéressé est en mesure d'effectuer des trajets quotidiens pour se rendre de son domicile au siège de sa juridiction et que, d'autre part, il a, en tout état de cause, fait connaître au Conseil, dans un mémoire enregistré le 21 août 2006, qu'il allait se séparer définitivement de sa compagne au début du mois de septembre ; que le requérant n'est, par suite, pas fondé à demander la suspension du décret attaqué, ni le prononcé d'injonctions d'exécution à l'encontre du garde des sceaux, ministre de la justice ;
O R D O N N E :
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Article 1er : La requête de M. Jean louis A est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. Jean-Louis A, au garde des sceaux, ministre de la justice et à M. Bertrand B.